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Art, culture et loisir, le malentendu
Publié dans Le Temps le 02 - 05 - 2020

Un malentendu à la vie dure et qui perdure. La confusion totale entre loisir, art et culture. On amalgame toujours et jusqu'à nouvel ordre, variété, amusement, recherche du plaisir immédiat avec ce qu'on définit comme culturel. Une caractéristique demeure : l'assimilation du monde de la culture au monde de la consommation. On en est venu à identifier divertissement et culture, à telle enseigne que quant on nomme un nouveau ministre de la culture une évidence s'impose, croit-on, désigner un artiste, que ce soit un musicien, un chanteur, ou un acteur, estimant bien agir ainsi en toute apparente innocence, mêlée d'ignorance. Un ministre nouvellement installé ne pense qu'à la perpétuation du statuquo bureaucratique, entretenant la machine à divertir sans avoir l'audace de transformer, proposer, inventer. Au contraire toute son action tourne prioritairement autour des festivals en tout genre, des galas, et autres manifestations de loisirs et d'amusement. Bref, les politiciens ont une idée tronquée sur la valeur réelle de l'action culturelle et sa plus-value spirituelle à l'échelle de la nation.
Un point d'histoire. Il faut savoir que le créateur d'un ministère de la culture au monde fut Charles de Gaule premier président de la cinquième république française, il nomma à la tête de cette institution nouvelle, André Malraux comme ministre des affaires culturelles. Qui est André Malraux ? Il est un des penseurs et peut être l'esthéticien des plus importants du vingtième siècle. Grand romancier, citons « La Condition humaine », « L'Espoir » entre autres. Il est l'auteur d'essais sur l'art conçu comme un ‘antidestin' : « Les Voix du silence. » « La Métamorphose des dieux », une autobiographie remarquable « les Anti-mémoires ». Alors que dans le système soviétique c'était le règne des commissaires politique qui régentaient le domaine culturel, dont le tristement célèbre Andreï Jdanov et son exécrable ‘réalisme socialiste'. Mais ne tombons pas dans la caricature, il n'est pas exigé de tout ministre de la culture d'avoir l'érudition d'un Malraux ou le savoir d'un Jack Lang mais il y a des limites à la médiocrité toujours envahissante dans ce domaine vital dans la vie spirituelle d'un peuple. Revenons à Malraux ; il créa les fameuses ‘maisons de la culture' et ‘les centres d'art dramatique'. Sa politique se basa sur la décentralisation totale, efficace. Paris cessa de passer pour le principal centre culturel de la France. Chez nous Chedli Klibi inspiré par ce remarquable exemple lança partout sur l'ensemble du territoire les défuntes maisons du peuple (dour echaab) et les maisons de jeunes, aujourd'hui délabrées. L'ère Ben Ali ignora totalement l'action culturelle efficiente au profit de la variété et du pur amusement. La faute, honnêtement, n'incombe pas à la personne de Ben Ali mais à ses thuriféraires laudateurs, placés à la tête du comité culturel national de l'époque, qui ont agi par vulgaire opportunisme, au dépend de l'intérêt public. Le soulèvement du 14 janvier 2011, récupéré par les obscurantistes religieux, nihilistes dogmatiques, aggrava la crise, effaçant de nos mémoires les (dour echaab), ainsi que les regrettées maison de jeunes…
Je m'explique. Le problème de l'action culture ne date pas d'hier. Platon, déjà, définissait les arts non par la beauté, mais par la mímêsis, c'est-à-dire par une infériorité ontologique, par l'éloignement des vraies réalités, des ‘Idées', vers lesquelles la Beauté, par un mouvement inverse, doit conduire. Conception qui dès le commencement pose la question de l'art et du théâtre en termes virulents et polémiques, puisqu'elle s'accompagne d'une condamnation dans 'La République' des fabricants de doubles et d'illusion, ainsi que de l'expulsion hors de la cité des poètes et autres faiseurs de théâtre. Condamnation du monde sensible illusoire au profit d'un ‘monde réel' celui des ‘Idées', le monde intelligible. Mais pour Nietzsche cette vérité « idéale » est fausse, la vérité « sensible », esthétique est « plus vraie ». Ce qui est faux dans la vérité « idéale » c'est justement sa prétention à la transcendance. Mais il y a une vérité cachée, secrète, et qui se dévoilerait seulement dans une autre approche, moins réactive que celle de la philosophie et de la science : une approche artistique bien situé dans l'espace et le temps. L'art est vrai parce qu'il ne prétend pas à la vérité, il est adéquat au réel. L'intelligible rendu sensible. Cela s'appelle une approche philosophique, métaphysique du problème ; mais descendons sur terre…
