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Pour un meilleur positionnement
Tribune : Une stratégie nationale, un nouveau contexte et une nouvelle loi d'orientation de l'enseignement supérieur
Publié dans Le Temps le 03 - 02 - 2008

Au-delà des accords de libre échange avec l'Union Européenne et des accords signés avec l'OMC, on sait que la politique nationale de développement s'est toujours appuyée sur des orientations stratégiques précises. Ces orientations sont inscrites dans les programmes électoraux présidentiels et dans les plans nationaux de développement. Ces orientations sont naturellement déclinées par secteur.
C'est pourquoi, afin de saisir la portée de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur actuellement débattue au sein de la Chambre des Députés et de la Chambre des Conseillers, il importe de revenir au XIe Plan de Développement National 2007-2011, tout en considérant la recherche d'un meilleur positionnement de notre pays dans un environnement international marqué par la compétitivité.
Le XIe plan définit ce que la nation peut attendre du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique à savoir « Réaliser un saut qualitatif dans les différents domaines de manière à mieux répondre aux exigences du développement et à faciliter l'intégration de l'économie nationale dans une économie globalisée ainsi que l'exploitation des opportunités offertes par cette dernière1. » Cela implique comme précisé dans le document du plan : un relèvement de la qualité de l'enseignement supérieur de manière à instaurer une économie de la connaissance, un partenariat généralisé avec l'environnement, la constitution de pôles d'excellence, parallèlement à l'adoption de modes de formation en harmonie avec les systèmes internationaux fondamentaux2 et le renforcement de l'enseignement à distance.
A la lecture de ces orientations il est aisé de reconnaître que le rôle imparti à l'enseignement supérieur et la recherche scientifique revêt une importance stratégique pour la réalisation du projet de développement national. Pour assurer ce rôle, le secteur devra se doter du cadre institutionnel à même de permettre la réalisation du « saut qualitatif » attendu. C'est, nous semble-t-il, la finalité principale de ce projet de loi. Avant d'examiner les innovations inhérentes à cette loi comparée à celle de 1989 actuellement en vigueur, nous évoquerons les problématiques de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique dans les pays économiquement avancés.

Enseignement supérieur et développement
Il est admis aujourd'hui que le progrès technologique et le savoir qui le sous-tend constituent l'une des principales forces motrices du développement économique. Cela paraît évident si l'on remarque l'importante dose de science et de recherche et développement (R&D) incluse dans les produits utilisés au quotidien par le citoyen moyen. Il en résulte une importance capitale donnée à l'enseignement supérieur et la recherche scientifique par les politiques nationales et les structures internationales. Les études réalisées par des organismes internationaux invitent à améliorer la performance du secteur3.
Ainsi la Banque Mondiale suggère à chaque pays de déterminer l'apport qu'il peut attendre de façon réaliste de l'enseignement supérieur (quelle est sa contribution au développement économique, social et politique?) et d'établir des objectifs clairs tout en prenant en considération une concurrence internationale croissante.
L'UNESCO avait organisé durant l'automne 1998 - il y a déjà dix ans - une conférence mondiale sur l'enseignement supérieur. La déclaration finale de cette conférence définit les missions de l'enseignement supérieur dont l'éducation, la formation, la recherche et la contribution au développement durable et l'amélioration de la société en tant que tout. Elle souligne des questions comme la qualité de l'enseignement, sa diversification, l'exploitation du potentiel des techniques de l'information et de la communication, et le réseautage des institutions notamment à l'échelle internationale. Elle insiste aussi sur certaines valeurs qui devraient être présentes dans les institutions universitaires : éthique, rigueur intellectuelle, esprit critique et vision à long terme.
Les tentatives de définir un référentiel international se multiplient à l'échelle régionale ou internationale. Le processus de Bologne adopté par les pays de l'Union Européenne en 2000 institue, outre l'harmonisation des structures de formation, l'assurance qualité au niveau des institutions universitaires.
L'existence d'un référentiel international n'empêche pas de considérer que l'enseignement supérieur remplit des fonctions qui peuvent varier d'un pays à l'autre et d'un contexte local à un autre même si l'on admet que ces fonctions s'articulent autour de quatre finalités universelles4 :
* Le leadership académique : disposer de professeurs hautement qualifiés, développer une recherche de qualité, originale et publiée dans des supports reconnus à l'échelle internationale.
* Le développement professionnel : préparer les étudiants à des métiers requis par le marché. Cela s'impose désormais comme critère d'évaluation de la formation.
* La formation technologique destinée à assurer une insertion professionnelle à court terme.
* La formation supérieure générale : qui répond à la tendance des étudiants à occuper des emplois différents de ceux pour lesquels ils ont été formés. La formation générale développe des habiletés intellectuelles qui devraient être utiles à une variété de métiers possibles et à de nombreux rôles de citoyen.

