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Ghannouchi coupe la parole et Saïed la restitue au peuple !
Publié dans Le Temps le 13 - 05 - 2020

Di rififi au Parlement : en soi la formule est dégradante pour les institutions de l'Etat et pour le processus démocratique lui-même, déjà mis à mal par la ploutocratie et la voracité de la partitocratie. La plénière de lundi, à la reprise quasi normale (du moins en la forme) des travaux de l'ARP, nous a encore renvoyé ces images d'incurie, de délitement d'une institution dans laquelle personne ne se reconnait, en dehors des « manœuvriers », des tribuns au discours désormais rébarbatif. Et le malheur c'est qu'ils ne s'en rendent pas compte. Cette plénière cahoteuse a inspiré cette réaction au président du Parlement : « Le peuple vous regarde ». Bien entendu, il ciblait Abir Moussi.
L'ennui, c'est que ce régime est ainsi fait que l'on n'en saurait dégager « Le bon grain et l'ivraie » (pour reprendre l'expression de BCE faisant office de titre à son livre sur Bourguiba). Mais, là, dans le cas d'espèces, où voit-on le bon grain dans une Assemblée, comme dressée pour cataloguer les impies contre la catégorie des lobbyistes islamistes. Manège. Carnaval qui n'a rien d'amusant. Personnages aux visages les plus fardés mais les plus nus (Gide), en opposition à ceux qui avancent masqués. Au diable la transparence parlementaire ! Au diable, l'exercice de la démocratie sous le dôme parlementaire !
Parlementarisme marron
« Le peuple vous regarde ! », sans doute, la plus réaliste des expressions formulées par le président de l'ARP, depuis son accession à la tête du pouvoir législatif. Il se met au-dessus de la mêlée. Sauf que ce peuple le regarde lui aussi. Nul n'est, en effet, dupe de certaines pratiques. Un bureau de l'ARP devenu omnipotent, avec cette large délégation de signature (et donc de décision) donnée à Habib Khedher, chef de cabinet de la présidence de l'Assemblée, avec rang de ministre. Un quartier général dans les règles, avec tous ses apparats, avec son armada de conseillers surfaits et surdimensionnés payés avec l'argent du contribuable. C'est le aussi le laboratoire idéologique, et l'on en vient même à se demander si Rached Ghannouchi n'y transpose pas le Conseil de la Choura, ou, encore, le bureau exécutif d'Ennahdha, bureau qu'il vient de dissoudre, alimentant colère et suspicion dans les rangs mêmes de son propre parti. Désormais, les « Fatwas » seront concoctées dans ce Q.G, faisant en sorte que ce que perd le Président du mouvement à Montplaisir -où les jeunes générations montantes aspirent à sa succession- eh bien, il le récupère au Bardo.
En fait, Ghannouchi entend mettre au pas tous ses contestataires au sein de l'hémicycle. Mabrouk Korchid a même dit de lui qu'il est à la fois dans l'Opposition et dans la Majorité. Et, voilà donc, qu'il actionne l'interrupteur du micro à sa guise. Comme prévu, à l'ouverture de la plénière, lundi, Abir Moussi a pris la parole pour revendiquer encore ce qu'elle avait demandé le 6 Avril : l'audition du Président du Parlement sur les communications téléphoniques avec des parties étrangères dont l'Ottoman vénéré, Erdogan. Micro coupé par le président du Parlement. En revanche, Imed Khémiri a bénéficié d'un large timing pour dénoncer les attaques conte « le leader » de son parti, dans des formules obséquieuses de glorification. Après lui, Fayçal Tebbini a cru pouvoir sermonner les barons de l'ARP à propos des menaces contre Abir Moussi : micro coupé là aussi, mais Tebbini n'en a pas moins continué de parler à voix haute au milieu d'un brouhaha inextricable. Puis encore, les interventions de trois membres du PDL : micro coupé encore. Ensuite, le rapporteur de la commission des finances, micro ouvert, s'est mis à rechercher les documents du rapport se mettant en grogne avec ses collègues de ladite commission. Au final, Abir Moussi et ses compagnons se sont mis à entonner l'hymne national ! Là, il n'y a pas de micro qui tienne. Et, c'est là que Rached Ghannouchi, lui lança : « Le peuple vous regarde !». Voilà donc, une énième exhibition de notre parlementarisme marron.
« Maladie constitutionnelle »
En fait, nous sommes en pleine confusion des pouvoirs. Où se situe l'Exécutif, censé être contrôlé par le Législatif, mais qui contrôle ce Législatif, en l'absence de Cour constitutionnelle ? En établissant les mécanismes de la théorie de la séparation des pouvoirs, Montesquieu n'a pas prévu cette équation à plusieurs inconnues.
La constitution de la deuxième République fait que le Président est soumis à une camisole de force, dans l'esprit de rupture avec un régime présidentiel porté sur l'absolutisme, et c'est ce qui s'est produit chez nous. Cependant, un régime parlementaire qui empiète sur le champ-restreint des prérogatives du Chef de l'Etat- institutionnalise une dictature parlementariste autrement plus tentaculaire. C'est ce qui a inspiré l'avènement de la deuxième République française à De Gaulle, quitte à être flanqué du sobriquet de « monarque présidentiel », formule lancée par Hubert Beuve-Mery, fondateur du journal « Le Monde ».
Or, Kaïs Saïed, en a-t-il les moyens ? En a-t-il le courage ? Oserait-il proposer, comme ses adeptes s'y attendent, une refonte de la constitution, pour un meilleur rééquilibrage entre les pouvoirs ?
Il y a néanmoins un problème avec lui : son « messianisme » systématiquement conjugué au populisme. Le silence sur cette affaire d'avion turc révèle un certain manque de réactivité, pourtant dans son propre champ exclusif des relations étrangères.
A tort ou à raison, pour l'heure, Saïed préfère contourner tout cela. Il est vrai aussi que son cabinet à Carthage est relativement plus faible par rapport au cabinet de Ghannouchi, au Bardo.
Mais son terrain de prédilection, reste le contact avec le peuple et il parle au nom de ce peuple, au point que les partis, effrayés par les incessants appels à la sédition, spéculent sur une éventuelle implication de ses adeptes, une « machine » invisible et mystérieuse l'ayant propulsé à Carthage.
Le Président, réplique configuratrice d'un « Jean sans terre », n'en continue pas néanmoins d'aller vers ce « peuple » qu'il considère comme étant le seul dépositaire du Pouvoir. C'est son leitmotiv de prédilection. Mais, lundi à Kébili, il a enfin dit ce qu'il pensait de la cour des miracles parlementaire. Et le mot est lancé : il juge « inconstitutionnel » le projet de l'amendement de l'article 45 du règlement intérieur de l'ARP, tenant à l'interdiction du tourisme parlementaire. Et il tient le peuple pour témoin : « Où sont passés les financements dans les campagnes électorales ? Où est passé l'argent du peuple spolié durant des décennies »… Et, pour répondre à Ghannouchi qui avait parlé de « réconciliation nationale », il lance ceci : « La réconciliation doit se faire avec le peuple et non avec ces parties qui décident avec qui on doit se réconcilier ».
L'ennui, c'est que ce bras de fer entre Saied et Ghannouchi est, pour le moins, inégal. L'un est dans le messianisme ; l'autre dans l'action. Auquel des peuples Saïed rend-il la parole ? On attend plutôt du concret. Des initiatives législatives et constitutionnelles. Du moins, qu'il ne donne pas cette récurrente impression donquichottesque (et donc impuissante et fantasmée) face aux moulins à vent.


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