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Est-ce suffisant ?
La drogue expliquée aux lycéens
Publié dans Le Temps le 17 - 04 - 2008

Ça n'arrive pas qu'aux autres. Et cela se passe sous votre nez parfois, à votre porte ; et cela vous touche de très près. Seulement, vous ne vous en êtes pas rendu compte, parce que vous pensiez que votre enfant, votre frère, votre ami, ne pouvait, en aucune façon être concerné, en aucune façon être touché par un fléau qui fait des ravages bien loin de chez vous, -du moins c'est ce que vous croyiez- jusqu'au jour où la dure réalité de la vie vous rattrape.
Il y avait, à côté de vous, un adolescent qui souffrait en silence, qui essayait peut-être de vous parler, mais vous n'avez pas su écouter cette parole-là, percevoir cette détresse, décoder ces petits signes qui disent que tout ne tourne pas rond, et qu'il faut chercher à comprendre, avant qu'il ne soit trop tard... Et maintenant, il est tard, et vous ne pouvez plus qu'assister impuissant, à ce naufrage, à cette descente en enfer, dont on revient rarement, ou pas.

Une vie est foutue à côté de vous, et vous vous retrouvez, à votre tour, dans l'anti-chambre de l'enfer. Et la vie défile à rebours...
Vous êtes en nage, vous venez de sortir d'un grand cauchemar, et vous comprenez que désormais votre devoir c'est d'être attentif à tout, de parler à vos enfants, de ne jamais laisser un mur de silence s'installer entre vous, parce que, oui, il faut expliquer la drogue aux adolescents, aux jeunes, pour qu'ils ne tombent jamais dans ce piège infernal. Sauf qu'il importe que la parole des parents soit relayée, à l'extérieur, par la parole des enseignants, des éducateurs, et de tous ceux qui ont à charge la responsabilité publique, d'informer, et de sensibiliser sur une question aussi grave que celle de la toxicomanie. Et, c'est dans cet esprit-là que s'inscrit l'heureuse initiative d'une classe de Terminale BEP (Brevet d'Etudes Professionnelles), spécialité comptabilité, du lycée Gustave Flaubert (La Marsa), sous la houlette de leur professeur : Madeleine Ben Naceur, et ce, dans le cadre d'un projet pluridisciplinaire à caractère professionnel en invitant des spécialistes, à venir s'exprimer devant les élèves sur un sujet dont on ne parlera jamais assez, et qui demeure encore tabou dans nos murs : celui de la drogue.
La parole de l'avocate, mais aussi la parole de la psychiatre, celle de la police, ainsi que celle d'un éducateur des rues, qui est venu accompagné d'un jeune témoin qui a accepté de raconter son calvaire.



La loi ne pardonne pas...
Comme l'expliquera Alya Chamari, avocate, en Tunisie, à ce niveau là, la loi est très rigide, et ne fait pas d'exception. Car, quitte à faire peur aux lycéens, il n'est pas possible de faire l'impasse sur le volet juridique, lorsqu'il s'agit d'évoquer le sujet de la drogue. Histoire de prendre conscience de la gravité de la question, car notre législation s'avère être l'une des plus dures en la matière. Parce que, si dans des pays comme la France par exemple, ou plus encore dans certains pays nordiques, fumer un joint ne relève pas d'un délit, c'est loin d'être le cas sous nos latitudes, ou un simple « shit », consommé dans une fête, peut vous bousiller une vie entière, puisqu'il suffit que l'on vous contrôle, pour n'importe quel prétexte futile, pour que vous vous retrouviez en prison pour quelques milligrammes de cannabis, que vous avez sur vous, ou, que vous avez consommé.
