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Le monde n'est pas près de manquer de pétrole
Grand angle avec Daniel Yergin, spécialiste américain de l'énergie.
Publié dans Le Temps le 14 - 01 - 2008

A l'heure où la flambée du prix du baril suscite de nombreuses craintes, l'historien et consultant Daniel Yergin réfute la thèse du déclin des ressources pétrolières. Les réserves existent, affirme-t-il, et les progrès de la technologie permettront d'y accéder. Les risques qui pèsent sur l'approvisionnement sont, selon lui, avant tout d'ordre politique.
• Quelles bonnes raisons le baril de brut a-t-il d'approcher les 100 dollars ?
-On ne peut nier que des éléments fondamentaux comme la croissance économique mondiale ou la montée en puissance des demandes chinoise et indienne permettent d'expliquer des cours élevés. Il existe effectivement de bonnes raisons pour que le baril soit à 60, 70 et 80 dollars. En revanche, les cours actuels ne reflètent pas l'équilibre entre l'offre et la demande. Des éléments conjoncturels entrent en jeu, comme le climat géopolitique et les craintes d'interruption potentielle de certains approvisionnements, mais aussi la faiblesse du dollar. Enfin, il faut prendre en compte la hausse des coûts au niveau des puits de pétrole et la réaction des marchés financiers.
• Vous êtes de ceux qui pensent que le ''pic'', en ce moment où les découvertes de gisements ne permettront plus de compenser la baisse des réserves, est loin d'avoir été atteint. Pourquoi ?
-Je dirige un organisme de recherche. Nous sommes indépendants et nous nous fondons sur des faits. Nous avons une base de données de 70.000 champs de pétrole et de 4,7 millions de puits individuels. C'est la plus grande au monde. Quand nous regardons ces chiffres, nous ne voyons pas se dessiner un monde commençant à manquer de pétrole. C'est la cinquième fois depuis les années 1880 que l'on nous prédit une telle fin. En 1970, on utilisait déjà l'image du sommet de la montagne dont on allait tomber. Il faut analyser les réserves, les projets mais aussi l'évolution technologique. En prenant en compte tous ces éléments, nous estimons que les capacités mondiales de production de brut vont augmenter de 20% au cours des dix prochaines années. Il y a d'un côté un élargissement de la notion de ''pétrole'' avec les nouveaux gisements issus des sables bitumineux ou des eaux très profondes par exemple. De l'autre, il ne faut pas sous-estimer le progrès technologique. Certains parlent de ''pic'' depuis plus de trente ans mais ne cessent, année après année, de repousser la date du début du déclin annoncé.
• Que prévoyez-vous alors ?
-Que la production mondiale atteindra une sorte de plateau à partir de 2030-2040. Et que celui-ci pourrait se prolonger longtemps. D'ailleurs, la véritables surprise viendra peut-être plutôt de la demande. Sur le front de la consommation, il peut y avoir de vraies évolutions, car les prix actuels sont de nature à déclencher une prise de conscience des consommateurs et rendent possible des investissements dans d'autres énergies.
Votre scénario n'est-il pas trop optimiste ?
Si l'augmentation de capacité que nous anticipons ne se concrétise pas, cela ne sera pas à cause d'une pénurie d'ordre géologique mais d'événement extérieurs. Il peut y avoir de véritables problèmes politiques qui empêchent les investissements indispensables de se matérialiser. Conflits, guerres civiles, violences en général sont susceptibles d'influer sur la production. On le voit aujourd'hui. L'évolution d'une politique fiscale peut avoir un impact important. Le nationalisme économique qui conduit certains pays hôtes à prendre des dispositions capables de décourager les investissements étrangers aussi. L'autre risque est lié aux coûts de la filière pétrole, le grand sujet de préoccupation de l'industrie. Depuis 2000, ceux-ci ont presque doublé. Il y a enfin un manque de ressources humaines et de savoir-faire. Mais il ne faut pas perdre de vue que les ressources naturelles sont là et que la technologie n'a jamais cessé de progresser. Ce n'est ni la fin de l'histoire, ni la fin de la technologie.
• Un baril à 100 dollars, n'est-ce pas cependant inquiétant ?
-Voici ,un ou deux ans, le baril était à 60 dollars, et, paradoxe, cela suscitait finalement davantage d'inquiétudes. Pourquoi ? Sans doute parce que l'économie mondiale a aujourd'hui prouvé qu'elle était capable de concilier pétrole cher et croissance forte.
