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Au pays des chemises à fleurs, la vie ne se mesure pas qu'en épines !
Publié dans Le Temps le 01 - 05 - 2020

Comme le reste du monde atteint par la pandémie du Covid 19, la Polynésie avec toutes ses particularités de way of life, a été assignée, bon gré mal gré, au confinement … Les Polynésiens n'y croient plus ; pas ceux qui sont aux commandes, mais les autres… Monique Akkari, écrivaine et artiste française vivant dans ces contrées lointaines, nous livre ses impressions dans cette deuxième et dernière partie de témoignages.
Pour un territoire, doté « d'autonomie interne dans le cadre de la République française » et dont les exploits sportifs remportent des championnats olympiques ou nationaux sous le drapeau tricolore, – sur le dojo, le ring, le sable du Beach Soccer, les vagues de la pirogue à balancier (va'a) et du surf –, « rester chez soi » est une épreuve douloureuse, voire pénalisante, endurée comme une punition, une réclusion abusive.
Evidemment, la plage est interdite ! La salle de sport close ! Les entraînements proscrits ! Les promenades contrôlées. N'empêche, qu'elles sont propres, les plages ! Plus de détritus, plus de canettes de la bière nationale Hinano, dont le nom vient de cette fleur que les filles se mettent à l'oreille au quotidien.
Le Aito, c'est le guerrier légendaire, le sportif : tout de même moins enrobé que le héros Maui, (du film Moana – l'Océan – de Disney), mais il en a la charpente, l'endurance et en détient sans vantardise les prouesses aux jeux traditionnels annuels.
Alors, ils tournent en rond, les Polynésiens, reclus entre leurs quatre murs… surtout s'ils occupent les appartements sociaux étriqués et étouffants de l'OPH (Office Polynésien de l'Habitat) ! Alors, ils se remettent au ukulele (petite guitare plate que les navigateurs portugais ont importée depuis quelques siècles).
La vague euphorique des retrouvailles sur la toile
Passé le moment d'hébétude de ces règlements d'exception et le besoin de se rassurer entre voisins, aucune marque de panique ne se décèle. Le Polynésien, imperturbable par essence, est d'une réserve proverbiale. Un regain de fréquentation de la toile, pour ceux qui ont Internet, mais beaucoup ont des applications sur leurs mobiles et la vie continue… tranquille.
Beaucoup de messages de bienveillance, des "coups de gueule" à propos de l'alcool… des opérations de solidarité aux familles nécessiteuses, organisées par des Associations, très actives en Polynésie, ou des particuliers. Les SDF, très nombreux, auront un abri, dès les premiers jours… Pas tous, hélas : donc les appels aux dons animeront cette période, pour secourir les nécessiteux.
De l'humour à tous crins… et des pages spéciales se créent, tels Les confinés du fenua (traduire Fenua par terre natale). Les anciens groupes se réactivent sur les réseaux sociaux, à la minute près, soit pour plaisanter, soit pour se responsabiliser, comme Les ma'Au Du FeNuA (les timbrés du Fenua).
Les seuls qui ne circulent plus pour faire du porte-à-porte, sont les prosélytes des sectes et des mouvements cultuels. Le quartier fonctionne au ralenti… Les grandes avenues de la capitale et les artères du Centre-ville, habituellement en surchauffe, perdent quelques degrés de température et de pollution.
Et tout d'un coup…
La vague dysphorique du "black is black"
Sauf que, et chacun le sait, il est une foule de petits métiers non-déclarés, qui permettent de survivre, faute d'embauche. Et chacun sait que la prostitution ne s'est pas ralentie. Les jeunes disparaissent 2 ou 3 jours pour vaquer à leurs occupations lucratives. Parmi ces activités de pénurie, beaucoup se proposent aux petits commerçants pour livrer les denrées de première nécessité, aident contre un peu d'argent de poche. Bien sûr, les dealers renouvellent leurs circuits.
