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Le bilinguisme conspirateur
Publié dans Le Temps le 30 - 11 - 2012

Les spécialistes en développement s'intéressent à étudier l'état postcolonial des pays du Tiers-monde. L'observation et les données du terrain montrent bien que la majorité des Tunisiens souffre d'un poste colonialisme linguistique psychologique après plus d'un demi- siècle d'indépendance. Pourtant, la plupart des élites politique et intellectuelle occidentalisées ne veulent pas l'admettre parce qu'elles ont l'esprit prisonnier (Captive Mind) des les symboles linguistico- culturels du colonisateur français selon le grand sociologue malais Seyed Hossein Alatas.
D'autre part, tant des étrangers ne réussissent pas souvent de se rendre compte de ce type de colonialisme. Parce que les Tunisiens les trompent facilement: les étrangers sont impressionnés par la maîtrise de plusieurs Tunisiennes et Tunisiens de parler et écrire la langue française avec fierté et ils assument en même temps que celles-ci et ceux-ci doivent aussi maîtriser d'abord l'arabe (leur langue nationale) et la parler et l'écrire avec beaucoup de fierté. D'où, ces impressions étrangères sur l'état de rapport des Tunisiennes et Tunisiens avec l'arabe sont des impressions assez trompeuses. Il est plutôt plus exact de dire qu'ils souffrent terriblement d'un poste colonialisme. Ceci se manifeste à travers deux indices majeurs: 1- l'usage fréquent du français au lieu de l'arabe et 2- regard d'infériorité à ce dernier par la plupart des Tunisiens avant et après « la Révolution » du 14 janvier 2011. Ce type du poste colonialisme est un fait social selon les termes du sociologue Emile Durkheim. L'un des résultats de cet état des Tunisiennes et Tunisiens est ce que j'appelle le bilinguisme conspirateur. Ceci donne avantage à la langue française au détriment de la langue arabe. Cet état des choses devrait aider à expliquer, par exemple, le grand silence parmi la grande majorité des intellectuels tunisiens après l'indépendance vis-à- vis la continuité aujourd'hui de la colonisation linguistique et culturelle de leurs pays. L'observation montre adéquatement qu'ils considèrent le franco-arabe et le bilinguisme conspirateur comme signes de développement, de modernité et de progrès à l'occidental. En termes sociologiques, leur perception positive de ces symptômes coloniaux s'explique par leur acculturation dans les symboles linguistico-culturels du colonisateur Français au détriment de leur propre langue et culture. Donc, il est très rare voir cette majorité des savants, des intellectuels et des Hommes politiques protester contre le danger de leur dépendance linguistico- culturelle et leur dépendance académique sur les ex-colonisateurs occidentaux. Plusieurs de ces Tunisiennes et Tunisiens bilingues conspirateurs maitrisent bien la langue arabe ou la maîtrisent même plus que le français. Pourtant, à cause du poids lourd du poste colonialisme, ils se trouvent psychologiquement plus au moins forcés d'utiliser la langue française même dans des choses aussi simples que signer ou écrire des chèques ou prononcer des chiffres. Cet effet linguistique psychologique colonial est absent dans les pays qui ont appris des langues étrangères dans un contexte non colonial. Les citoyens de ces sociétés ne souffrent pas du bilinguisme conspirateur.

Memmi et le Tunisien poste colonisé
Selon les termes d'Albert Memmi le portrait du Tunisien moyen colonisé se résume dans une personne qui ne favorise pas se servir de sa propre langue parce qu'elle est éduquée/socialisée en famille, à l'école, à l'université, en administration et dans la rue de ne pas donner priorité à l'usage écrit ou oral à l'arabe : sa langue nationale. Ceci ne peut que générer chez les Tunisiennes et les Tunisiens une perception infériorisant et sous-estimant leur propre langue : l'arabe. D'où, l'adhésion à l'identité Arabe est mise en cause ou rejetée catégoriquement surtout par tant des Tunisiennes Tunisiens « modernistes » étant donné la forte relation que les recherches en sciences sociales ont trouvée entre les langues et les identités des individus et des peuples. Ce portrait colonial linguistique psychologique dépréciant et minimisant la langue nationale après le départ du colonisateur français il y a plusieurs décennies confirme que la majorité des Tunisiennes et Tunisiens est encore dans le pire état de siège du poste colonialisme : la colonisation linguistique psychologique et culturelle. Afin d'élaborer plus les dimensions linguistique et psychologique du poste colonialisme en Tunisie, il suffit ici de souligner l'état de ce j'appelle les deux Arabisations :

