Du côté de la Marsa, les espaces culturels ont chacun sa spécificité. Dirigé par Wahida Dridi, le palais El Abdelliya accueille un centre culturel international relevant du ministère des Affaires culturelles. Alors que le projet de rassembler les énergies entre conseil municipal et ministère, est à l'ordre du jour, il ne s'agit pas de minimiser le travail actuel mené par l'équipe d'Al Abdelliya. Gros plan sur deux années d'activité et des potentiels à mettre en mouvement. A la Marsa, les espaces culturels cohabitent et ne se ressemblent pas. C'est en soi un trait positif car ces différences sont propices à la naissance d'un tissu pluriel. De plus, la coexistence entre espaces privés et structures du service public est à même de confirmer la Marsa dans son statut de pôle culturel du Grand-Tunis. Les atouts de la banlieue nord de Tunis C'est dans la banlieue nord, sur un axe qui comprend Carthage, Gammarth, Sidi Bou Said et la Marsa que se trouve aujourd'hui l'épicentre culturel de la capitale. On peut le regretter car l'ouest et le sud de la ville de Tunis restent peu préoccupés de structures culturelles. On peut aussi s'en réjouir car l'émergence de ce pôle est un fait remarquable. Dans la foulée des projets touristiques liés à la promotion de la banlieue nord de Tunis, Carthage occupe une place de choix avec le Centre Sophonisbe, un espace municipal, et plusieurs projets de partenariat public-privé à l'image de l'Acropolium ou de Mad'Art. En outre, la librairie Fahrenheit ainsi que quelques galeres comme Essaadi ou Imagine complètent ce panorama culturel où Beit El Hikma, l'académie tunisienne, fait figure de symbole. De Sidi Bou Said à Gammarth, les espaces privés sont nombreux. La colline mystique comprend probablement la plus grande densité de galeries du monde arabe. Un espace municipal dédié à Hédi Turki est également présent dans ce village qui comprend un joyau national: la fameuse demeure du baron d'Erlanger devenue le Centre des musiques arabes et méditerranéennes. Même chose à Gammarth avec plusieurs initiatives dont la plus ancrée est celle de la galerie et les ateliers de Sadika Keskés. Dans cette région, les hôtels aussi participent pleinement à l'animation culturelle en accueillant par exemple "Jazz à Carthage" et des expositions de peinture. Pour la Marsa, c'est la même pléthore d'espaces avec des structures privées de plus en plus nombreuses. Citons aussi bien l'Agora et les multiples services offerts par cet espace polyvalent. Citons aussi les librairies Mille feuilles, Culturel, Claire fontaine et Al Kitab qui sont autant d'invitations à la lecture. Citons également les galeries qui comme El Marsa ou Roubtzoff donnent du tonus à la vie artistique. La Marsa compte aussi une grande salle polyvalente qui se trouve dans le complexe du Zéphyr. Côté secteur public, la Ville organise des événements au palais Qasr Essaada et tente actuellement, avec l'appui du ministère des Affaires culturelles, de renforcer son déploiement. Une bibliothèque publique et une maison de la culture sont présentes dans le tissu de la ville qui compte aussi un centre qui porte le nom de Fadhel Ben Achour. Enfin, Al Abdelliya est un véritable joyau mis au service de la culture. Le caractère unique d'El Abdelliya Dans notre esprit, Al Abdelliya devrait être un pôle aussi important qu'Ennejma Ezzahra à Sidi Bou Said ou l'Acropolium à Carthage. Cet ancien palais hafside a une longue histoire et se caractérise par sa singularité monumentale qui en fait un lieu unique en Tunisie. Dans cette optique, les attentes sont grandes pour voir Al Abdelliya changer de palier et sortir de l'anonymat relatif dans lequel est confinée cette institution. Selon nos informations, un plan stratégique a été présenté par Wahida Dridi, la directrice de ce centre culturel, aux autorités compétentes au ministère des Affaires culturelles. Simultanément, le Conseil municipal de la Marsa a présenté un autre document qui insiste sur la vocation de cet espace à devenir un exemple de partenariat non seulement entre public et privé mais aussi entre une municipalité et un ministère. Nous avons rendu compte