Avec l'inaction générale, les adultes, vu les échéances des factures de fin de mois développent un sentiment d'inconfort émotionnel ou mental et se lèvent de plus en plus tard. La question suivante demeure irrésolue : on va s'en sortir ? L'atmosphère frise la dépression larvée.
Une note pigmentée cependant ! Carence de masques… ? Qu'à cela ne tienne ! Une entreprise s'est mise aux visières en plexiglas, approvisionnant services pédiatriques des cliniques et hôpitaux et sapeurs pompiers : c'est moins impressionnant pour les petits patients ou les accidentés en état de choc ! Les mères de famille à leurs aiguilles. 48, c'est la production journalière de masques par personne : bien utiles pour les commerces d'alimentation, au volant, en taxi, en bus, pour les éboueurs ou sur les chantiers. Multicolores pour les couturières qui se lancent dans « les masques à fleur » : le textile incontournable ici depuis plus d'un siècle. Certaines en gratifient bénévolement leurs voisins ou les Associations de proximité. Certaines en font une source de revenu. Conditionnés, stérilisés, ils ont même envahi les supermarchés, sous forme de PPN (Produit de Première Nécessité).
Au pays des chemises à fleurs, la vie ne se mesure pas qu'en épines !
Les bonnes résolutions :
Le confinement, c'est un mobile offert aux couples pour se redécouvrir, sans passer par la case-cadeau-surprise où le prétexte de renouer le dialogue de l'amour fou des premiers temps risque d'être mal encaissé par celui qui n'en aura pas eu l'initiative. Mais ce peut-être aussi le verdict d'un éloignement irrémissible.
Sait-on encore vivre, projeter, faire le point ensemble quand les habitudes sociétales vous parquent dans « le chacun pour soi » ? Quand les ¾ du temps se consacrent au travail et brassent bien d'autres implications relationnelles externes ?
A cette phase où le farniente et l'espace-temps se dilatent, la proximité ne rime pas toujours avec rapprochement ; la cohabitation, le consentement mutuel n'acquiescent pas forcément à la bulle, l'espace vital, les limites de l'intégrité individuelle. Quand le bonheur n'est plus une priorité, l'enfermement déclenche l'irrémédiable. Les réactions sont plus vives, à fleur de peau. Elles tournent en chicaneries.
Faute de recul, les émotions virent à l'ambivalence. Entre désir et fin de non-recevoir, elles passent du positif au négatif en un clin d'œil, allant jusqu'à l'irritation, l'aigreur verbale ou la brutalité physique.
En ces temps de confinement, les agressions conjugales sont en hausse, les victimes de violences aussi. On s'en serait douté. Les Associations trépignaient sans pouvoir intervenir. La preuve ? Le Centre d'hébergement a ré ouvert le 5 avril, les femmes en détresse s'étant enfuies de chez elles.
Le 20 avril, l'alcool était à nouveau disponible sur le marché… Histoire de fournir du carburant aux bourreaux ?
Le burn-out des familles :
La primeur de se retrouver en famille 24h /24 ? Du jamais vu pour une population dont l'espérance de vie est passée de 60 à 77 ans en un demi-siècle ! En cette période de latence incongrue, le plaisir familial, est à réinventer ou à explorer pour qui ne s'y est jamais aventuré.
Passée la réadaptation à la cuisine home-made pour les travailleurs, la fabrication des solutions hydro-alcooliques au monoï, les recettes culinaires érodées et la délectation gustative émoussée, l'expérimentation des occupations communes à animer prend rapidement le dessus. Mais rien n'est acquis dans cette recherche du plaisir ludique intergénérationnel.
La parentalité se trouve à bout de souffle. Entre culpabilité et désir de bien-faire, tout s'exacerbe. Entre télétravail et vie familiale, le mode d'emploi n'est pas déposé et l'overdose est vite atteinte. Savoir se maîtriser ou le contrôle de soi, un réapprentissage bien alambiqué ! Le ton monte. Les parents sous pression !
Les dérivatifs sont vite trouvés avec la fitness-maison… mais gare aux dérives !
La continuité pédagogique, casse-tête ou combat !
