Gabès : le colonel Jebabli dénonce l'exploitation de mineurs lors des récentes manifestations    Gabès : retour au calme grâce aux habitants et aux forces de sécurité    Le ministère de la Défense rend hommage à l'amiral à la retraite Mohamed Chedly Cherif    Entreprises italiennes : 1 500 emplois créés en six mois en Tunisie    Gabès : grève générale le 21 octobre    Accident sur l'autoroute : neuf blessés parmi des pèlerins près d'Enfidha    Parlement : séance lundi sur la crise environnementale à Gabès    Parlement : séance plénière lundi pour sur la situation environnementale à Gabès    Alerte météo : orages et pluies ce soir sur le nord et le centre, avec des vents forts !    La Marsa donne le coup d'envoi à la sensibilisation au don d'organes    Kharbga City, un festival créatif pour les enfants et adolescents à Tunis    Douz : coup d'envoi de la neuvième édition du semi-marathon international ' »Pour Mathieu »    Le Japon, la Chine, Taïwan et la Malaisie offrent des bourses entièrement financées aux étudiants tunisiens    Bande de Gaza: ouverture du poste-frontière de Rafah la semaine prochaine    Kais Saïed : des solutions urgentes pour la crise environnementale à Gabès    USBG : Succès impératif    JSK : Réaction obligatoire    Baisse de 3% du déficit de la balance commerciale énergétique    TTI ELECSA TN : Retour sur une participation réussie au Salon ELEK ENER 2025    BTE au Salon de l'Economie Verte : Feriel Chabrak souligne le rôle des banques dans la transition écologique    Tunisie face au vieillissement de sa population : une question nationale urgente    Le Président de la République prend en charge le traitement d'un jeune blessé lors des événements à Gabès    Ridha Bergaoui: Le dromadaire, un précieux allié contre le réchauffement climatique    Plus de 20 000 Tunisiens ont obtenu un visa pour l'Italie cette année    Programme alimentaire mondial : 560 tonnes d'aide entrent quotidiennement à Gaza    Huawei et ses partenaires au service de l'énergie solaire en Tunisie    L'église Saint Croix à la Médina de Tunis abrite l'exposition "Nouveaux langages dans les arts entre les deux rives"    Tunis fait vibrer le monde au rythme du rock et du métal    Pérou : vastes manifestations dans les rues et état d'urgence décrété    Le Festival National du Théâtre Tunisien 'Les Saisons de la Création' se déroule dans son édition 2025 à Tozeur et Tunis    Météo en Tunisie : températures entre 23 et 28 degrés    Pr Riadh Gouider élu Premier Vice-Président de la Fédération Mondiale de Neurologie : une première en Afrique et dans le monde arabe    Riadh Zghal: L'appropriation de la technologie et la demande sociale pour la science    Tunisie : « The Voice of Hind Rajab » dans la shortlist des European Film Awards 2026    Rebirth : l'exposition 100 % féminine qui célèbre la renaissance    Décès de l'acteur tunisien Ali Farsi, une grande perte pour le milieu artistique    La Tunisie entre dans l'histoire : qualification mondiale sans encaisser un seul but !    Tunisie vs Brésil : Le choc amical à ne pas manquer !    L'or explose et dépasse les 4 200 dollars l'once, un sommet historique    Habib Touhami: La confrérie doublement "maudite" des orphelins    L'« Engagement patriote » face au silence du régime et à la moquerie    Nouveau classement des passeports les plus puissants au monde... Singapour en tête    Pétrole russe : Pékin dénonce les “intimidations” de Trump et défend ses achats “légitimes”    Etats-Unis : la Cour suprême pourrait restreindre les protections électorales des minorités    Le SNJT rend hommage aux journalistes tunisiens de la flottille Al Soumoud    Cristiano Ronaldo devient le roi des qualifications pour la Coupe du Monde    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Tunisie vs Sao Tomé-et-Principe : où regarder le match éliminatoire de la Coupe du Monde 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le quotidien tunisien d'un autoritaire pervers
Publié dans Le Temps le 16 - 01 - 2019

Kaligula est le titre de la nouvelle création signée Fadhel Djaziri et co-produite avec le Théâtre National de Tunis. Comme le titre l'indique, cette pièce est l'adaptation de l'œuvre phare de Camus « Caligula ». Elle est interprétée par les comédiennes et comédiens Meriem Ben Youssef, khadija Baccouche, Zeineb Henchiri, Mohamed Kouka, Abdelhamid Naouara, Mohamed Barakati, Adib Hamdi et Slim Dhib. Le texte est composé collectivement, à partir d'un atelier dirigé par Fadhel Djaziri.