L'apport de la loi d'orientation
On peut de prime abord affirmer que la loi d'orientation de l'enseignement supérieur constitue un support de taille pour la réalisation des objectifs du XIe Plan dont celui du développement d'une économie de la connaissance et de l'insertion avantageuse du pays dans un monde globalisé. De même, cette loi prend en considération les problématiques du secteur telles qu'elles sont définies dans les stratégies et les référentiels internationaux à savoir : l'affirmation du rôle des universités dans le développement national et local, l'assurance qualité et l'accréditation, l'autonomie des institutions universitaires, l'exploitation des technologies de l'information et de la communication, la participation de différentes parties prenantes dans la gestion, l'évaluation et la définition des curricula, la préparation adéquate des étudiants à occuper les emplois correspondants aux besoins de l'économie ainsi que l'affirmation des principes de l'éthique, de l'excellence et de la compétitivité.
C'est dans cette optique que la loi définit clairement les missions du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Le mode de formation qu'elle institue - licence, mastère, doctorat - est en cohérence avec celui en vigueur chez les principaux partenaires économiques du pays à savoir l'Europe mais aussi l'Algérie et le Maroc.
Ce qui caractérise cette loi et représente un véritable changement de paradigme de l'enseignement supérieur dans notre pays ce sont, à notre avis, ces deux dispositions :
1- Il sera désormais demandé aux institutions universitaires de planifier sur quatre années leurs activités d'enseignement et de recherche qui feront l'objet d'un contrat avec l'Etat représenté par le ministre de l'enseignement supérieur. Cela implique une autonomie nouvelle pour ces institutions, un investissement important pour l'élaboration du plan quadriennal qui va exiger non seulement de l'imagination mais surtout une concertation avec les diverses parties prenantes notamment les agents économiques de la région et/ou de la localité géographique d'implantation de l'institution.
1- L'évaluation et l'assurance qualité comme corollaire logique de la contractualisation et du contrôle a posteriori. Elles représentent un changement majeur dans l'approche de la gestion des institutions d'enseignement supérieur et de recherche même si des expériences pilotes ont déjà été réalisées durant les deux ou trois dernières années. Il faudra pour cela définir des normes de qualité en rapport avec les objectifs de performance définis. Il faudra ensuite réaliser une évaluation interne et se doter d'une équipe qualifiée et engagée dans la réalisation de cette mission. Enfin il faudra se soumettre à une évaluation externe réalisée par une équipe d'experts. L'avaluation et l'assurance qualité sont conçues dans une optique à la fois objective et positive. Ses résultats sont, principalement, l'identification des forces et des faiblesses de l'institution et la détermination d'actions à entreprendre pour réduire les secondes et renforcer les premières. Cela est à même de déclencher un processus de changement continu de l'institution. Il favorise également le développement de capacités nouvelles et une flexibilité permettant à la fois de s'adapter aux changements de l'environnement et de relever la barre des objectifs de plus en plus haut. En définitive l'évaluation va donner de la transparence au fonctionnement des institutions et va impulser une dynamique en faveur de l'excellence. Et comme l'évaluation fait intervenir tous les acteurs concernés y compris les étudiants et les employeurs, l'institution sera plus à même de répondre à leurs exigences. L'assurance qualité devrait garantir la durabilité des améliorations réalisées et du respect des normes établies.
Ces deux orientations - contractualisation et évaluation de la qualité - représentent des objectifs qui introduisent une nouvelle culture dans le secteur. On apprécie que la loi ait prévu cinq ans pour l'entrée en vigueur totale de la réforme car le changement de culture est un phénomène complexe et lent. Il se heurtera nécessairement à des résistances (on assiste déjà à des levées de bouclier par certains). L'application de cette loi va redistribuer les cartes de la responsabilité relative aux résultats et à la performance du secteur. Ce sont les institutions qui vont occuper désormais les premières loges en la matière car ce sont elles qui vont établir leurs plans d'action et se soumettre à une évaluation en conséquence. Ses diverses parties prenantes partagent cette responsabilité : enseignants, étudiants, employeurs, administrateurs et employés, partenaires locaux, régionaux et nationaux. Bref, la balle sera désormais dans le camp des acteurs sociaux des institutions universitaires d'enseignement et de recherche. C'est un défi énorme à relever.
Ceux qui, comme nous, ont appelé à des réformes de cette importance depuis une dizaine d'années et plus5 ne peuvent que se réjouir de cette loi. En revanche, et pour se donner les moyens de relever cet immense défi et mieux vaincre les résistances, il nous semble qu'il faudra veiller à certains préalables.
1. Il y a d'abord nécessité de réaliser une campagne d'information soutenue et moderne pour que toutes les parties prenantes de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique saisissent la portée de cette loi et son intérêt pour la nation.
2. Chaque institution universitaire qui s'engage dans le processus d'évaluation devrait se doter d'une équipe sensibilisée, formée et engagée dans l'amélioration de la performance de son institution. Le choix d'une mise en application de la loi sur une période de 5 ans laisse une marge suffisante pour constituer de telles équipes.
3. Une autre question délicate concerne le recrutement des directeurs/doyens d'institutions et des présidents d'université. Le principe de nomination et d'élection sur la base de la notoriété ou du capital social dont dispose le professeur nous semblent insuffisants au regard des exigences de la mise en œuvre d'une telle loi. Il faudra que les candidats à de tels postes bénéficient certes d'expérience dans le secteur, de qualités scientifiques et de réalisations dans le domaine de la recherche. Ils doivent présenter néanmoins des qualités d'entrepreneur capable de concevoir et de réaliser un projet, des prédispositions au leadership pour gérer de manière participative et associer à la prise de décision des partenaires de différents horizons, en plus des qualités éthiques car c'est la condition nécessaire pour atteindre les objectifs d'excellence et de compétitivité de l'institution.
4. A l'échelle nationale, il faudra se doter de compétences imbues des principes de l'évaluation objective et positive, celles qui ne jugent pas mais dévoilent les opportunités d'amélioration continue. Les experts de l'évaluation devraient être réunis dans des structures indépendantes et bénéficier de légitimité auprès des institutions qui se soumettent à leur examen.

