« Je suis celui dont l'aveugle voit la littérature, et celui dont les mots ont fait ouïr le sourd. » Traduire des Extraits d'El Mutanabbi l'ambassadeur de la langue arabe, et l'homme qui se donne pour prophète, une chose n'est pas facile, plutôt une grande initiative et une entreprise courageuse que s'apprête à réaliser le philosophe et anthropologue Youssef Seddik, spécialiste de la Grèce antique et de l'anthropologie du Coran. Un grand projet en vue donc pour Seddik qui veut mettre en valeur le legs immense d'Al Mutanabbi en traduisant des écrits de cet auteur de la haute tradition arabe, qui selon lui, « il n y a pas encore de traduction qui donnent à Al Mutanabbi sa vraie valeur. Né en 915 à Kufa et mort assassiné en 965, près de Dayr al Akul (au sud-Est de Bagdad), Abou Taieb El Mutanabbi est considéré comme le plus grand poète arabe de tous les temps, et celui qui a pu au mieux maîtriser la langue arabe et ses rouages. Il est connu pour sa grande intelligence, il disait ses poèmes sur le vif, en les improvisant. Il a récité ses premiers poèmes, très jeune, avant l'âge de 10 ans. D'un caractère altier et aventureux, l'un de ses poèmes causera sa perte en précipitant son assassinat. Al-Mustanabbî est le poète arabe par excellence, encore aujourd'hui. Mille ans plus tard, sa poésie ne cesse en effet d'émouvoir l'âme des peuples arabes, elle n'est jamais loin de leurs aspirations. La tradition poétique arabe a mis sur un piédestal la concision magistrale de ses sentences, l'extrême lucidité de son lyrisme, la magnificence de son courage et de son orgueil et la maîtrise absolue de la belle langue arabe. Des qualités qui font de lui le grand poète admiré des Arabes. - LE TEMPS : Vous préparez actuellement un livre sur Al Mutanabbi en traduisant quelques extraits de son « Diwan », comment avez-vous eu l'idée de traduire les poèmes de Abou Taieb El Mutanabbi à la langue française ? Youssef Seddik - J'ai eu l'idée de traduire les poèmes d'El Mutanabbi depuis 18 ans, quand j'étais en France, j'avais déjà écrit un extrait pour le publier chez « Acte Sud » une grande maison d'édition en France, mais par conséquent l'extrait de ce livre a été perdu et je l'ai trouvé par hasard en cette période de confinement. Alors j'ai décidé de le publier chez la maison d'édition Cérès de Nouri Abid. Cette édition paraîtra en mois de Novembre prochain dans la 36 édition de la Foire internationale du livre. -Qu'est-ce que vous avez choisi comme poèmes à traduire , puisque Al Mutanabbi en avait plus que trois cent à son actif ? - Al Mutanabbi lègue d'un grand patrimoine de poésie avec 326 poèmes, qui racontent sa vie tumultueuse auprès des rois, et qui donne une vision sur la vie arabe du Xe siècle, et aussi la nature, la vie et l'amour… Dans ce livre, je cherche à préciser l'ésotérique d'Al Mutanabbi, la partie cachée de cet Sophocle, en précisant dans cette traduction que ce poète issu d'une famille modeste, dans la ville de Koufa, son père était porteur d'eau, n'ayant pas connu sa mère, il est élevé par sa grand-mère et a grandi dans un milieu bédouin qui lui a donné une formation religieuse solide. Aussi je vais inaugurer chaque poème par une introduction avec la date et les raisons de son apparition, ainsi qu'une version originale du poème en version arabe. D'ailleurs, il a écrit un poème « mad'7iet » rendant hommage à sa grand-mère, qui fut l'un des plus forts poèmes connus dans ce genre poétique de héroïsation dans cette période. Pourquoi avez-vous choisi Al Mutanabbi ? Dans la production littéraire du poète, ou à vrai dire dans une partie de l'œuvre du poète on n'a pu connaitre qu'une partie de ses poèmes qui tournent autour des louanges des rois, des descriptions de batailles, de la satire, de la sagesse et de sa philosophie de la vie que beaucoup d'hommes partagent avec lui, mais ce que beaucoup ne savent pas est que ce poète avait une grande partie , plus que le tiers de ses poèmes qui tournent autour de l'amour. Il a précédé même Nizar Kabani dans ses poèmes sur l'amour. Al Mutanabbi était un poète d'amour par excellence. Nous savons aussi que plusieurs spécialistes très connus ont essayé de traduire les poèmes d'Al Mutanabbi, mais à mon avis je n'ai pas trouvé une traduction qui a pu donner la vraie valeur de ce poète.