En cette période de confinement, nos créateurs, toutes disciplines confondues, trouvent dans les réseaux sociaux une bouffée d'oxygène qui leur permet de se communiquer avec le public. Après avoir parlé de nos artistes-peintres qui exposent leurs nouvelles créations à travers le Net, nous avons découvert également un bon nombre de poètes tunisiens qui, inspirés par le coronavirus, se sont exprimés à travers les réseaux sociaux pour fournir leurs nouveaux textes poétiques, que ce soit en arabe classique, en dialectal ou en langue française. D'ailleurs, cela arrive à bon nombre de poètes, dans le monde, qu'ils soient confirmés ou en herbe, qui s'activent à travers les réseaux sociaux pour propager leur prose et leurs vers afin d'offrir aux gens évasion et réconfort et les tenir un peu loin des dures nouvelles diffusées par les média à longueur de journée sur le Coronavirus et ses victimes. Plus connectés que jamais, les Tunisiens, toutes générations confondues, se réfugient dans les réseaux sociaux pour garder le lien avec leur entourage, se divertir et supporter l'isolement. Ainsi ils pourront tromper l'ennui en lisant les nouveautés littéraires ou artistiques. Le poète, tout comme d'autres artistes, se sent sans doute traversé par des émotions nouvelles dont il n'était pas habitué, en raison de cette pandémie qui s'abat sur nous. Il se trouve alors obligé de les extérioriser et les partager avec les autres, en donnant libre cours à sa créativité. Des centaines de poèmes sont diffusés sur le Net : les uns dénotent un certain pessimisme en poussant un cri de détresse en accusant l'homme de tous les maux de notre vie et en appelant à un retour à la nature et aux valeurs universelles. D'autres, au contraire, envisagent la situation avec optimisme, considérant ce fléau comme étant un fait accompli auquel il faut faire face sans jamais abdiquer et que cette épidémie présage peut-être une nouvelle vie et un autre avenir pour l'humanité. D'autres encore abordent la spiritualité, voire la religion pour évoquer Dieu qui, seul, pourrait dissiper ce fléau. Cependant, dans presque la totalité des poèmes, il y a cet appel pressant aux gens qui doivent prendre les précautions nécessaires et respecter les conditions d'hygiène qui s'imposent pour se prémunir contre le coronavirus. Ce qui est plus important, c'est que ces textes retrouvent un bon nombre de lecteurs qui prennent le soin de donner leurs avis en commentant ou en interprétant les textes, en s'adressant souvent aux poètes pour faire leurs remarques. De beaux textes poétiques, composés pour la circonstance, qui nous offrent une quintessence de lumière au temps obscur du coronavirus. Nous nous bornerons ici de parler de poètes tunisiens de langue française qui ont publié leurs textes relatifs au coronavirus et au confinement, sur les réseaux sociaux. Les poèmes choisis sont un peu longs, c'est pourquoi nous nous contenterons d'en citer quelques passages de chacun. Voici Bedreddine Ben Henda, écrivain et poète tunisien, auteur de plusieurs recueils et dont les poèmes se distinguent par la brièveté, la musicalité et la profondeur. Ce poète nous a livré sur la toile un beau poème intitulé « Corona » où il dit : Corona fait des frasques/ c'est fantasque/ c'est bien pire/que volcans/ ouragans/ et bourrasques. / Frère arabe/ musulman/ mets des gants/ porte un casque/lave-toi/ mille fois/ dans la vasque/ cache-toi/ sous ton casque/ et attends/ qu'un fléau/ tout nouveau/ chaque fois/te démasque. Dans un autre poème intitulé « Si j'étais le virus », le même poète a publié ce qui suit : « Ce n'est pas/ un laïus/ si j'étais/ le virus/ j'irais loin/ de ma puce/ au Mexique/ au Pérou/ à Moscou/ chez les Russes/ mais jamais/ chez ma puce/ sur les chênes/ sous les frênes/ sur l'épine/ des cactus/ mais jamais/ chez ma puce/ dans la Lune/ sur Vénus/ sur le sol/ d'Uranus/ mais jamais/ chez ma puce… Le poète franco-tunisien Tahar El Bekri, qui vient de remporter récemment le Prix de Rayonnement de la langue et de la littérature française de l'Académie Française, est lui-même inspiré par le confinement dû au coronavirus, si bien qu'il a écrit un long poème intitulé « L'amour au temps de corona » dont on a choisi ces quelques vers : « Avons-nous assez aimé/ L'oiseau frêle sur la branche/ Le frémissement des feuillages dans l'arbre / Le petit vent remuant les fleurs du prunus/ Ta main par-dessus mon épaule/ Nous cherchions le soleil prisonnier de l'ombre… Et plus loin, on peut lire : « Et nous confinés dans les lueurs/ Accompagnés par l'incertitude des heures/ Nous avions la nostalgie/ Du petit accordéon sur le pont/ Les îles soudées par la rivière/ Tant de promenades dans l'insouciance/ Comme des envolées se posant sur le quai/ Des berges du fleuve inondé de mille lumières… A la fin du même poème, l'auteur écrit : « Avons-nous supplié le désert loin des ensablements/ Rempli nos yeux de tant de sources/ Pour effacer les blessures de la pierre/ Comme les choses les plus simples/Deviennent comme un rêve inaccessible/ De l'Humanité entière. Houria Zohra, poétesse tunisienne, a publié, à son tour, un tendre poème intitulé « Confinement », adressé à toutes les personnes condamnées au confinement, restées loin des amis, sous l'emprise de la peur, l'angoisse et l'attente. En voici quelques vers : « Nous avons déposé/ Au seuil de toutes ces heures / Le boulet de nos gestes/ Toutes nos maladresses/ Tous ces actes de plus/ Que nous avions chéris/ Le long de nos errances/ De nos impertinences/ Nous avons confiné/ Nos propres personnages/ Dans leur rôle premier/ Afin de nous sauver/ De survivre au mal/ De notre tragédie/ Nous avons arrêté/ Notre course effrénée/ Contemplé nos sourires/Ridés dans le miroir/ D'un contretemps figé/ Nous voilà à bénir/ Ce pain abandonné/ Avec au fond de nous/ La faim et son poison/Imminent qui guette/ Nos rêves dans leur danse folle.. ».