• Les superficies céréalières baisseraient en moyenne de 200.000 ha d'ici 2030 Il y a quelques jours, s'est tenu dans un grand hôtel de la capitale, un séminaire présentant le rapport définitif d'une étude - financée par la coopération allemande - sur les changements climatiques et leur impact sur l'agriculture à l'horizon 2030-2050, c'est-à-dire pour très bientôt. Parmi les conclusions présentées, et pour schématiser la situation probable, on peut retenir - entre autres - que la température moyenne de la Tunisie augmenterait d'1,1 °C/an, ce qui peut sembler négligeable ! Mais sachez alors que seulement une différence de 1.2°C sépare la température moyenne de Gabès de celle de Tunis, de quoi vous permettre d'imaginer - à peu près - comment pourrait se décaler, après pareils changements, l'ensemble de nos cultures dans l'espace et dans le temps. Pour les superficies céréalières par ex. ; l'étude estime qu'elles baisseraient en moyenne de 200.000 ha en 2030, et cela sans tenir compte de la taille de l'exploitation agricole. Mais comme celle-ci devient de plus en plus petite, donc d'une rentabilité moindre, ces CC en seront d'autant plus nocifs : En 1961/62, le nombre d'exploitants était de 326.000, il est passé à 471.000 en 1994/95, et tourne autour de 515.000 aujourd'hui. Cela veut dire, en clair, que la taille de l'exploitation (c'est-à-dire la taille de l'entreprise agricole où se décident la production et la compétitivité du produit) est en train de se pulvériser, au moment où l'entreprise (agricole ou autre) dans le monde développé ne cesse de s'agrandir pour s'adapter aux technologies nouvelles et améliorer sa rentabilité. D'où risque d'abandon de terres avec les CC attendus comme le dit l'étude. Cette volatilité de la climatologie est de nature à nous amener à réfléchir sur l'adaptation de l'agriculture à cette nouvelle situation. Et si on ne veut pas que notre approvisionnement en céréales se transfère - encore plus - des greniers de Rome que formaient Béjà ou Jendouba... vers les ports d'importation de Bizerte, Tunis, Sousse..., l'étude nous invite à réfléchir et à décider de ce qu'il y a lieu de faire. Les années 2030 ou 2050 étant à nos portes que, même si nos directeurs, PDG, agriculteurs, chercheurs, vulgarisateurs, CRDA... actuels profiteraient alors d'une paisible retraite, ils ne sont pas moins responsables de la réflexion à mener aujourd'hui, et des décisions et moyens à mettre en branle pour que la Tunisie ne rate pas ce rendez-vous dans 23 ou 43 ans. D'ailleurs, l'étude faite en 2005 par la Banque Mondiale, sur la filière « céréales », a déjà évoqué la problématique des CC, parallèlement aux autres problématiques qui se posent (recherche, vulgarisation, structures foncières, structures professionnelles, moyens financiers, dangers pour la fertilité du patrimoine « sol »...), comme elle a proposé des solutions pertinentes qui méritent d'être approfondies ». De même, lors des dernières « Journées sur les acquis de la recherche », tenues récemment à Hammamet, des questions et des recommandations ont été effectuées pour mieux accorder les violons entre les objectifs globaux du pays tels qu'ils apparaissent dans le Programme présidentiel et les mesures conseillées en matière de recherche par cette étude de la Banque Mondiale sur « la filière céréalière » d'une part, et le XIème Plan, d'autre part. Voici, maintenant, que l'étude sur les CC vient verser encore dans le même sens les unes et les autres proposant une réflexion spécifique sur les céréales (ou sur l'ensemble de l'agriculture). Une réflexion qui grouperait les compétences de la base au sommet, des jeunes cadres aux seniors un peu plus expérimentés, des exploitants qui vivent cette agriculture sur leurs mini-parcelles aux éminents chercheurs, planificateurs et décideurs de l'administration et de la profession... pour mettre en place un programme transitoire sur 10 ou 15 ans comme le recommande l'étude de la Banque Mondiale sur la filière « Céréales » et lui réserver des moyens compatibles avec le niveau des défis qui se présentent sur son chemin. D'ailleurs, même la proche libéralisation du marché des produits agricoles dont on parle a besoin de ce genre de repères pour pouvoir être menée à bien. Etant donné les échéances plutôt courtes, il est à souhaiter que : • Un re-ciblage des actions de développement à démarrer dans l'immédiat, et, en parallèle, une définition des objectifs et du temps à impartir à la recherche pour préparer les solutions adaptées à chaque type d'exploitation, à chaque type de CC... seront les bienvenus et, • Une mobilisation des moyens humains, financiers et réglementaire nécessaire pour mener à bien l'adaptation à ce nouveau contexte agronomique, économique et climatologique... Et s'il y a du pain sur la planche, nous devons penser au pain de nos enfants ; et une année supplémentaire d'études et de mises au point pour mieux conforter le XIème Plan et mieux l'adapter, ne serait pas de trop... Malek Ben Salah