Le secteur bancaire est en première ligne face au risque systémique de la pandémie. La BCT a pris une palette de mesures pour soutenir les entreprises et les particuliers en cette période de crise. Des mesures qui ont touché de plein fouet les banques. Comment trouver le juste équilibre entre la stabilité financière et le soutien de l'économie : telle est la question. Même si le FMI estime que les banques tunisiennes sont peu exposées à la dette souveraine et aux passifs libellés en devises : ce qui accroit leur résistance aux chocs, la vigilance est de mise. En effet et selon le Cabinet de Conseil Deloitte Tunisie, les décisions prises par la BCT, dans la guerre économique lancée contre le Covid-19 auront un impact financier direct sur le chiffre d'affaires 2020, sur le PNB (Produit net bancaire), lié à une baisse significative du volume des commissions, sans omettre les pressions énormes sur les ratios de liquidité et de solvabilité qui guettent les institutions de crédit. En effet, les mesures d'urgence annoncées depuis le 17 mars et les différentes circulaires décrétées par la BCT pour voler au secours de l'économie nationale, assurer la pérennité des entreprises et préserver les postes d'emplois auront un impact direct sur l'activité des banques au terme de cet exercice charnière. L'étude récemment réalisée par le cabinet Deloitte Tunisie épingle le triple impact comptable, financier et opérationnel attendu sur les banques tunisiennes. La première mesure prise par la BCT en abaissant le taux d'intérêt directeur de 100 points de base pour passer de 7,75% à 6,75% engendrera une baisse de la marge d'intérêt dû à l'effet compensé de la diminution des produits reçus des clients et celle du coût des ressources et une baisse des revenus des placements. L'étude réalisée par Deloitte a jeté la lumière sur l'aspect juridique lié à la tenue des AGO (Assemblées Générales Ordinaires) et des conseils d'administrations, sur fond de prolongation du confinement général, mettant en exergue la question de validité des délibérations relatives aussi bien à l'approbation des comptes, à l'affectation des résultats et à la distribution de dividendes à défaut de signature légalisée. La tenue des réunions à distance conformément à l'appel du CMF, ne résoudra pas l'affaire en l'absence de la signature électronique. « Voilà encore une belle opportunité pour la Tunisie pour mettre en place la signature électronique et sauter le pas de la digitalisation », proposent à juste titre les auteurs de l'étude. Baisse de dépôts et forte pression sur la liquidité bancaire Outre le volet juridique lié à la tenue des AGO et à l'approbation des états financiers, les mesures prises en faveur de la clientèle notamment celles en relation avec le report possible des tombées d'échéances de toute nature de crédit quelle que soit la classification de la relation, auront un impact implacable sur la liquidité bancaire. Deloitte Tunisie avance le risque de non-respect du ratio de liquidité en l'absence de solutions alternatives, dont le refinancement, et appelle les institutions de crédit à apprécier la solvabilité des bénéficiaires ayant déjà demandé un report compte tenu d'un contexte de crise et de baisse des liquidités. Les banques sont amenées à gérer avec prudence la décision de report des échéances. Elles doivent se prémunir contre les risques de non remboursement et procéder à des avenants sur les crédits en cours précisant les nouvelles modalités applicables aussi bien pour les professionnels que pour les particuliers. Manque à gagner et dégradation des ratios bancaires S'agissant de l'impact attendu des circulaires n°7 et 8, sur les banques, relatifs, aux reports des tombées d'échéances au profit des particuliers, Deloitte Tunisie met en évidence le manque à gagner correspondant à la diminution de la marge, compte tenu du maintien de la mensualité initiale avec une baisse des taux effectifs et l' alourdissement des frais de gestion sans couverture par contrepartie. Le cabinet épingle la difficulté opérationnelle dans la mise en œuvre de cette mesure nécessitant au préalable la mise en place d'avenants entre les contractants précisant les nouvelles dispositions (encours, taux d'intérêts, échéanciers, assurance…). Ainsi, la flexibilité dans le respect du ratio des prêts sur les dépôts engendrera une dégradation des ratios bancaires surtout que les banques pourront continuer à libérer des crédits malgré une baisse des dépôts. Renforcement des fonds propres des banques Le Cabinet Deloitte Tunisie a également mis en exergue l'impact du Covid 19 sur les résultats intermédiaires des banques notamment celles à arrêter au 30/06/2020. En dépit d'un impact peu significatif au cours du 1er trimestre 2020, l'impact COVID-19 sera tout autre pour l'arrêté semestriel au 30 juin qui subira lui le double effet du fort ralentissement de l'économie d'une part et les impacts des mesures de report des échéances d'autre part prévoit le Cabinet de Conseil. Pour préserver le secteur bancaire contre le risque systémique et alléger les conséquences de cette crise, Deloitte Tunisie propose une série de mesures dont l'assouplissement des conditions de tirage sur les marchés monétaires nationaux et internationaux, la maitrise des coûts de refinancement par la création de nouvelles ressources, ainsi que le renforcement des fonds propres des banques par apport en numéraires.