* La société tente de forger une culture dont les normes dictent à l'individu d'être, de son plein gré, au service de la communauté Que l'on soit allongé au bord de la mer, coincé dans la file d'attente d'un quelconque service public ou au volant de sa voiture en pleine circulation, le même constat retient l'attention de tout observateur avéré en Tunisie : le civisme trouve des difficultés à s'affirmer dans la culture du commun des Tunisiens. En effet, plusieurs personnes continuent à s'adonner à toutes les folies sur la plage au détriment des autres plaisanciers qui préfèrent la quiétude, d'autres essaient encore d'ignorer l'ordre de priorité dans les files d'attente malgré les composteurs installés dans tous les établissements publics et de nombreux conducteurs ne font que continuer à semer la pagaille dans une circulation routière qui souffre déjà d'asphyxie. D'ailleurs, ces constats ne constituent pas des pratiques exceptionnelles et ils font partie intégrante du quotidien des Tunisiens. Pourtant, un minimum de comportement civique aurait facilement amélioré la donne sociale à plusieurs niveaux. Qu'est-ce qui a donc empêché le civisme de s'imposer sous nos cieux ? Stress et défoulement Les spécialistes et, notamment, les sociologues constatent que le comportement des Tunisiens est marqué par un stress croissant. Ceci s'observe facilement dans la conduite nerveuse sur les routes, la tension dans la communication au travail et au sein de la famille ainsi, et par ricochet, sur les aires de distraction où le défoulement est excessif. Par ailleurs, les spécialistes constatent une tendance démesurée à la décompression en matière de loisirs, ce qui pousse à avancer la conclusion que le Tunisien ne parvient pas à gérer ses passions. En effet, l'insatisfaction accumulée dans la vie quotidienne et qui trouve son origine, essentiellement, dans l'inadéquation entre le vécu des Tunisiens et leurs ambitions, se traduit dans ce stress quasi-général. Cette insatisfaction trouve, également, son expression dans le défoulement démesuré que l'on constate dans les aires de loisirs ou dans les stades. Les spécialistes l'expliquent par le fait que l'accumulation de stress pousse le Tunisien à s'éclater. Et c'est un signe de déséquilibre dans la distillation de l'émotion. Trop de stress s'exprime dans un défoulement démesuré. Mais, où se situe le civisme dans tout cela ? Les normes La société tunisienne vit en pleine transition. Ses normes sont en perpétuelle évolution. Elles tentent de réussir le passage du statut traditionnel avec sa famille étendue et son patrimoine regroupé à celui de la modernité avec sa famille nucléaire et son patrimoine individuel. Ce passage s'est accompagné par l'érosion des normes liées à la tribu et à l'autorité du chef de groupe. D'autres normes essaient difficilement de prendre leur place et il s'agit des normes civiques. En effet, ce sont les règles de la communauté qui essaient de prendre la place de celles de la tribu. Or, ce passage n'est pas facile. Les normes communautaires trouvent des difficultés à s'installer. Ceci s'observe facilement en matière de préservation de l'environnement, d'acquittement des taxes municipales, de circulation routière et de comportement social au milieu d'un groupe. Le Tunisien rencontre, semble-t-il, plus de difficultés pour respecter une norme que pour se plier à un ordre. Du moins, l'apprentissage est difficile. Et tout ce qui s'observe sur les aires sociales ci-dessus mentionnées (plages, stades, routes, etc.), c'est le résultat de cette difficile transition. L'alternative Quoique plusieurs soient affolés par cette recherche de repères et ne cessent de parler d'une crise identitaire, les sociologues trouvent que le phénomène vécu par la société tunisienne est dans l'ordre des choses. Le passage tunisien de la société tribale à celle de consommation ne s'est pas fait dans la douleur des révolutions industrielle et sociale. Il s'est plutôt fait en s'imprégnant de la mondialisation des concepts socioéconomiques de la société de consommation. Les spécialistes pensent que les sociétés vivent des transitions dont les valeurs normatives suivent le modèle économique. Ainsi, la société va multiplier progressivement les efforts pour développer ses propres normes communautaires à travers différents supports comme l'éducation, les médias et les ONG. Désormais, ces structures exercent la fonction de moteur de la transition. Des efforts sont palpables dans ce sens. Il est vrai que les résultats tardent à s'afficher. Mais, une persévération ne saurait que donner ses fruits. Les spécialistes pensent que la responsabilité de la société civile dans cette transition est aussi importante que celle de l'administration. Car le civisme, c'est d'abord un sentiment de responsabilité par rapport à la société où l'on vit. C'est un sentiment d'appartenance.