Ceci dit, nous pénétrons sur un terrain inconnu. En tenant compte de l'inflation, le prix le plus haut jamais atteint par un baril tel que nous le calculons au Cambridge Energy Research Associates (CERA), et je sais qu'il y a d'autres méthodes acceptables, s'élève à 99,04 dollars en avril 1980. La croissance économique est certes devenue moins gourmande en énergie mais, passé un certain point, la hausse des cours finira par comporter des conséquences négatives. Cet effet prix peut être d'autant plus douloureux qu'il vient s'ajouter à la crise qui affecte en ce moment les marchés financiers. Enfin, il est toujours plus facile de faire face à une hausse des prix des matières premières dans un contexte économique de forte croissance. Or, aujourd'hui, la croissance risque de se ralentir. L'Europe est néanmoins en partie protégée par la force de l'euro et par une fiscalité dont le pieds est tel que les prix de l'essence à la pompe dépend plus du niveau des taxes que des cours du baril.
• Les prix ont-ils vocation à rester très hauts ?
-Pas forcément, mais il y a tellement d'inconnues. Où en sera l'économie mondiale dans cinq ans ?
Que se passera-t-il en Iran ? Nous retenons en fait trois scénarios. Dans le premier, ''le Phénix asiatique'' la poursuite de la croissance de l'Inde et de la Chine tire la croissance économique mondiale et la consommation de pétrole. N'oublions pas qu'en 2004, l'Asie a déjà consommé plus de pétrole que l'Amérique du Nord. Mais en l'absence de fortes tensions géopolitiques et dans un contexte économique mondial favorable, les prix peuvent rester supportables quoique élevés. Dans le deuxième, ''point de rupture, le baril monte à entre 125 et 150 dollars en raison de tensions géopolitiques majeures ou de politiques drastiques contre le réchauffement climatique. Dans ce cas, le pétrole perdrait sa position de monopole dans le transport. A l'inverse, le troisième scénario, dit de '' fissure globale'', envisage une chute plus ou moins brutale du cours du baril. Dans cet hypothèse, la globalisation est violemment rejetée.
L'heure est à nouveau au protectionnisme et au ralentissement économique. Comme la situation peut évoluer très rapidement, le scénario qui semble le plus probable aujourd'hui ne le sera peut-être pas demain.
• Au même titre que le protectionnisme est un sujet d'inquiétude, la manne pétrolière ne risque-t-elle pas elle aussi d'être la source de tensions spécifiques entre pays producteurs et consommateurs ?
-La hausse des cours du brut provoque un tel transfert de richesses que cela risque fatalement de donner naissance à certaines tensions. En 2002, les pays membres de l'Opep avaient vendu pour 199 milliards de dollars de pétrole. Cette année, on s'approchera sans doute des 700 milliards.
Il y a encore six mois, personne ne parlait des fonds souverains. Désormais, avec les crises de l'immobilier et du crédit aux Etats-Unis, c'est le sujet du jour. Ces fonds vont jouer un rôle grandissant. Certains auront des objectifs complexes ou confus, mais nombre d'entre eux agiront de façon disciplinée, comme des investisseurs financiers avisés. Il y aura sans doute des craintes liées à la sécurité ou à la réciprocité, mais le plus risqué pour certains pays serait probablement d'être ignorés par ces fonds dont les milliards à investir vont jouer un rôle croissant dans l'économie mondiale.
• On accuse souvent les pays producteurs d'avoir dans le passé " gâché " la manne pétrolière. Est-ce encore le cas ?
-Ce point de vue est trop réducteur. Certains ont mal utilisé leurs dollars, c'est vrai, mais d'autres comme l'Arabie Saoudite ont, par exemple, investi dans le développement de leurs infrastructures. Et l'histoire se répète.
Des pays pensent que le pétrole ne peut que monter et brûlent leurs dollars quand d'autres sont plus prudents. Comparez par exemple la Russie et le Venezuela. La première ne veut pas revivre la crise de 1998 et agit donc sur le front macroéconomique et fiscal de façon très organisée. On ne peut pas en dire autant du second. D'autre part, comparés aux années 1970, les pays du Golfe investissent désormais beaucoup plus dans leur marché domestique pour développer leur économie.
• L'Europe a-t-elle raison de s'inquiéter face à une Russie accusée d'user de l'arme énergétique ?
