L'Orchestre philharmonique de Tunis sera ce soir sur la scène de l'Acropolium pour la clôture d'une édition 2018 qui aura tenu ses promesses. Gros plan sur un festival tourné vers la musique de chambre et les interprètes virtuoses La vingt-quatrième édition de l'Octobre musical de Carthage aura vécu et s'apprête à éteindre les lampions après un cycle d'une vingtaine de soirées placées sous le signe de la diversité. Dix pays auront participé à cette édition qui a passé en revue divers styles musicaux tout en maintenant la tradition tournée vers la musique de chambre. Entre grands compositeurs, Belgique et "Mitteleuropa" Le programme général du festival était ainsi marqué du sceau de l'équilibre. Avec cinq soirées tunisiennes, cinq autres en provenance de Belgique et dix récitals de diverses provenances et expressions, l'Octobre musical a donné bien du grain à moudre à son fidèle public. Ce soir, mercredi 31 octobre, l'Acropolium de Carthage, écrin du festival, se prépare à accueillir l'Orchestre philharmonique de Tunis (OPT) avec ses choeurs et musiciens pour un rendez-vous qui promet d'être festif et tonitruant de musique. Fondé en 2014 par Chadi Garfi, l'OPT est une formation qui ne laisse pas indifférent et déploie un univers musical à la confluence des oeuvres de Mozart, Albinioni ou Fauré. Dirigé par Chadi Garfi, l'orchestre pourra s'appuyer sur les choeurs animés par Andrea Saddem et mettra en avant le soliste Youssef Massoudi à la clarinette. On ne pouvait rêver meilleure apothéose pour une session 2018 qui s'est déroulée sans accroc, avec a présence d'un public nombreux et motivé. Les derniers récitals au programme de l'Octobre musical étaient d'ailleurs de cette veine qui offre des voyages sonores inattendus et toujours virtuoses. Successivement, la scène du festival aura reçu les musiciens de la "Mitteleuropa", cette Europe centrale représentée par l'Autriche, la Pologne et la République tchèque et des solistes des plus réputés. La Belgique était particulièrement à l'honneur avec des solistes, des duos et un récital de musique baroque qui restera comme l'un des grands moments de cette édition. Présence tunisienne et contrepoints soufi et japonais Les contrepoints culturels étaient également à l'ordre du jour avec un récital de koto japonais avec Mieko Miyazaki et une performance de musique et danse soufi avec les Iraniens Rana Gorgani et Mohsen Fazeli. Les moments forts n'auront pas manqué au cours de cette session. Le spectacle "Almas dichosas" de l'ensemble espagnol Capella de Ministers restera certainement dans les annales à la rubrique rare des musiques de cour du seizième siècle. De même, la performance du pianiste italien Mario Mariani valait le détour et son pesant d'or. Ce dernier artiste a rendu un vibrant hommage au grand compositeur Rossini, un siècle et demi après sa disparition. Pour sa part, Debussy était aussi au rendez-vous avec les interprétations de plusieurs artistes, notamment la pianiste belge Elodie Vignon, qui ont salué son oeuvre, cent ans après sa disparition. Les virtuoses se sont d'ailleurs succédé sans interruption pendant les vingt jours du festival qui a conjugué les talents de musiciens bulgares, russes, roumains ou marocains. Le Maroc participe ainsi pour la seconde année successive à l'Octobre musical, confirmant la fidélité à cette manifestation et mettant à l'affiche de jeunes musiciens couronnés de plusieurs prix internationaux. De Roberte Mamou à Rossini et Debussy Une ovation particulière devrait être réservée à Roberte Mamou, authentique égérie du festival dont la présence est un gage de continuité et d'excellence. Toujours magique face au clavier, Mamou a donné un récital en duo avec le violoniste allemand Laurent-Albrecht Breuninger, un concert digne des plus grandes scènes européennes, un moment de grâce qui restera dans toutes les mémoires. Plus contrastée, la participation tunisienne a compris plusieurs tonalités. Ainsi, la soprano Amel Afsa a été l'une des révélations de cette édition alors que le duo Hela Douik- Walid Dhahri a démontré sa régularité et son expertise à la guitare. Plus feutrée, car ils étaient légèrement en retrait, la présence des pianistes Bassem Makni et Mehdi Trabelsi fut tout aussi remarquable. Avec classe et talent, ils ont accompagné solistes et chanteurs et ajouté leur apport à la réussite de cette édition. Amina Srarfi aura quant à elle instillé une dimension festive dès le coup d'envoi de cet Octobre musical. Il fallait le faire! Car ouvrir un festival de musique essentiellement classique avec un clin d'oeil au répertoire tunisien des années trente n'allait pas de soi. Mustapha Okbi, directeur du festival, a osé et remporté son pari de commencer l'Octobre musical avec une fête glamour et nostalgie. Comme le coup d'envoi, la clôture sera tunisienne mais dans un tout autre registre. Dans quelques heures, Chadi Garfi et son ensemble philharmonique feront résonner la musique dans l'ancienne cathédrale Saint-Louis et dessineront de nouveaux horizons au festival qui, vingt jours durant, aura tenu en haleine un public mélomane, composé de nombreux fidèles et de jeunes qui n'ont pas manqué une miette de ce festin de toutes les musiques. Une dernière soirée et puis s'en va... Le rideau tombe ce mercredi sur une session exemplaire et intense en attendant, dans un an, de saluer le quart de siècle d'existence de l'Octobre musical, un festival qui aura éclairé de manière inédite la musique classique. Et ne l'oublions pas, c'est bien l'Octobre musical qui a constitué la première étincelle du renouveau culturel durable vécu par la banlieue nord de Tunis. En effet, depuis le premier frémissement musical en 1994, bien des initiatives ont vu le jour dans le sillage du projet pionnier de Mustapha Okbi auquel, dans le temps, personne ne croyait. Des appuis et des partenariats décisifs "Allons donc, un festival de musique classique dans une ancienne église restaurée, vous n'irez pas loin!" Et pourtant, un quart de siècle plus tard, l'Octobre musical est non seulement bien ancré mais rayonne à l'international bien plus que des manifestations dotées de budgets des plus conséquents. C'est que le carburant de ce festival est à chercher du côté du coeur et de l'enthousiasme de ses promoteurs et de leurs soutiens décisifs. C'est avec l'appui conjugué du ministère des Affaires culturelles, du ministère du Tourisme et de l'Office national du tourisme tunisien que le festival poursuit son parcours. C'est aussi grâce au partenariat avec de nombreuses ambassades accréditées e Tunisie que l'Octobre musical continue à se développer. L'édition 2018 a ainsi été organisée avec le concours des ambassades d'Autriche, de Belgique, de Bulgarie, d'Espagne, d'Italie, du Japon, du Maroc, de Pologne, de Russie et de la République tchèque. Trois instituts culturels sont à saluer en particulier: l'Institut Cervantès, l'Institut culturel italien et le centre russe des sciences et de la culture. Ce soir, l'édition 2018 aura vécu. Place dès lors à la session 2019, celle des 25 ans d'un festival des plus attachants.