L'amour en lui-même est essentiel à la vie. C'est même une facture de relèvement du niveau de l'homme. Il l'élève au-dessus du niveau de la bête et aiguise son sens moral. Parfois cependant, dans une représentation théâtrale, on assiste à des scènes relativement osées, pour certains milieux. Certaines chansons aussi sont parfois licencieuses. Ce qui risque d'avoir un effet dissolvant même sur les milieux évolués. Rappelez-vous l'exemple des roitelets d'Andalousie, lorsque l'esprit de jouissance l'avait emporté sur toutes les autres préoccupations. Or, à certains moments, il faut savoir maîtriser le penchant qui nous porte à la jouissance, faire preuve de courage et de détermination pour défendre l'existence du pays, et à sa dignité. L'éducation morale du peuple s'impose en même temps que le développement de la culture. Le progrès des sciences sans progrès moraux n'entraîne que ruine et désolation. Ce penchant naturel qui nous porte vers le plaisir, il faut le dominer, afin que nous ne soyons pas entraînés vers l'immoralité et la licence. L'immoralité est certes nuisible à l'individu, mais elle l'est encore plus à la patrie. Les peuples sont à la mesure de leur conscience morale. L'abus de la jouissance et l'immoralité dissolvent les liens entre les individus et anéantissent la société. Ainsi, parlait Bourguiba le 15/09/68 au Kef. Le 13 août 1973, à Monastir Bourguiba revient à la charge " la licence des mœurs dans certains milieux a valu à la Tunisie une mauvaise réputation auprès des pays voisins, on y vient parfois pour s'amuser et se livrer à la luxure. D'aucuns prétendent, dans ces pays, que la Tunisie ne manque pas de femmes aux mœurs légères et qu'il s'agit d'y mettre le prix. Les ressources tirées du pétrole y pourvoient. Il faut en finir avec cette réputation qu'on fait à notre pays. Tous les foyers de débauche doivent être décelés et détruits. De grands empires se sont effondrés pour s'être abandonnés à l'esprit de jouissance. Il convient de ne pas laisser la débauche s'installer dans nos mœurs après la conquête de notre indépendance. Il faut épurer ce régime de tout ce qui peut entacher son intégrité morale ou matérielle et le débarrasser de tous les éléments animés par le seul souci de la jouissance ou avides de lucre. En ce mois saint, je suis épouvanté par le goût des " meilleurs ". Je dis meilleur parce que le feuilleton passe en prime time, et nous transporte dans une autre planète. Tâcher à mieux regarder ce qui nous entoure, s'imprégner des valeurs morales traduites de façon intelligente par une pléiade d'artistes confirmés, dirigés par un réalisateur qualifié, qui a réussi à donner vie aux écrits de l'excellent Hatem Belhadj. " Choufli hal " et le sit-com inapte à mentir et mérite sa place en prime time, parce qu'il dégage une splendeur de la vie, une beauté inimitable, et impossédable. Car aimer ce n'est pas pouvoir posséder. Ma critique est peut-être injuste, mais tâchons de faire en sorte qu'elle soit plus objective. Peut-être mon âge relativement avancé, m'empêche de regarder la réalité en face, mais il est de notre devoir d'être juge et de condamner l'insuffisance morale. Hatem Belhadj écrit un scénario ; tellement authentique, que je suis tenu de m'y reconnaître et n'aie plus rien à réclamer, sauf peut-être sa programmation tardive. « Certains effets, en art, ne s'obtiennent qu'aux abords du grossier » disait Jean Rostand. Est-il grossier d'exhiber des Hammer, alors que le citoyen propriétaire d'une voiture populaire se prive pour épargner le prix du carburant. Et puis c'est quoi une voiture Hammer ? Au départ il s'agit d'un char américain qui a écrasé par sa puissance de feu l'armée Irakienne lors de la première guerre du Golf. Le gouverneur de Californie, riche et puissant, a commandé à l'armée américaine une version civile du Hammer pour asseoir sa domination, c'est la première mise en circulation, et on connaît la suite. Exhiber des voitures allemandes de luxe ne choquent pas autant que la Hammer symbole ô combien douloureux d'une triste histoire. La T.V Tunisienne a réussi, indirectement, à dénoncer l'insatisfaction de tous les jeunes diplômés à la recherche d'un emploi, de tous les candidats à l'émigration, et d'attiser davantage le sentiment de frustration et d'injustice sociale. Il y a tellement d'inconnus pour qu'on n'ait jamais le droit de traiter le téléspectateur d'imbécile, celui-la même qui finance la télévision en payant à chaque facture de la STEG sa cotisation. Cet étalage de richesse nous masque le réel, nous masque le vital. Quand je regarde la télévision j'oublie les raisons de la colère de Steinbeck. Les choses de Georges Perec, la symphonie pastorale de Françoise Sagan. Heureusement " Choufli hal ", malgré sa programmation incongrue nous gratifie d'une esthétique humaine et sociale. J'ai un plaisir reposant à regarder le colossal Kamel Touati, l'incontournable Mouna Noureddine, le professionnalisme de Monsieur Slaheddine Essid, et la sincérité de tous les acteurs. Œuvre sans arrière pensée, qui traduit et traite des sujets sociaux, œuvre humaine en un mot. Quand à ceux qui ont la certitude d'avoir raison, cette certitude est le signe infaillible de l'erreur.