L'avocate évoquera à ce sujet, le cas de quelques étrangers, venus en vacances en Tunisie, et qui ont été arrêtés à la douane, parce que, après contrôle, il s'est avéré qu'il portaient sur eux, une toute petite quantité de shit, mais vraiment infime, destinée à leur consommation personnelle. Ou alors, après un test d'urine, ou un test sur un cheveu, l'on a détecté une trace de cannabis, lequel cannabis, reste détectable dans le corps, jusqu'à 40 jours après avoir été consommé. Résultat, ces jeunes qui ignorent la législation locale, ont été écroués, et obligés d'accomplir leur peine jusqu'au bout, avant d'être expulsés du territoire tunisien. Et une peine, cela va de 1 an de prison minimum, avec l'obligation de verser 3.ooo dinars, jusqu'à 5 ans, voire plus, s'il y a récidive. Car il y a différents types d'actes : la consommation, la détention, et le trafic.
Qui plus est en Tunisie, si l'on a treize ans révolu, l'on est jugé de la même façon que si l'on est majeur. Et pas moyen d'invoquer, quand il s'agit de drogue, les circonstances atténuantes. Si, après analyse d'urine, l'infraction est avérée, il est quasi impossible d'échapper à la prison.
Idem, pour ce qu'il s'agit de certains tranquillisants et somnifères (Tranxène, valium), puisque toute personne, interpellée avec ce type de produits, classés au tableau A (le cannabis et autres sont classés au tableau B) sans ordonnance médicale, encourent les mêmes peines.
Pas besoin de préciser qu'en cas de trafic, de contrebande, les peines de prison ainsi que les amendes vont du quitte au double, et même au quadruple, puisque cela peut aller jusqu'à la perpétuité.
Il y a véritablement un problème de santé publique
On est ici pour parler de prévention, rappellera d'entrée de jeu Jean-Luc Renault, chef d'escadron et attaché de sécurité adjoint auprès de l'Ambassade de France. Car les statistiques, au niveau de la France et de l'Europe d'une manière générale, s'avèrent être autrement alarmantes. 7.000 à 10.000 décès par an sont dus à des affaires de stupéfiants. Et les choses vont de mal en pis puisque les trafiquants, toujours aussi voraces, ont étendus leurs tentacules encore plus loin. Ainsi, en France actuellement, l'ecstasy fait des ravages. Mélangé à l'alcool, cela donne un cocktail explosif et génère des accidents de route, bien souvent mortels. C'est pour cela que la France a voulu renouveler son arsenal judiciaire, pour ce qui concerne la conduite en état de drogue. Il y a un réel problème de santé publique. Et notre but, c'est d'essayer d'aider les personnes à s'en sortir, et à la vérité, si on attrape un petit jeune avec un joint, on ne l'envoie certes pas en prison. On lui parle, et on le prévient qu'on va le suivre de prés, histoire de le décourager à recommencer, car la « fumette », ça peut ressembler à une plaisanterie au début, et ça peut déraper très vite. D'un pays à l'autre la loi change, et en Scandinavie, par exemple, il y a énormément de structures de soutien, qui s'occupent des personnes tombées dans le piège de la drogue. Nous tentons aussi en France, de faire ce travail en amont, afin de prévenir les jeunes des dangers de ce fléau, et de leur expliquer par exemple, lorsqu'il sont en voyage à l'étranger, que la loi du pays où ils sont, prévaut avant notre propre loi s'il y a infraction. Ce que beaucoup ignorent.