Plus au moins fidèle à la pièce initiale, le metteur en scènenous a proposé un Kaligula, adapté au quotidien tunisien, celui d'un autoritaire pervers, sans trop percer dans le Caligula camusien.Il a choisi comme cadre spatial de l'action, le Spa, dans lequel les personnages sont obligés de passer de longs moments à cause du mauvais temps et des inondations dues à une pluie torrentielle. Le Kaligula de Djaziri s'écrit avec « K » et les personnages sont anonymes, ils se reconnaissent à travers les rapports qu'ils établissent entre eux. Il est clair que c'est un choix du metteur en scène afin d'orienter peut être les horizons d'attente du spectateur, et empêcher toute confusion avec les personnages camusiens. En effet, la puissance de la réécriture d'une œuvre réside dans le potentiel de l'imaginaire que possède l'artiste et dans sa manière de soumettre l'origine au contexte temporel et local, le hic et le nunc. Ainsi, la pièce abordeles rapports humainsbasés sur la violence, l'autorité et la perversion,des traits qui marquent bel et bien le paysage social tunisien.
Le bain, lieu propice au dévoilement
Pluietorrentielle à l'extérieur, écoulement de l'eau des robinets à l'intérieur du bain, buée qui couvre la scène. L'élément de l'eau est dominant, l'espace est humide, un terrain propice au fantasme.Entre la chaleur du sauna et le froid de l'extérieur, il y a le frisson, le frémissement. Le hammam excite les sens, chatouille l'imaginaire. Les personnages sont couverts de serviettes de bain ; couverts certes, mais leurs costumes suggèrent le nu : la nudité du corps, mais pas seulement !Le dénudement de leur psychologie,leursfantasmes, leurspulsions, leurs caractères, leurs défauts... bref unlieu de dévoilement, dedénudement, un lieu où s'extériorisent les sentiments : amour, haine, excès, égoïsme, orgueil, égocentrisme, tabou, intérêts, individualisme, âme pathologique... les psychologies se dévoilent et révèlent les conflits, la rivalité, la jalousie, l'envie et la haine, toute une atmosphère marquée de tension et de malaise.
Quoique lebain soit,par excellence,le cadre de purification, donc propreté et transparence, il est dans la pièce, paradoxalement,le lieu de la saleté -dans sa dimensionmorale - la fourberie, la violence, l'agression, le crime. La fonction du cadreest donc tout à fait antipode aux dits et aux comportements des personnages qui l'occupent.la buée brouille la réalité etla vision, suggère la feinte et le mensonge, un lieu suspecte, louche... certains des personnages veulent dissimuler leurs pulsions, leurs intérêts, leurs motivations, excepté leKaligula, il exhibe,au vu et au su de tous, sa méchanceté, sa haine, son égo pathologique, sa corruption, son déni familial (à l'égard de son frère par exemple quand il a demandé sa part) son indifférence par rapport à l'éthique, aux relations humaines, aux us sociaux, religieux, c'est un personnage pervers, brutal, insensible...
Kaligula, une image de la société tunisienne ?