L'université en mode confinement, c'est se battre avec les serveurs internet pour qui bénéficie d'une connexion. Toutes les îles n'en sont pas desservies ! Les partiels, mués en épreuves minutées en ligne, ce n'est pas une sinécure : les ondes sont saturées.
Les étudiants ont besoin de se vider la tête, mais ne disposent du temps nécessaire que pour l'occuper en ravitaillement et s'informer du planning qui joue les filles de l'air. Entre se fader les polycops, hyper-concentrés et donc les décompresser pour pouvoir approfondir, les exams qui tombent, réglés comme une horloge à couperet, l'efficacité s'étiole.
Le Parcours sup, le bac, soulèvent des angoisses indescriptibles.
Au niveau de l'enseignement élémentaire, « aider les enfants » se résout comme une équation à 1000 et une inconnues ! La plupart des familles ne disposent pas d'un ordinateur par enfant. Les « livrets » ont été distribués aux familles, venues les chercher dans les écoles… Mais la suite, le retour, les corrections… un casse-tête. Concilier vie familiale et horaires de travail à domicile pour les enseignants, le surmenage à la clé !
Certains enseignants ruent dans les brancards : « Je la vois déjà, l'énorme tarte à la crème pédagogique qui va être servie aux parents : "Au cours de cette période, vos enfants auront développé de nouvelles compétences numériques et communicationnelles nécessaires à tout citoyen apprenant du 21ème siècle."
La continuité pédagogique surtout pour bien des familles qui n'ont pas l'électricité, c'est comme décrocher la lune ! Alors, on bricole ! Ou on extrapole… Les familles regroupant les cousins qui font les devoirs en commun, dans un petit coin ombragé de jardin public : c'est la « continuité pédagogique au temps du confinement » !
Des territoires épargnés :
« 57 cas déclarés, 0 décès, 1 hospitalisation », tel est le bilan de la pandémie Covid-19 en Polynésie, plus d'un mois après le confinement. Avec la fermeture des aéroports, des lignes maritimes tous azimuts, la Polynésie détient un score non négligeable.
Sur 70 îles habitées que compte la Polynésie, seules 2 îles ont été contaminées : Tahiti, - la plus peuplée qui compte 80% de la population de tous les archipels -, et son île-sœur Moorea, à quelques encablures.
Le déconfinement a débuté le 20 avril pour les archipels qui n'ont comptabilisé aucun cas et ont pris des mesures strictes : les Marquises, les Tuamotu-Gambier et les Australes, une partie de la Société ; et les liaisons maritimes inter-îles y reprennent.
Le 24 avril, la télévision polynésienne diffuse un e-concert, tourné en privé avec les chanteurs du fenua. Une soixantaine de bénévoles confectionnent des masques fleuris avec le matériel distribué par le maire de Taiarapu Est. Fleurs et musique… on booste, on booste !
Le 25 avril, les habitants indociles "se déconfinent" d'eux-mêmes : assis sur l'herbe, au coin de leur rue… sans protection… Trois baigneurs barbotent, sous l'œil attentif d'un guetteur… un va'a (pirogue à balancier) pagaie en toute sérénité dans la baie. Trois jours seulement après que le chiffre des contaminés soit resté stable… Les Polynésiens n'y croient plus : pas ceux qui sont aux commandes, mais les autres, les entassés des bidonvilles qui se sont frottés journellement ! Ainsi s'achève la chronique-Covid de mon quartier et des alentours… Demain ? Demain n'est pas à l'ordre du jour dans la mentalité polynésienne. Tout le monde le sait et ce n'est pas une tarte à la crème !
Voilà pour les chiffres officiels, mais l'énigme reste totale. Les dépistages, il n'en existe que très peu, à peine plus d'un millier pour une population tahitienne de 183 000 habitants. Vu l'attitude insouciante et inconsciente des Polynésiens, l'étonnement reste total !
Un coup de chance alors ? Juste que les Polynésiens sont fiu ! (blasés, sursaturés) !
Témoignages recueillis par :


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