1 page 272
2 Cette nécessité d'harmonisation internationale des structures a impliqué des réformes de l'enseignement supérieur dans de nombreux pays cf. « L'enseignement supérieur, une compétition mondiale ? » Dossier de la Revue Internationale d'Education Sèvres, n°45, septembre 2007
3 Banque Mondiale (2000), Higher Education in Developing Countries, Peril and Promise
UNESCO (1998) Conférence mondiale sur l'enseignement supérieur
4 De Moura Castro C. & Levy D. C. (2001) « Four Functions in Higher Education » International Higher Education - n° 23 Spring 2001 pp. 5-6
5 Cf. J. M. Plassard & S. Ben Sedrine(1998) (sous la direction) Enseignement supérieur et insertion professionnelle en Tunisie, Université des Sciences Sociales de Toulouse, voir en particulier S. Zouari-Bouattour « L'enseignement supérieur en Tunisie : les enjeux » pp50-71
Y. Essid (sous la direction) (1999) Nouveaux modes d'acquisition du savoir et travail humain, Faculté des Lettres et des sciences humaines de Sfax et Faculté des sciences économiques et de gestion de Sfax, voir en particulier R. Zghal « Formation et défis de la globalisation : employé formé ou organisation qualifiante » in pp. 59-66
Colloque Valeur et valeurs organisé par la Revue Tunisienne des Sciences de Gestion (RTSG) ; Tunis 7-9 février 2002
Riadh Zghal : Professeur émérite Université de Sfax


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