Le Temps-Agences - Des dizaines de milliers de Serbes hostiles à l'indépendance du Kosovo se sont rassemblés à Belgrade pour un rassemblement à l'appel notamment du gouvernement de Vojislav Kostunica et des nationalistes du Parti radical serbe (SRS), première force politique du pays. Les manifestants, brandissant le drapeau national ou des banderoles proclamant l'appartenance du Kosovo à la Serbie, se sont regroupés au cœur de la capitale, devant le bâtiment du Parlement fédéral érigé il y a un siècle. A la tombée du jour, des colonnes de manifestants continuaient d'affluer sur la place noire où résonnaient de mélancoliques chansons patriotiques. Les organisateurs, qui ont affrété des trains gratuits et 5.000 autocars pour l'occasion, ont visiblement remporté le pari de faire au moins aussi bien que le demi-million de Serbes qui s'étaient réunis en 2000 pour évincer Slobodan Milosevic. Ils voulaient démontrer ainsi au reste du monde la colère de la nation serbe face à la perte d'une province qu'elle considère comme le berceau de son histoire et de sa religion. "C'est un Etat inventé, une honte pour l'Europe et le reste du monde", a déclaré un manifestant, Milan Vukosavljevic. "Notre message est simple : le Kosovo est le cœur de la Serbie", a renchéri un autre homme interrogé par la télévision nationale. Les établissements scolaires sont restés fermés toute la journée pour permettre au plus grand nombre de prendre part à la manifestation et à prier dans la principale cathédrale orthodoxe de Belgrade. Une scène immense a été dressée, recouverte de drapeaux serbes et ornée d'une gigantesque banderole proclamant que "le Kosovo est la Serbie", d'où devait s'adresser à la foule le Premier ministre Kostunica. La chaîne de télévision publique RTS, dont la grille a été débarrassée des habituelles productions hollywoodiennes pour faire place à des films historiques serbes, a rappelé les médias à leur devoir patriotique et les a invités à donner libre cours à ce que l'un d'eux qualifie de "fureur nationale". Aux yeux des observateurs, il serait toutefois erroné de voir dans l'expression de cette colère un retour au nationalisme ardent qui a alimenté les conflits des années 1990. Et cette manifestation devrait plutôt faire fonction de catharsis. Si de nombreux Serbes restent très attachés au Kosovo, 70% d'entre eux voient leur avenir aux couleurs européennes. "La colère que les Serbes ressentent en ce moment est compréhensible, elle fait partie du processus d'acceptation. Mais les perspectives à long terme sont excellentes pour la Serbie si l'Occident fait preuve de patience et les laisse surmonter ce moment difficile", assure un connaisseur occidental du dossier, établi à Belgrade. L'indépendance du Kosovo, proclamée unilatéralement dimanche, a donné lieu à des manifestations assez modestes mais parfois violentes en Serbie et en République serbe de Bosnie. Des heurts se sont produits aux abords des ambassades de pays ayant reconnu cette indépendance, notamment celle des Etats-Unis et de Slovénie, présidente en exercice de l'Union européenne, et les locaux de plusieurs entreprises occidentales ont été les cibles de jets de pierres ou de menaces. A Banja Luka, capitale de la République serbe de Bosnie, plusieurs personnes ont été blessées hier lors d'une manifestation devant le consulat des Etats-Unis. Plusieurs centaines d'anciens combattants serbes des guerres des Balkans ont brûlé des pneus devant un poste-frontière du Kosovo gardé par la Kfor avant de repartir, sans autre incident.