* Trois facteurs de vulnérabilité : la biologie, la société et l'économie Les femmes tunisiennes ont-elles les mêmes chances d'accès aux services de soin que les hommes ? Comment réagissent-elles face aux maladies notamment le VIH/SIDA ? Disposent-elles vraiment des mêmes avantages que les hommes ? C'est à ces questions qu'ont essayé de répondre les professeurs Mohamed Ridha Kammoun, président de l'Association Tunisienne de lutte contre les Maladies sexuellement Transmissibles et le SIDA section de Tunis et Habiba Ben Romdhane, Directrice du Laboratoire d'Epidémiologie et Prévention des Maladies Cardiovasculaires de l'Institut National de la Santé Publique lors de la première table ronde du 6e cercle de la population et de la santé de reproduction. Devenu une tradition de l'Office National de Famille et de la Population, (ONFP), le premier rendez-vous de l'an 2007 placé sous le thème « masculin-féminin : les lois du genre en matière de santé » a eu lieu vendredi après-midi au siège de l'Office. Les témoignages et les résultats des études dévoilés lors de cette rencontre ont démontré que la femme ne perçoit pas la maladie dont elle souffre de la même manière que l'homme. Certaines études ont même démontré que le sexe féminin fréquente les établissements hospitaliers publics alors que les hommes se soignent très souvent dans les cliniques. Pour ce qui est du VIH/ SIDA, la femme est confrontée à cette maladie plus que l'homme à cause de plusieurs facteurs, notamment, sa structure physiologique.
Vulnérabilité La femme est plus vulnérable que l'homme. « Elle est confrontée le plus au virus du VIH à cause de trois facteurs qui sont liés à la biologie, à la société et à l'économie », c'est ce qu'a démontré le Pr Mohamed Ridha Kammoun lors de son intervention intitulée « genre et VIH/ SIDA ». La structure physiologique de la femme fait de sorte qu'elle est exposée à ce danger de manière exhaustive. Mais ce n'est pas tout. Il existe en fait le facteur social non négligeable. « La femme n'a pas les mêmes chances d'accès à l'information préventive que l'homme » d'après le Pr Kammoun. Elle ne dote pas non plus des outils de négociations sexuelles. La femme a toujours été mal jugée par la société quand elle découvre qu'elle est porteuse du virus. Le troisième facteur de vulnérabilité est celui qui a trait à l'économie. D'ailleurs, le sexe féminin en souffre énormément. Elle est encore dépendante matériellement comme elle fait face « à la discrimination dans les chances d'emploi, de l'éducation et d'accès aux services de soin », signale le Pr Kammoun. Conséquence, la femme souffre de cette épidémie qui la touche davantage. Elle commence à occuper les mêmes pourcentages que les hommes pour même les dépasser dans les quelques années à venir.
Les chiffres affichés l'année dernière ont démontré que « 14 000 nouveaux cas d'infection du virus de VIH sont enregistrés chaque jour au niveau mondial, dont la moitié enregistrée chez les femmes », d'après le Pr Mohamed Ridha Kamoun. Cette épidémie touche de plus en plus le sexe féminin aussi bien dans le monde qu'en Tunisie. Les statistiques de l'an 2000 ont révélé qu'une femme sur deux hommes est atteinte du virus alors que seulement une femme sur trois hommes est porteuse du VIH entre les années 1986-1999. « Le virus VIH/SIDA touchait presque exclusivement l'homme au début de l'épidémie, il touche presque également les deux sexes actuellement », d'après le Pr Kamoun. Autre chiffre inquiétant est que la femme est contaminée par ce virus dans le cadre du mariage. Cette union souvent sacrée se transforme dans nos jours à un ogre qui menace le deuxième partenaire. Elle est une source de décès pour plusieurs femmes. En effet, « quatre sur cinq infections sont survenues dans le cadre du mariage ou dans des relations à long terme. Dans notre pays, 64 % des femmes atteintes sont mariées et 75 % sont infectées par voie sexuelle », toujours d'après la même source. Le Pr a expliqué que « la transmission est essentiellement sexuelle, qu'il existe une nette évolution vers le stade SIDA. La mortalité est devenue plus élevée même sous traitement ».
Solutions Face à cette situation comment le gouvernement tunisien gère-t-il la maladie ? Quelles sont les initiatives prises pour protéger la femme aussi bien que l'homme contre cette épidémie. Faisant l'état des lieux de la Tunisie en la matière, Pr Kammoun a signalé que l'engagement politique et fort et constant en la matière toutefois, il « faut améliorer la visibilité », appelle-t-il. D'autres lacunes sont à enregistrer dans la prise en charge médicale. « Elle est générale et gratuite mais on enregistre des faiblesses dans l'accompagnement ». Le nombre de psychologues à l'écoute des personnes atteint du SIDA ne comble pas le vide. Il existe en fait un seul psychologue à l'hôpital La Rabta qui exerce le métier depuis plus de dix ans. Comment peut-il être encore efficace avec les handicaps qui se posent dans le secteur ? C'est ne pas tout. Le cadre légal est lent à s'adapter à cette situation bien qu'une réglementation a été promulguée depuis 1992. La société civile est engagée mais les structures susceptibles de la renforcer sont faibles. Autre problème d'une importance majeure est le suivi épidémiologique. Il est jugé d'après le spécialiste performant, mais il faut faire attention. Car « les groupes vulnérables sont peu connus », fait-il remarquer.
Le SIDA est encore un sujet tabou ce qui pèse lourd sur la société confrontée plus qu'auparavant à ce danger à cause de l'ouverture des frontières de la liberté de circulation des individus, etc. Il est important ainsi d'investir lourd dans la communication et briser le silence autour de ce sujet tabou qui résiste encore très fort. Le soutien psychologique et socio-économique ne manque pas d'importance. Les spécialistes considèrent que les efforts déployés à ce niveau sont insuffisants d'où l'importance de mettre les bouchées doubles afin de soutenir cette frange de la société condamnée à vivre de manière différente.