-Le gaz naturel constitue aujourd'hui le principal point de friction entre l'Europe et la Russie. Pendant quarante ans, pendant la guerre froide, tout semblait très bien fonctionner sur le plan de la relation énergétique, puis la situation s'est compliquée. Mais comment pourrait-il en être autrement ? La Russie, l'Europe et le marché du gaz sont en train de changer considérablement. La question est complexe et l'on ne trouvera pas une réponse simple et immédiate, surtout si l'on prétend que l'autre a forcément tort. Nous étudions cela de près dans notre dernier rapport " Securing the Future ", qui a retenu l'attention de Bruxelles, de Moscou et de nombreuses capitales européennes.
L'une de nos conclusions est qu'il ne faut pas que chacun accepte seulement de voir ses propres problèmes. L'Europe estime qu'un marché plus concurrentiel est le garant de la sécurité d'approvisionnement.
Mais elle veut aussi des garanties. La Russie, elle, n'entend pas investir massivement dans ses capacités de production sans pouvoir bénéficier de contrats à long terme.
Elle sait en outre qu'elle sera confrontée en interne à des tensions grandissantes.
L'économie russe est en croissance d'environ 7% par an depuis sept ans. En 2010, le pays sera différent et il lui faudra trouver un nouvel équilibre entre la demande intérieure et les marchés d'exportation. l'important est donc de dialoguer. Il peut exister des solutions.
• Les Etats-Unis, eux, évoquent régulièrement " l'indépendance énergétique ". Le pays est-il véritablement prisonnier du pétrole du Moyen- Orient ?
-Quels sont les principaux exportateurs de pétrole vers les Etats-Unis ? Le Canada et le Mexique. Beaucoup croient que notre pétrole vient à 100% du Moyen-Orient.
C'est faux. Cette région ne présente que 19% de nos importations et 11% de notre consommation. L'indépendance énergétique est un slogan qui sonne bien, mais qui n'a pas beaucoup de sens. Nous faisons partie d'un monde global et nous ne pouvons nous passer des importations. Le pétrole importé représentait un tiers de notre consommation en 1970, c'est aujourd'hui 60%. Et le gaz naturel liquéfié, qui n'est actuellement importé qu'à hauteur de 3%, le sera en 2020 à hauteur de 20%. On ne doit pas rechercher une solution seuls, mais dialoguer avec les pays exportateurs ainsi qu'avec nos alliés, Européens et Japonais aujourd'hui, Chinois et Indiens demain, qui seront confrontés aux mêmes défis énergétiques que nous.
• Le nucléaire est-il sur le point de connaître une deuxième jeunesse aux Etats-Unis ?
-Soyons réalistes. Il faut mesurer la complexité du système politique et juridique américain. Nous avons de très nombreux contre -pouvoirs locaux, des administrations, des assemblées, des tribunaux, des régulateurs... Entre le niveau fédéral et les pouvoirs des Etats ou locaux, il peut y avoir beaucoup de désaccords. En conséquence, même si au niveau fédéral il existe une volonté de faciliter le redémarrage du nucléaire et si une loi de 2005 a réduit les risques réglementaires, la situation demeure compliquée. En dépit des assurances données, qui peut garantir que les règles ne changeront pas à nouveau ?
• Vous êtes donc réservé ?
-Avançons par étapes. N'oublions pas que ce pays compte une centaine de centrales pratiquement le double de la France. Le nucléaire n'est pas mort aux Etats-Unis, il a simplement arrêté de grandir. Il existe une réelle chance que de nouvelles tranches soient construites sur des sites existants. Ce serait un premier pas. Mais rien que pour garder constante la part du nucléaire, soit environ 20% de notre production électrique, il va falloir investir massivement et trouver des ressources humaines. A -t-on vraiment les moyens de construire une trentaine de tranches? Incontestablement, le débat sur le réchauffement climatique a provoqué une évolution psychologique. Parler du nucléaire et même associer le nucléaire aux énergies renouvelables n'est plus tabou.
Mais commençons par bâtir quelques nouvelles centrales pour prouver que cela est possible et après on verra. Le chemin sera sans nul doute semé d'embûches.
• L'Amérique pourrait-elle se passer de charbon ?
-Sans le charbon, il n'y pas d'électricité américaine. On ne va pas casser cette relation. On parle beaucoup de "charbon propre", de " séquestration du CO ".
C'est un terrain de recherche très important, mais trouver une solution magique va prendre du temps. Dans ce domaine, les Etats-Unis et la Chine, à la fois principaux consommateurs et principaux détenteurs de réserves de charbon, doivent apprendre à collaborer sur les éléments politiques susceptibles d'affecter aussi bien la sécurité énergétique que le changement climatique.
Interview parue sur le quotidien économique Français « les Echos »


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