Nos moyens sont réduits
Educateur des rues à El Hafsia, Moez Khiari, après s'être adressé aux jeunes, leur expliquant qu'il avait affaire tous les jours, au sein de sa structure de soutien qui dépend de la municipalité de Tunis, a préféré donner la parole à Mohamed, vingt-ans, « cassé » par la drogue. Un témoignage poignant, sur un enfant d'El Hafsia, quartier de la médina de Tunis, qui ne sait plus ce qu'il faut faire, pour se sortir de l'enfer. Parce qu'en Tunisie, le « Subitex » frappe très fort. Initialement donné dans les pays occidentaux, en phase de sevrage, et sous surveillance médicale, le trafic, qui vient essentiellement des pays d'Asie du Sud-Est, ratisse large, et fait des dégâts considérables chez les jeunes, pas suffisamment informés sur le sujet. Mohamed, qui s'injecte le Subitex, par voie intra-veineuse, est aujourd'hui atteint d'hépatite B et C, et d'un abcès à la jambe. Et s'il a la volonté de s'en sortir, ses moyens ne le lui permettent pas. Fils unique, il a à charge, notamment un vieux père de plus de 70 ans, hospitalisé depuis plus d'un mois. Et pour vivre, un petit étal de mercerie, qu'il occupe au marché d'El Hafsia. Or, et d'après ce que nous avons compris, le soutien de la structure relevant de la municipalité ne suffit pas. Car il y a maldonne.
Le Centre de désintoxication de Djbel-Ouest (Centre Amal)
Invitée à intervenir sur la question, Jouda Ben Ali, psychiatre de son état, opérera sur un vaste tour la question, en évoquant l'usage du Subitex dans nos murs, notamment, et en insistant, sur la toxicité des produits, mais aussi, et surtout, sur les comportements que la dépendance induit. Parce que, rappellera t-elle, il y a la drogue, certes, mais il y a aussi l'alcool, le tabac, la sexualité déchaînée qui sont autant de produits générant la dépendance. Et la dépendance, mène à toutes les dérives. Parce que ce sont des substances qui conditionnent aussi le fonctionnement psychique des personnes. Tout comme la drogue, qui agit pernicieusement sur le « circuit du plaisir » du cerveau, et entraîne une dépendance irrémédiable. D'où le danger pour les jeunes, puisqu'à commencer tôt, l'accoutumance s'installe tout aussi tôt. Et alors, les jeunes ne se contentent plus de fumer un simple joint, ou de « sniffer », mais vont bientôt s'injecter les produits dans les veines. Cela donne les hépatites, la septicémie, le sida, d'autant qu'en Tunisie, 30% des sidéens le sont à cause de la drogue (injection ou perte de contrôle sur leur propre personne). 30% de ceux qui se déclarent, que dire des autres. Et quand on commence à se droguer, des drogues dites douces, on bascule forcément un jour ou l'autre vers les drogues dures.
Parce que, de surcroît, l'on croit que l'on peut arrêter quand on veut, mais on ne s'arrête pas. Le piège se referme sur vous.
Et la prise en charge sociale du centre « Amal » ? Justement, c'est là la maldonne. Car, et même si la psychiatre insistera longuement, sur l'importance de la prise en charge totale, au niveau de la désintoxication, mais surtout par la suite, de l'accompagnement psychologique du patient, elle fera abstraction de l'aspect financier de la question. Car, en réalité, une cure de désintoxication au Centre « Amal », n'est pas à la portée de tout le monde. Puisqu'il faudra débourser, d'entrée de jeu, 500 dinars et, 30 dinars par jour de soin. Et, sachant qu'un jeune comme Mohamed, qui appartient à une couche défavorisée de la population, ne pourra jamais payer ces « droits d'entrée », cela veut dire qu'il est condamné à mourir, tout simplement, s'il ne trouve pas le soutien nécessaire.
Parce que, et c'est une réalité qu'on ne peut masquer, l'Etat n'est pas assez engagé pour ce qui concerne la prévention et ne considère pas la toxicomanie, comme dans d'autres pays d'Europe par exemple, comme une maladie à part entière, qu'il incombe de prendre en charge. Et ce n'est pas du luxe. Car il ne faut pas se voiler la face : la toxicomanie est un phénomène, qui touche hélas, toutes les couches sociales, et il faudra bien y remédier, en assurant un travail de sensibilisation beaucoup plus important au niveau des lycées et écoles publiques, mais aussi, en intégrant la prise en charge médicale, liée à la drogue, dans le système de couverture sociale, et de prise en charge. Parce qu'on n'esquive pas les problèmes en les occultant.


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