de cette démarche dans notre article paru le 21 mai sur ces mêmes colonnes. Malheureusement, la direction d'Al Abdelliya a considéré que nous ne l'avions pas consultée avant de publier notre article et, pour compléter l'information de nos lecteurs, nous invite à rendre compte de ses efforts qui, soit dit en passant, ne sont nullement en question. Puisque nous rendions compte d'une synergie entre les décideurs politiques que sont le ministère des Affaires culturelles et la Ville de la Marsa, nous avions évoqué dans cet article antérieur les points qui ont mené à cette négociation en cours. Nous avions également souligné - rapportant des propos de conseillers municipaux - que les services culturels de la ville de la Marsa étaient astreints à payer le prix fort pour une mise à disposition de l'espace d'El Abdelliya alors qu'une formule de partenariat serait plus logique. Ce faisant, nous ne faisions que regretter ce désaccord dont le résultat renvoie les deux parties en présence à la case départ. D'une part, la Ville ne peut pas insérer son action dans l'espace d'Al Abdelliya et d'autre part, cet espace ne se caractérise pas par une activité soutenue. Nous croyons qu'une synergie est souhaitable et visons d'abord à la faciliter ou du moins à en informer nos lecteurs. Ce faisant, nous n'occultons pas les deux dernières sessions de Layali Al Abdelliya qui ont été organisées en 2018 et 2019. Nous ne taisons pas la création du festival "Mon Premier film" ou les soirées musicales. On nous signale aussi que des spots gratuits au bénéfice du centre culturel ont été offerts par la chaîne Elhiwar à des heures de grande audience. Enfin, nous apprenons de source proche de la direction d'Al Abdelliya, que le gouvernorat a également donné son accord pour la rénovation du jardin avec un budget de 90.000 dinars. Le pourtour du Palais va également être embelli avec un montant équivalent également financé par le gouvernorat. En effet, des activités sont organisées au centre culturel mais à notre humble avis, elles sont insuffisantes et peinent à justifier la dimension supposée internationale du centre. Perspectives de partenariat avec la société civile De même, il est important de poser les véritables questions qui, en aucun cas, ne visent la direction actuelle d'Al Abdelliya mais tentent de poser les enjeux structurels. Ces questions sont au nombre de trois: Al Abdelliya peut-elle faire plus et mieux? Un partenariat avec les services culturels de la Ville de la Marsa aiderait-il en ce sens? Le rapprochement actuel entre le ministère et la municipalité est-il justifié? Tout ce qui nous motive aujourd'hui, c'est que les infrastructures culturelles disponibles à la Marsa soient mises en mouvement et optimisées. Et nous croyons - peu importent les personnes - qu'un partenariat municipalité-ministère pourrait donner un élan véritable à Al Abdelliya. Nous reviendrons sur ce dossier et donnerons la parole à toutes les parties prenantes afin d'éclairer l'opinion publique. Enfin, pour le bénéfice du public culturel, il serait important que les espaces relevant du ministère des Affaires culturelles soient clairement dynamisés.. Tout le monde sait en Tunisie que beaucoup de sinécures transforment le pays en désert culturel alors que la mission désignée n'est pas achevée pour de multiples prétextes. Dans cet esprit, nous affirmons que tout centre culturel qui dort est un abandon de responsabilités et une porte ouverte pour l'expansion de l'intégrisme et des obscurantismes. Ainsi, les acteurs culturels qui sont en charge du réseau du ministère des Affaires culturelles ont un devoir fondamental qui, parfois, n'étant pas pris au pied de la lettre, transforme les acteurs défaillants en alliés objectifs de l'islamisme pur et dur. Il ne suffit pas de se bercer d'illusions en répétant qu'il existe 500 structures du réseau des bibliothèques publiques et des maisons de la culture, il s'agit aussi de les mettre en mouvement. À ce titre, il existe beaucoup de potentiel du côté de la société civile et il incombe au ministère des Affaires culturelles, d'identifier les partenaires les plus porteurs.