Néji Baghouri président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) * "Le secteur est resté figé..." * *Nous considérons que les entreprises de presse ne doivent pas subir des pressions financières et politiques * « La mise à niveau du système médiatique national est loin d'être achevée » La Tunisie à l'instar des autres pays célèbre aujourd'hui, la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Une occasion pour nous de dresser un bilan de la situation de l'information dans notre pays. Un bilan, qui de l'avis de presque tous les intervenants dans le secteur reste mitigé tant que l'information n'a pas suivi l'évolution de la société et ne reflète pas ses préoccupations. Au contraire elle est demeurée en retrait et les organes de presse à quelques exceptions près, véhiculent une information uniforme sans aucune diversité. L'opinion contraire y est généralement bannie, la critique presque pratiquement absente et l'analyse et le commentaire utilisent souvent la langue de bois. Qui est responsable ? La responsabilité est partagée de toutes les parties intervenantes dans le secteur. Il faut donc des réformes de fond pour faire évoluer le secteur et promouvoir l'information. A cette occasion nous avons invité deux enseignants à l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information (IPSI) et le président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT). Ils nous parlent de la situation du secteur et des réformes à entreprendre. Dossier réalisé par Néjib SASSI -------------------------------------- Néji Baghouri président du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) "Le secteur est resté figé..." *Nous considérons que les entreprises de presse ne doivent pas subir des pressions financières et politiques
Le Temps : Comment jugez-vous l'état du secteur de l'information ? Néji Baghouri : Il n'est pas bon. Les journalistes n'exercent pas leur métier librement. Le paysage médiatique est pratiquement uniforme. Il n'y a pas de diversité dans le traitement de l'information. Le secteur de l'information n'a pas évolué comme les autres secteurs il est resté figé et ne répond pas aux préoccupations de la société et ne reflète pas la réalité vécue. Il y a bien sûr un effort fourni par certains journaux de l'opposition et certains journaux indépendants qui est à saluer.
Lesquels ? Il y a « El Mawquef » et « Mouatinoun » du côté des journaux de l'opposition et sans vouloir vous flatter du côté des journaux indépendants il y a le Temps et l'Expression qui essayent de fournir aux lecteurs une information fiable. Mais le problème est du côté des entreprises publiques de presse qui possèdent un riche potentiel humain et financier et pratiquent la langue de bois alors qu'elles devraient être la locomotive pour promouvoir la profession. • Et comment jugez-vous la situation du journaliste ? Professionnellement il n'est pas à l'aise alors qu'il devrait travailler dans de bonnes conditions par exemple au sein d'un comité de rédaction élu. Matériellement, il n'est pas bien rémunéré en comparaison aux autres corps de métiers du même niveau comme les médecins ou les avocats. • Quel est le rôle du syndicat dans la promotion de la profession ? Le Syndicat œuvre pour renouer un dialogue constructif avec les patrons de presse et avec le ministère de tutelle pour promouvoir la profession. Nous considérons que les entreprises de presse ne doivent pas subir de pressions financières et politiques afin qu'elles puissent travailler dans des bonnes conditions et permettre aux journalistes de s'épanouir. Nous allons établir un programme de travail avec ces entreprises pour traiter les différents dossiers. • Et sur le plan interne ? Nous allons achever la restructuration du syndicat et élire les comités de sections dans les entreprises de presse et les commissions dont le travail sera permanent et non occasionnel. Propos recueillis Par N.S -------------------------------------- « La mise à niveau du système médiatique national est loin d'être achevée »
En célébrant la journée du 3 mai, il est utile de rappeler son message principal : la promotion des médias indépendants et pluralistes dans le monde. En effet, cette date commémore La Déclaration de Windhoek (Namibie) adoptée le 3 mai 1991 par une conférence internationale organisée notamment par l'Unesco, en présence des représentants des professionnels des médias en Afrique, dont plusieurs tunisiens. Cette Déclaration reprend les principes proclamés dans la « Nouvelle stratégie de la communication » adoptée par l'Unesco au lendemain de la chute du mur de Berlin et qui met fin à toute forme de contrôle étatique sur l'information. En Tunisie, la question est de savoir dans quelle mesure le système médiatique national a évolué pour se mettre en conformité avec les normes mondiales fixées par l'Unesco en matière de droit du citoyen à l'information et de liberté de la presse. A cet égard, on doit admettre que si des réformes continues ont été initiées depuis 1988, elles n'ont pas réussi à dynamiser le paysage médiatique et à promouvoir le débat public sur les questions de société, notamment en matière civile et politique. En gros, les médias dominants (audiovisuel, agence de presse et quotidiens) continuent à fonctionner plus comme prolongement du pouvoir politique que comme émanation de la société civile. La « mise à niveau » du système médiatique national est donc loin d'être achevée. A l'ère des chaînes satellitaires et de l'Internet, il n'y a plus de « public captif » à la disposition des médias officiels, et il faudra s'ingénier à produire une offre médiatique de qualité pour convaincre notre public de « consommer tunisien ». La réforme globale du paysage médiatique national gagnerait à s'appuyer : - Un diagnostic de situation (Données statistiques, études d'audience, ...) que pourrait établir le Ministère de tutelle et/ou le Conseil Supérieur de la Communication ; - Un document de référence inspiré des normes internationales en vigueur, qui pourrait être une « charte du droit à l'information » adoptée en conférence nationale. Les réformes structurelles et législatives seraient ainsi plus pertinentes et durables que les retouches successives apportées depuis une vingtaine d'années sans vraiment ébranler l'édifice médiatique mis en place au lendemain de l'indépendance par le Parti-Etat. Par Abdelkrim Hizaoui, Universitaire