I- Le défaut de l'arabisation linguistique:
Dans la société tunisienne indépendante, le terme ‘arabisation' implique le processus d'utiliser l'arabe au lieu du français dans différents secteurs tels que l'enseignement et l'administration. Dans les écoles publiques les élèves tunisiens apprennent les matières en arabe jusqu'à la neuvième année. Mais, le français devient langue de l'enseignement des sciences naturelles et les mathématiques à partir du niveau secondaire jusqu'à la fin des études universitaires. Avec cette politique linguistique la langue arabe subit ce j'appelle L'autre sous-développement (l'exclusion de l'usage scientifique de l'arabe et un regard méprisant de la part des enseignants, des élèves et des étudiants à leur propre langue nationale). Cette action est portée à implanter le syndrome assez répandu parmi les Tunisiennes et les Tunisiens pour qui le statut de l'arabe est perçu inférieur à celui du français. D'autre part, depuis 1999 les administrations gouvernementales sont demandées d'offrir aux Tunisiens leurs services seulement en arabe. Il s'agit ici de ce qu'on pourrait appeler une arabisation de forme. Toutefois, il demeure que plusieurs secteurs publics avant et après la Révolte du 14 janvier 2011 adoptent le français en tant que langue des documents, des correspondances et des dialogues avec les clients tunisiens. Les banques tunisiennes et Tunisie Télécom en sont un exemple. C'est ainsi que le poste colonialisme linguistique demeure bien ancrée dans l'enseignement ainsi que dans les secteurs administratifs.

II- La faiblesse de l'arabisation psychologique
Une vraie réussite de la politique de l'arabisation ne peut pas se faire sans une présence prioritaire et solide de ce que j'appelle l'arabisation psychologique des Tunisiennes et des Tunisiens. Il s'agit de l'arabisation de fond des deux sexes. Ce processus exige qu'ils normalisent entièrement leur relation psychologique avec l'arabe. En bref, cette normalisation consiste en gros dans les aspects suivants : la langue arabe doit occuper une place prioritaire dans les cœurs et les usages quotidiens. Elles et ils devraient sentir aussi spontanément fiers de parler ou d'écrire en arabe. Ils devraient défendre, sans hésitation et sans ambiguïté, la langue arabe contre toute marginalisation ou exclusion dans leur propre société. En d'autres mots, ils devraient sentir bien confortable et bien à l'aise dans leur peau linguistique arabe que ce soit au niveau oral ou écrit. Mais, Les observations systématiques des comportements linguistiques des Tunisiennes et des Tunisiens ne leurs accordent qu'un score assez bas pour l'échelle de l'arabisation psychologique. Celles-ci et ceux-ci ne peuvent pas oser dire aujourd'hui qu'ils ont réussi à normaliser psychologiquement leur rapport avec leur langue nationale.

Les défauts que manifestent les deux arabisations en question sont témoins des symptômes de la poste colonialisme dont souffre encore la majorité du peuple tunisien avant et après la Révolte de 2011. En termes simples, la plupart des Tunisiennes et des Tunisiens ne sont pas libérés de la langue du colonisateur Français. Donc, ils sont loin d'être vraiment et authentiquement indépendants du poste colonialisme français. Car le poste colonialisme linguistique psychologique et culturel est plus dangereux que les autres formes de colonisation : militaire, politique et agricole. Il s'agit d'un poste colonialisme de l'esprit et de l'âme.

Le conflit et la contradiction
Le mauvais état des deux arabisations crée un conflit et une contradiction au sein de la société tunisienne. D'une part, les Tunisiennes, les Tunisiens et leur constitution considèrent que l'arabe est leur seule langue nationale. De l'autre, leur score est faible sur l'échelle des deux catégories d'arabisation ci-dessus. D'où, ils vivent clairement un paradoxe, un conflit et un déchirement concernant leur rapport intime avec leur langue nationale. Le problème que pose le poste colonialisme est tellement fort et aigu chez les Tunisiennes et les Tunisiens dont leurs comportements agissent souvent en faveur de la continuité du poste colonialisme linguistique psychologique en Tunisie. D'où, elles et ils ont appris à mentir à eux même et à être hypocrites. Ils ne font pas ce qu'ils disent dans leur constitution à propos de la langue arabe. Ce mensonge, cette ambiguïté et ce conflit sont forcement le résultat net du complexe du poste colonialisme linguistique psychologique .
Notre nouveau concept du bilinguisme conspirateur dérive directement du poste colonialisme linguistique psychologique tunisien. Il est, peu ou prou, un bilinguisme conspirateur contre l'arabe. IL incite les Tunisiennes et les Tunisiens à marginaliser l'arabe et à diminuer son statut psychologiquement et socialement. L'exclusion de l'arabe dans les discours des femmes « démocrates » tunisiennes réunies dans un colloque à Beit El Hikma le 28 janvier 2012 est une manifestation sonore du bilinguisme féminin tunisien conspirateur. Le thème du colloque mettait l'accent sur la condition de la femme dans le monde arabo-musulman. Ce colloque en français est un exemple de l'aliénation linguistique psychologique ou le bilinguisme conspirateur. Ce dernier est donc un bilinguisme poste colonial dans la mesure où il n'offre pas aux Tunisiennes et aux Tunisiens ni immunité linguistico-culturelle ni protection de leur identité tunisienne marquée, malgré tout, par la langue et la culture arabes. Cet état de langue chez les femmes « démocrates » tunisiennes traduit une absence de se sentir bien à l'aise dans leur propre langue. Ceci exprime clairement le côté le plus laid du visage du poste colonialisme en Tunisie.
Par Mahmoud Dhaouadi – sociologue


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