Les guerres qui secouaient la place politique en « camouflage » bien organisé sont passées lors du dernier weekend à la guerre déclarée en bonne et due forme ! Le Conseil de la Choura a annoncé qu'il abandonne Fakhfakh à ses conflits d'intérêt, des groupes parlementaires ont commencé une concertation pour retirer la confiance à Ghannouchi et Kaïs Saïed cultive son « champ propre » avec l'aide de l'armée, ce qui n'est du goût de personne ! On s'attendait à un embrasement général entre les 3 pôles du pouvoir surtout après l'affaire des conflits d'intérêts du Chef du Gouvernement, mais les analystes tablaient sur une trêve estivale pensant que les Etats-majors des partis attendraient l'ouverture de l'année politique et administrative en septembre. C'était compter sans l'impatience des uns et des autres à en découdre et sans le cumul des dépassements flagrants au sein de l'ARP. Ennahdha attaque Avant même la tenue du Conseil de la Choura on savait, au milieu de semaine dernière, que le parti de Rached Ghannouchi allait sortir du bois et se désolidariser d'avec Ilyes Fakhfakh avant même la conclusion de la commission d'enquête parlementaire et avant le rapport des administrations de contrôle annoncé par Mohamed Abbou. Il y avait urgence à Montplaisir pour court-circuiter une possible démission de Fakhfakh et du coup le retour de l'initiative à Carthage. Ennahdha voulait se saisir de l'occasion pour d'autres raison plus ou oins tactiques. Il était clair depuis un moment que l'alliance avec le Courant Démocratique et le Mouvement Echaab au sein de la coalition gouvernementale ne fonctionnait plus du tout. Ennahdha voulait se débarrasser de ces deux alliés encombrants et rêvait de pouvoir imposer la participation au moins de Qalb Tounes pour l'éloigner le plus possible de s'approcher du PDL d'Abir Moussi et accessoirement de la Coalition El Karama, son « appendice » ultra sectaire. Alors l'annonce que la Choura a décidé d'abandonner Fakhfakh à son sort et de commencer les tractions pour un nouvel gouvernement n'est que l'officialisation de la décision. Il faut que le parti islamiste soit à la barre pour la prochaine étape, conscient qu'il est que ses adversaires reviendront à lui ! La bataille de l'ARP Abir Moussi criait depuis des semaines appelant à former une coalition suffisamment majoritaire pour « dégager » Ghannouchi du perchoir. Elle expliquait à qui veut l'entendre que c'est arithmétiquement et politiquement possible. Les autres groupes tergiversaient car ils n'adhéraient pas à la stratégie de harcèlement menée par la présidente du PDL, comme ils ne partageaient pas beaucoup de ses idées. La Coalition El Karama lui a offert par les dépassements de Seif Makhlouf contre les sécuritaires une occasion en or pour faire progresser son appel. Officiellement certains blocs parlementaires se préparent à sanctionner Ghannouchi et l'obliger à quitter la présidence de l'assemblée. La bataille n'est pas réglée et elle est difficile. Mais les hostilités sont lancées. Les contournements du règlement interne de l'ARP, le rôle décrié de Habib Khedher, le chef de cabinet de Ghannouchi, et les micmacs permanents dans la gestion de la représentation nationale ont fait que plus d'un bloc se trouve obligé de revoir ses positions dans cette affaire quitte à se retrouver sur les mêmes bancs qu'Abir Moussi qui est à son énième sit-in au sein de l'assemblée du Bardo! Fakhfakh à sa Kasbah Les lieutenants du chef de gouvernement, ministres, experts, juristes et autres affutent leurs armes au tour de rôle pour défendre leur patron. Même si les angoisses et l'anxiété ne filtrent pas à travers la vieille bâtisse de la Kasbah, l'état de guerre est bien là. Les accusations de conflits d'intérêts voire d'enrichissement illicite pointent de partout et M. Fakhfakh doit gérer cette descente aux enfers que pas un seul politique au monde ne redoute. La classe politique opposée à lui, les médias, les réseaux sociaux grouillent d'informations vraies ou souvent fausses qu'on doit gérer. C'est dans cet état d'esprit que Fakhfakh passe ses jours et ses nuits. Le communiqué publié ce weekend par le consortium SOTEME, VALIS, SERPOL, gagnant du lot qui incrimine le Chef du gouvernement est bien sûr le bienvenu même s'il n'apporte que des précisions techniques plus ou moins connues. En attendant la suite des évènements, le chef du gouvernement doit affuter sa stratégie en coordination avec le palis de Carthage qui parait-il n'est plus aussi réceptif ! Le Maître de l'arbitrage à Carthage Constitutionnellement parlant le Président Kais Saïed demeure l'arbitre du jeu politique et le garant de l'application de la Constitution. Il sait que la destitution du gouvernement va lui renvoyer la balle et il n'a pas du tout apprécié cette histoire de conflits d'intérêts qu'il exècre et qui le ramène malgré lui au jeu politique pas toujours aussi idéal que l'exégète des textes juridiques dans laquelle il excelle. Il occupe son temps par les conseils des armées, par la ville hospitalière de Kairouan qu'il a aussi confié aux armées et par les « discours » de plus en plus énigmatiques sur les « chambres noires » et les complots ourdis contre la nation tout en veillant à ne pas les nommer ce qui laissent un champ de manœuvre à toute fin utile. Le président Kais Saïed se retrouve malgré lui encore e face de Rached Ghannouchi et du parti Ennahdha. Les jours qui viennent, si Fakhfakh est écarté, seraient de plus difficiles pour Carthage. Il va falloir manœuvrer ardument pour trouver un bon candidat, pour former une majorité hypothétique devant le tandem Ennahdha-Qalb Tounes ... Tout ce que Saïd n'aime guère ! En fait, on ne va pas chômer pendant ces mois d'été de l'année du Coronavirus ! A.L.B.M.