Pour simplifier à l'extrême, tout ce qui est de l'ordre du passe-temps, de l'anecdotique sans conséquence spirituelle, s'oppose au culturel. Qu'est-ce à dire ? « La seule chose qui nous détourne de nos misères, selon Pascal, est le divertissement, cependant c'est la plus grande de nos misères. Car c'est cela qui nous empêche de songer à nous et qui nous fait perdre insensiblement ». Plus proche de nous, André Malraux, dans un de ses fameux discours sur l'efficience et l'apport fondamental de l'action culturelle à l'enrichissement spirituel d'un peuple, insiste sur une donnée incontestable, il déclare dans un discours « la Culture est une aventure dans le domaine de l'esprit parce qu'il faut que l'on comprenne bien, que le mot ‘loisir' devrait disparaître de notre vocabulaire commun. Ce qu'on a appelé le loisir, c'est-à-dire un temps qui doit être rempli par ce qui amuse, est exactement ce qu'il faut pour ne rien comprendre aux problèmes qui se posent à nous. Oui il faut bien que les gens aient des loisirs ! Oui il faut les aider à avoir les meilleurs loisirs du monde, mais si la culture existe poursuit Malraux, ce n'est pas du tout pour que les gens s'amusent ; parce qu'ils peuvent aussi s'amuser, peut-être bien davantage avec tout autre chose, et même avec le pire. Ce qui est la racine de la culture, c'est que la civilisation qui est la notre totalement mécanisée, laisse l'homme seul en face de son destin et du sens de la vie. Ce qu'on appelle la Culture, c'est l'ensemble des réponses mystérieuses que peut se faire un homme, lorsqu'il regarde dans une glace, ce qui sera son visage de mort ». Ce n'est pas si compliqué que cela, si je puis dire, la Culture nous arme à supporter l'insupportable, à affronter le réel dans sa dureté et son inexorable complexité. Le hasard et la nécessité ! La culture nous prépare à la liberté ; à oser penser par nous-mêmes, à démonter les arguments d'autorité. L'action culturelle travaille essentiellement à la libération de la raison et à l'épanouissement de la sensibilité .Affiner, éduquer le goût comme outil à l'émancipation, à la désaliénation. L'art possède une dimension existentielle qui fait qu'il nous importe au plus profond de nous, qu'il nous forme et nous transforme. Vaincre la peur en ayant souci de soi. Vaincre toutes les superstitions ce dont les obscurantistes, d'autant plus régressifs que dogmatiques, n'en veulent pas.
Suite à l'épidémie en cours, une rumeur, un enfumage plutôt, émanant de lugubres religieux intégristes anachroniques, suggère de s'emparer du budget de la culture afin de le mettre à la disposition du ministère de la santé .La velléité de vouloir détourner le misérable budget de la culture met en lumière une criminelle ignorance, une ignorance fanatique. Ces zombis auteurs de cette ineptie, sont dangereux, car leur discours est pétri de populisme vulgaire, de schématisme dangereusement démagogique. En entretenant la confusion loisir-culture, ils font preuve d'un piètre machiavélisme .Mais la ficelle est trop grosse, évidente... Je leur suggère de voir plutôt un réel secours du côté du ministère des affaires religieuses, qui par un acte charitable on ne peu plus pieux, pourrait aider à la construction et à l'assainissement de certains hôpitaux et autres dispensaires qui sont dans un état de délabrement prononcé. La plupart de nos écoles ne sont pas mieux lotis, Les mosquées se portent bien merci. Et on continue à en construire à tout va !
Le danger est néanmoins réel vu la médiocrité de la classe politique actuelle où l'opportunisme, l'arrivisme, l'affairisme règnent s'enracinant dans le populisme le plus vulgaire. La lumière de l'intelligence, ils n'en ont que faire. Ils sont ravi de magouiller, de baigner dans la corruption tout azimut !... Oui nous avons besoin d'hôpitaux ! L'hôpital est la médecine du corps bien sûr, tandis que l'art, la culture prennent bien soin de l'âme, alors que la superstition dogmatique n'est que ruine de l'âme et de l'esprit. Nous avons aussi besoin de maisons de la culture, maisons de jeune. Nous avons besoin d'espaces de rencontre, d'échange, de débat, de lecture. Mais là où ça se complique c'est que les politiciens du moment n'ont pas une idée très différente de celle des dogmatiques religieux pour qui la culture est un passe temps dérisoire sans bénéfice réel, et dont la société peut s'en passer. Notre époque est plus que jamais malade d'une maladie contagieuse, celle de la vulgarité. C'est le règne de l'hypocrisie généralisée, de la corruption triomphante, de l'opportunisme primaire. Absence de sens, absence de valeur. Triomphe de la banalité… Horizon brumeux... Il est temps de comprendre que le passage à une véritable et saine démocratie, repose sur un développement historique de la culture et sur rien d'autre .Si le sens de la culture fout le camp, le sens de la démocratie aussi…
« La culture est la condition sine qua non de la civilisation » !
M.K.


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