Il aura suffi que le Pr Faouzi Addad, cardiologue de renom, lance un cri de détresse sur les réseaux sociaux et affirme que l'hôpital Abderrahmane Mami de l'Ariana souffre d'une pénurie en produits anesthésiants pour que tout rentre dans l'ordre et que la pharmacie centrale, mais aussi la présidence du gouvernement réagissent. Pourtant, la polémique sur la pénurie des médicaments enflait depuis des mois, sur fond de réfutations et de limogeages. Faudra-t-il, à chaque fois, attendre que la situation se détériore et que les choses arrivent à un point de non retour pour voir l'ordre se rétablir ? Jusqu'à quand cette passivité ? «Voici la dernière ampoule de xylocaine à hôpital de l'Ariana ce matin. Une pénurie qui dure depuis des semaines et qui arrive à sa fin. On ne peut plus faire d'anesthésie locale et on va annuler tous nos patients. C'est la première fois que je poste ce genre d'information malgré les nombreuses pénuries mais là, on a atteint le fond du fond. Si les médecins quittent les hôpitaux ce n'est pas uniquement pour des raisons financières mais surtout pour cela. On a perdu espoir. » C'est par ces mots simples mais tellement lourds de sens que le Pr Addad a annoncé la pénurie en produite anesthésiants qui aurait eu, si elle avait persisté, des conséquences très graves à commencer par le report de toutes les interventions chirurgicales ce qui aurait provoqué l'ire des patients et de leurs familles. Deux jours plus tard, le fraîchement nommé directeur de la pharmacie centrale réfutait ces allégations, affirmant que l'hôpital Abderrahmane Mami avait été approvisionné en produit anesthésiant, jetant ainsi un discrédit sur les affirmations du cardiologue émérite, reconnu à l'échelle internationale pour ses compétences médicales mais aussi très apprécié par ses patients pour ses hautes qualités humaines. Une bourde qui aurait très certainement envenimé la situation et ravivé la colère des médecins, n'eut été la visite du président du gouvernement à l'hôpital Abderrahmane Mami hier matin pour s'enquérir de la situation et apaiser les tensions. Selon Pr Faouzi Addad, une discussion franche avec Youssef Chahed sur les problématiques récurrentes de pénuries de médicaments, touchant quasiment toutes les régions du pays, a eu lieu. Le président du gouvernement ayant promis, à l'issue de sa visite, d'accélérer l'approvisionnement de toutes les structures hospitalières en médicaments mais surtout de trouver des solutions pérennes à cette problématique. Solutions pérennes. Alignés côté à côte, ces mots sonnent si bien, du moins en théorie. Car en pratique, il faudrait tellement déployer d'efforts pour parvenir à trouver des solutions qui règlent définitivement un problème aussi crucial que la pénurie de médicaments dont dépend la vie de milliers de personnes, mais aussi de régler le problème de la migration massive de médecins qui préfèrent aller rouler leur bosse ailleurs, pour raisons financières mais surtout pour raisons professionnelles. En effet, nombreux sont les professionnels de la santé qui sont partis pour fuir un système de santé au bord de la dérive. Manque de moyens, pénurie de médicaments, violences dans les structures hospitalières, harcèlement, ministre totalement étranger au domaine et peu réactif... Les maux de ce secteur sont tellement nombreux qu'il faudrait des années de travail acharné pour identifier les bases d'une possible restructuration en profondeur qui sauverait la mise. Un travail a été élaboré dans ce sens dans le cadre du dialogue sociétal sur les politiques, les stratégies et les plans nationaux de santé. Un livre blanc a été publié, recensant les problématiques et les axes de réforme possibles. Oui mais après ? Quelle est la réelle portée du dialogue sociétal ? A quel point les mesures préconisées dans le livre blanc seront-elles adoptées et appliquées ? La santé en Tunisie souffrirait-elle de maux irrémédiables ?