Comme au début de la pièce de Camus, le public apprend la disparition brusque de kaligula à travers les propos des personnages qui tournent autour de la défunte et de sa relation intime avec son frère. Deux disparus : la première enterrée et le deuxième absent, sœur et frère, bien-aimés, amant et sa maitresse. L'inceste est abordé néanmoins sans beaucoup de lumière, tout légèrement, un peu pudiquement peut être, en tout cas, ce n'est plus choquant dans la société tunisienne. Combien de fois, on apprend des histoires pareilles après la révolution ! Le metteur en scène a plutôt focalisé sur l'effervescence des sentiments qui motivent les personnages amour, jalousie, envie, rivalité...
L'apparition du personnage était un peu brutale, elle reflète son désarroi et sa douleur causés par la mort de sa sœur.D'ailleursc'est sa nature, son caractère, son tempérament le plus dominant !Il est un être bizarre. sa manière de bouger, ses tics, ses manies, ses obsessions, ses angoisses font de lui cet être bizarre, un peu paranoïaque. Un être qui a follement peur de l'obscurité et qui se transforme en farouche, en chien enragé dès qu'on touche à ses intérêts, à ses biens. Dans cette pièce, il possède beaucoup de biens. Il est richard, il n'est pas uniquement le patron du hammam, mais il gère d'autres secteurs. Il s'est avéré que lebain n'est qu'une vitrine qui dissimule d'autres activités commerciales, en guise d'investissement pour le blanchiment d'argent. On dirait une bande clandestine qui tendaitses tentacules sur plusieurs secteurs économiques, et dans tout le pays devenant ainsi son « fief ». Il y a même une hiérarchisation et un partage de tâches, dont le patron est ce Kaligula.Il domine, ordonne, élimine, sanctionne ses partenaires à sa guise, il est autoritaire et sanguinaire, il n'hésite pas à tuer même les plus proches tel que son frère, même les plus anciens et accros, tel que le vieux (personnage joué par Mohamed Kouka). Bref il est le maître et tous les autres sont ses subordonnants, ses « vassaux ».
Aujourd'hui, le paysage économique tunisien est dominé par cette vague de monopolisateurs et de contrebandiers qui tendent leurs mains sur tous les secteurs à leur gré !Une corruption sans égale, barbarie et banditisme ! Personne ne peut les arrêter, parait-il, même les plus hauts responsables, ils sont décideurs du marché et peut être, que sait-on, en compromise avec l'Etat. Cette actuelle décadence du pays est mise en relief, de surcroit, à travers le personnage du vieux (joué par Mohamed Kouka) qui n'arrête pas d'évoquer le passé tunisien non lointain, l'époque bourguibienne où le pays a connu malgré tout son essor...
Le mythe personnel
D'emblée, on ressent remonter de vagues réminiscences d'une ancienne pièce du Nouveau Théâtre « GhasseletEnnwader » dont FadhelDjaziri était un des protagonistes, et ce, à travers le lexique du hammam, de la pluie, de la diction des comédiens, de la résonnance de certaines paroles clichées. S'agit-il d'un « mythe personnel » (Charles Mauron) à travers l'émergence des métaphores obsédantes, et à travers la superposition de ces deux œuvres ; ou du « mythe de l'éternel retour » (Mircea Eliade) puisque le succès de cette pièce est considéré par la majorité comme moment crucial instaurant une nouvelle époque théâtrale et donc devenant premier repère historique théâtral. Il parait qu'il y a consciemment ou inconsciemment, un désir de léguer l'aura qui a couvert « GhasseletEnnwader » à cette nouvelle création « Kaligula ».En général, le paysage théâtral n'a pas encore connu une émancipation à l'égard de cette pièce qui a accédé au stade de l'archétype. Même ceux qui l'ont créée n'ont pas pu s'en défaire et la dépasser, s'agit-il d'un complexe, du« fétichisme » ? Peut-être ! Ceci dit, certains considèrent cette intersection, dans le post-dramatique, comme esthétique de récupération, à peu près semblable à l'intertextualité dans le genre littéraire.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.