* Ceux qui le sont et ceux qui font tout pour l'être Etre « in », up to date, à la page... c'est un style de vie, une doctrine qui a ses adeptes. De plus en plus, cette notion déborde de son cadre personnel et se transforme en réels enjeux et critères sociaux qui permettent de tisser les réseaux sociaux et s'intégrer dans une société de consommation ne tenant compte que de ce profil. Etre au courant des news people, s'habiller à la mode, s'exprimer à la mode, fréquenter les lieux branchés sont devenus un must. Que veut dire au juste être in ? Les Tunisiens le sont-ils vraiment ? A peine un salon de thé ou un club lounge sont ouverts, les jeunes se passent le mot et débarquent en grand nombre. On admire la déco très contemporaine, les meubles design, on se dit que l'endroit est super, on le recommande à des amis, impossible d'y trouver une table ...Après quelques mois ce même endroit devient has been, ringard ou rempli de ploucs. Gare au proprio qui ne garde pas une qualité de service et de clientèle impeccable, une ambiance cool et un style branché ! Les Tunisiens sont très « aware » et exigeants, surtout les jeunes. Cela est une preuve que les jeunes ont le sens du neuf, du concept branché. Hichem, 23 ans, étudiant, clubber fidèle aux sorties nocturnes explique « si les Tunisiens sont in ? bien sûr que oui ! Pas une soirée branchée ne leur échappe, ils connaissent tous les DJ mondiaux et tunisiens, les lieux les plus 'hipe', les restos, les bars, les séries télé et les artistes à la mode, même la culture fait partie du concept in : les films qu'il faut voir même si on n'aime pas le cinéma, le concert à écouter parce que tout le monde en parle. C'est aussi connaître les résultats du championnat de football britannique ou les nouveaux phénomènes en France, les téléphones mobiles dernier cri, un peu de politique internationale et d'infos insolites et on est prêt pour une bonne sortie avec n'importe quelle bande d'amis. Qui aujourd'hui, en Tunisie, ne connaît pas la série Prison Break, le DJ Vendetta, le nouveau café du côté du Lac ou le dernier bar à Tunis ? Je veux juste ajouter qu'une certaine radio privée a bien participé à la généralisation de la « branchitude » et à informer le grand public des bons plans et des soirées autrefois véhiculés bouche à oreille. » Etre à la page, c'est aussi connaître l'actualité sportive et people, la politique est un plus qui rend la personne plus intéressante et cultivée. Pouvoir discuter des performances des nouvelles voitures ou ordinateurs, des sociétés étrangères et de l'économie tunisienne fait partie du style. Il y a même du « in » à éviter certaines remarques, expressions et certaines pseudo bonnes manières de mémé. Bien évidemment, la tenue vestimentaire compte pour beaucoup. On peut cataloguer une personne ringarde rien qu'au pantalon ou aux chaussures datant de la précédente décennie. C'est tout à fait d'époque d'être jugé d'après le paraître, donc on mise tout pour être « fashion ». Il y a ceux qui ont les moyens de se payer le look tendance chaque saison, ceux qui essaient avec les moyens du bord à composer des tenues branchées fripe compris, et ceux qui ont recours à la contrefaçon et les imitations pour rester à la mode. La mode quitte à être celle de l'année dernière doit être suivie pour les gens simples qui tentent de suivre la vague. Mouna, apprenti coiffeuse à la Soukra, fan des Burberry et Prada made in China achetés pour deux sous, est prête à tout pour paraître branchée « c'est important pour moi de suivre la mode, pas question d'aller boire un café samedi avec un manteau et des bottes démodés ». Même dans la « branchitude », il y a une hiérarchie. Le top du podium coûte cher et exige beaucoup de goût et un back round favorable. Etre là où il faut être et ne rater aucune soirée VI.P , parler brillamment des sujets à la mode, s'habiller en extra chic sport dernière tendance, avoir le style et la tchatche, éviter les débats et les idées has been...les critères sont exigeants. Le milieu, c'est de tenter de suivre la vague, avec des moyens limités, mais amuser un minimum de modernité dans les lieux que l'on fréquente et les centres d'intérêts. Le petit degré de « « branchitude est celui de ceux qui font semblant, qui ne sont au courant de rien mais ils vont dans les endroits branchés parce qu'ils ont entendu dire. Sabrine, hôtesse d'accueil dans des soirées, trouve que « les Tunisiens sont vraiment branchés, ils savent s'amuser, dépenser, se bien saper, mettre l'ambiance, sans gêne et avec naturel. Bien sûr il y a ceux qui sortent une fois par trimestre par mimétisme et sèment la pagaille là où ils passent mais ils sont facilement repérables avec leur style « m'as-tu vu » et leurs fringues trop genre cérémonie de mariage. Cependant, pendant des soirées, on ne se croirait pas en Tunisie tellement les gens sont branchés. On dépasse même certains européens qui semblent sortis tout droit d'un musée. » Cette culture du « in » vient directement de l'Occident et du développement des moyens de communication et d'information. Il est dans l'ordre des choses qu'une société évolue, dans un sens ou dans un autre. L'ouverture sur une manière d'être et de vivre européanisée semble inéluctable dans notre société. Mais au même moment et parallèlement, une autre culture est en train de s'installer, à savoir celles des pays orientaux (entendre du Golfe). L'autre extrême est une façon d'être 'in', en harmonie avec les tendances orientales en matière de fondamentalisme et pratiques ultra puritaines. Le revers est le lot d'obscurantisme et de charlatanisme qui accompagnent cette tendance et troublent l'identité arabo-musulmane déjà très confuse dans l'esprit des gens. Entre ces deux tendances opposées, se pose le problème de l'identité. Alors être ou ne pas être branché, telle n'est pas la question.