Les joueurs clubistes ont remporté le championnat, hier, étaient des mômes où l'escadron conduit par Faouzi Rouissi ou Adel Sellimi, était dressé pour gagner sous la conduite d'un certain Sérafin. Normal puisque cela remonte à 12 ans. Ils n'étaient pas encore nés quand le Club Africain avait ce cynisme impitoyable et était réglé comme l'Orange Mécanique, qui, comme Stanley Kubrick, ne mettait en place des stéréotypes que pour mieux les libérer. L'icône était un certain Bayari. Et encore plus loin dans le temps la réplique intériste formée par Fabio et ses hommes emblématiques, Attouga et le jeune Tahar Chaïbi qui deviendra le "Tahar Boy" de toute l'histoire du football tunisien. Est-ce possible d'occulter l'histoire alors que c'est elle, tenace, pressante, qui n'a cessé de rappeler aux Clubistes que le creux de la vague de douze ans ne saurait s'éterniser? Car au bout, c'est la crête, la remontée. En douze ans, "la lanterne de Bab Mnara" n'a pas failli à sa légende: un défilé de Clubistes de circonstances, parfois des Clubistes trop intéressés, sinon ceux qui, faute d'avoir trouvé place dans le sérail du puissant cousin espérantiste, s'improvisaient Clubistes. Deux atouts de taille auront néanmoins sauvé l'équipe de l'égarement: le premier, incomparable, est ce public stoïque, qui souffre, qui pleure, qui rit, mais qui ne lâche pas prise. Et, par surcroît, durant ces longues années de dèche, le Club Africain redevenait sympathique, et bien sûr par opposition à l'Espérance qui gagnait trop qui raflait sept championnats de suite et qui devenait donc inhumaine. Le deuxième atout est dans ce cercle restreint de ses mécènes et au dessus desquels un certain Hamadi Bousbiî, mécène de premier ordre, mécène inconditionnel comme l'est le public clubiste et qui a toujours fait des montages particulièrement efficace pour assurer le Club Africain de cash-flow important. Parce que finalement, le président du club, Kamel Idir, n'est qu'un haut commis de l'Etat. Et il gère l'argent que les mécènes mettent à sa disposition. Et c'est là que Kamel Idir mérite quand même de la considération, de la considération pour son humilité d'abord, de la considération ensuite d'avoir apporté une touche managériale dans la gestion clubiste en comparaison avec la gestion d'épicier des années de cauchemar. De la considération aussi pour avoir résisté, l'année dernière, au dédain ostensiblement manifesté à son égard, par Marchand qui réussit ainsi l'exploit de rater deux titres deux saisons de suite. Dès qu'on parle de Marchand, c'est le nom de Ben Chikha qui nous vient à l'esprit. Entraîneur quelque part irascible, pas plus pas moins coléreux que ses pairs, sa force est d'avoir su insuffler "la grinta" (la hargne), en ses joueurs d'avoir su les sermonner à longueur d'année et d'avoir dit, hier, après le triomphe, qu'il le devait aux joueurs et à ce grand public. La réussite de Ben Chikha montre que nous pouvons dénicher d'excellents entraîneurs, à côté. Et quand il exhiba le drapeau algérien au moment ou ses fans clubistes le portaient en triomphe, il se sentait chez lui, dans un pays frère, parmi ses frères. La victoire clubiste est donc chargée de symboles. Car le Club Africain n'a pas tant triomphé de l'Etoile que de lui-même. Etre le meilleur, ce n'est pas compliqué quand on est humble. C'est très compliqué lorsqu'on bascule dans la démesure. Et c'est ce qui s'est précisément produit malgré tous les essais de Moez Driss de tempérer le métabolisme d'une équipe qui flippait sans retenue. Merci pour cette belle saison.