Le photographe égyptien Marwan Bassiouni, 35 ans, et sa série photographique "New Dutch Views" sur des paysages vus de l'intérieur de 70 mosquées. Craignez-vous de rester confiné chez vous, à cause du coronavirus, d'être condamné à regarder l'extérieur seulement à travers votre fenêtre ? Le photographe Marwan Bassiouni change notre point de vue et suscite des visions inattendues. Pour « New Dutch Views », il a visité 70 mosquées pour capter les paysages extérieurs à travers leurs fenêtres. Sa série photographique, Marwan Bassiouni l'a réalisée longtemps avant le confinement des populations dû au Covid-19. Aujourd'hui, son exposition dans le cadre du Festival « Circulation(s) » au Centquatre, à Paris, est devenue victime du coronavirus, mais ses photos continuent à circuler sur Internet et les réseaux sociaux. Surtout, son regard à l'envers nous apprend à percevoir l'extérieur à partir d'un intérieur souvent chargé d'idées préconçues. Confronté à ses images, c'est donc notre propre regard qui nous oblige de changer notre intérieur. Entretien sur une photographie philosophique. - Pour New Dutch Views, vous avez fréquenté plus de soixante-dix mosquées aux Pays-Bas pour construire un nouveau regard sur les mosquées à partir de leur intérieur. Quelle est l'idée derrière cette série ? Marwan Bassiouni : J'ai voulu créer une image qui puisse à la fois représenter l'intérieur des mosquées – à chaque fois, j'ai photographié dans des salles de prière, depuis l'intérieur de la fenêtre – et en même temps ce qui se trouve dans les alentours, des paysages néerlandais. J'ai recherché la diversité du paysage national et la diversité de l'architecture islamique néerlandaise. La plupart des gens regardent les mosquées de l'extérieur. Que change-t-il quand on va dans une mosquée pour regarder l'extérieur ? L'intérieur et l'extérieur, ce sont des métaphores pour parler d'autre chose : de l'architecture, du paysage… C'est une chose d'être dans une mosquée, c'est autre chose de photographier une mosquée. Moi, je m'intéresse à la représentation des mosquées. Quand on est dehors, c'est facile d'imaginer plein de choses sur l'intérieur. Mais, c'est différent, une fois qu'on est dedans et qu'on regarde. Avec ces images, j'invite être à l'intérieur. Quand on regarde vos photographies, on voit d'abord des toits, des camping-cars, un immeuble de cinq étages… Qu'est-ce que vous vous voyez sur vos images ? Je vois la même chose que vous [rires]. Quand on regarde les images, je pense que cela paraît un peu surréaliste. Parfois, on s'interroge : « est-ce vraiment l'image de l'extérieur et de l'intérieur ? » Chaque image représente une situation actuelle. En même temps, j'ai une approche différente, dans le sens où je fais de la photographie composite. J'utilise plusieurs images et j'essaie de créer une image qui prolonge le regard lorsqu'on regarde. Mon but est de faire une image qu'on a envie de regarder pendant longtemps – en utilisant des détails, des règles de composition, mais, en même temps, je veux rester fidèle au lieu réel et à la situation réelle. Chaque personne a sa propre expérience. Moi, en tant que musulman, je vois quelque chose. Souvent, quand d'autres personnes musulmanes ont vu ces photos, ils ont également vu ça. C'est une forme de portrait abstrait, d'une identité occidentale musulmane néerlandaise. Je vois deux choses : je vois l'islam et je vois les Pays-Bas. En même temps, c'est un. Pour moi, cela devient une chose. Mais, chaque personne voit quelque chose de différent. Vous vivez et travaillez à Amsterdam, mais vous êtes Américain, Suisse et Egyptien. De quelle façon, votre identité multiple a-t-elle joué un rôle dans ce travail ? La question de l'identité, personnellement, je n'y pense pas, sauf quand on me demande. Je pense que mon identité en tant que musulman joue un plus grand rôle. Mon identité musulmane me reproche à ma nature humaine. C'est quoi un être humain ? La pratique de l'islam m'inspire et m'apprend beaucoup sur cette question. J'avoue que je recherche plus les similitudes que les différences. Je m'abonne Quelles sont les inspirations artistiques derrière votre approche ? Il y a beaucoup de photographes qui m'inspirent, mais je suis obligé de citer Robert Frank. Son travail Les Américains a pour moi une dimension métaphysique, poétique. Pour ce travail, l'art islamique m'a beaucoup inspiré. Aussi la philosophie, mais également l'art zen et la peinture, l'art abstrait. Dans ma famille, je n'ai pas baigné dans l'univers artistique. C'est devenu après que j'ai commencé la photographie. Pendant mes études, j'ai découvert une affinité pour l'art abstrait. Il y a un aspect très mystérieux, presque mystique qui laisse un peu la personne qui regarde trouver des rapports, des formes poétiques. C'est très subtil. La musique instrumentale est aussi une inspiration pour moi. Plus que j'avance, moins je m'intéresse aux mots. Ces arts abstraits m'inspirent beaucoup. Je me suis demandé : la photographie documentaire, peut-elle avoir une approche offrant une expérience aussi ouverte et mystérieuse ?