Des centaines d'enseignantes, les nouvelles recrues dans l'Education, sont affectées par le ministère dans des régions lointaines, loin de leurs villes natales, loin de leurs parents, loin de leurs familles. Quelle vie mènent-elles ? Comment font-elles pour s'adapter à cette nouvelle situation, à ces nouvelles conditions souvent trop rigoureuses surtout pour celles non habituées à vivre de telles épreuves. Et pourtant, elles sont obligées d'y aller, de se jeter à l'eau, pour ne pas laisser passer cette chance tant attendue qui est venue après tant d'espoir et de rêve ! C'est qu'il a fallu beaucoup d'abnégation et de sacrifice pour pouvoir réussir au fameux CAPES. Parmi ces enseignantes qui quittent leurs familles pour aller travailler des centaines de kilomètres loin de leurs familles, il y a des femmes mariées et peut-être mères d'enfants ! Selon le règlement, l'affectation des enseignants dans ces régions lointaines concernent aussi bien les hommes que les femmes. C'est finalement une question d'équité et de justice entre les deux sexes. Mais, il faut tout de même reconnaître que les hommes peuvent mieux se débrouiller que les femmes pour qui cette tâche semble moins aisée et se trouvent en face d'un certain nombre de défis à relever. Sans oublier que cette mobilité peut être un facteur intéressant d'équilibre entre les régions et qu'elle relève d'un devoir national que tout enseignant doit avoir l'honneur d'accomplir. De même, les technologies de communication moderne (portable, internet...) sont un facteur d'encouragement pour ces nouvelles diplômées d'accepter les postes proposés dans ces régions lointaines, du fait que ces nouvelles technologies permettent de raccourcir les distances, de rapprocher les gens et les maintenir constamment en contact malgré les centaines de kilomètres qui les séparent. Le mouvement pourrait se faire à double sens : il y a des enseignantes originaires d'une grande ville (Tunis, Sousse, Sfax...) envoyées pour enseigner dans des régions un peu reculées, mais d'autres qui habitent au contraire dans des zones rurales sont affectées dans une grande ville. Pour les unes et les autres, il est toujours difficile de s'adapter à la nouvelle vie, surtout durant les tout premiers mois. Une fois débarquée, l'enseignante doit faire face à quelques problèmes dont le plus urgent est le logement. Vient ensuite le transport, si la maison louée se trouve un peu loin du lieu de travail. L'éloignement géographique, la solitude et la difficulté d'intégration dans un milieu différent, tout cela pourrait incommoder certaines enseignantes non ou peu habituées au changement. La situation demande du courage et une détermination à braver toutes les difficultés éventuelles. Pour la femme mariée, il faut la compréhension, la patience et la confiance du conjoint qui doit accepter cette séparation en attendant une possible mutation dans le cadre d'un rapprochement de conjoints. « C'est mieux que d'être en chômage, il faut s'habituer, on n'a pas le choix, heureusement qu'on peut se retrouver sous le même toit chaque week-end ! » nous a dit le mari d'une enseignante qui travaille au Kef alors que lui a son boulot à Tunis ! Cependant, il arrive que certaines jeunes filles diplômées qui sont envoyées dans des zones rurales pour enseigner dans des écoles ou des collèges refusent leur affectation pour y travailler, bien que le règlement de la fonction publique spécifie que tout fonctionnaire doive être prêt à exercer sur tout le territoire et où ses services sont demandés. « Pour moi, nous a déclaré A.K, maitrise en SVT, le travail en dehors de ma ville natale est très difficile ; je ne saurai accepter un poste dans un endroit lointain, encore moins dans une zone rurale où la vie est apparemment très différente... » Mêmes celles qui ont obtenu leurs diplômes à Tunis où elles ont fait leurs études universitaires cherchent à s'installer définitivement dans la capitale et ne veulent pas revenir dans leurs villes d'origine pour y travailler. C'est qu'elles ont déjà établi des relations humaines et sociales et se sont accoutumées à la vie citadine, qu'elles trouvent plus aisée et plus attractive que celle du terroir. Elles gardent souvent l'appartement ou le studio qu'elles ont loués durant les années de fac même après avoir obtenu le diplôme, qu'elles habitent en groupe de trois ou quatre, généralement originaires du même bled, jusqu'au jour où elles trouvent un emploi quelconque, pas forcément dans l'enseignement pour lequel elles ont été formées, se réduisant parfois à de petits boulots, dans l'espoir d'être mariées à un citadin, installé depuis longtemps à Tunis ou dans les banlieues et ayant un travail fixe. Cette réticence chez certaines diplômées pourrait s'expliquer par un préjugé porté par la plupart des habitants des grandes villes sur les régions reculées du pays de plusieurs points de vue : infrastructures routières, commodités de la vie, équipement des écoles, mentalité des gens... Mais on remarque que la situation dans ces zones éloignées s'est sensiblement améliorée depuis quelques années, bien que beaucoup reste à faire... Beaucoup seront d'accord pour dire que la chose la plus importante dans le métier d'enseignant est d'être motivé (moralement et matériellement) et surtout d'avoir à sa disposition toutes les conditions nécessaires à un bon accomplissement de sa tâche, qu'il soit en ville ou à la campagne. Ce qui est vrai pour les hommes enseignants est aussi vrai pour les femmes enseignantes : il faut les motiver davantage pour aller travailler dans ces régions lointaines qui ont droit au savoir. Or on sait que la plupart de ces enseignantes vont souvent à contrecœur travailler dans des régions lointaines, c'est ce qu'on a entendu dire par l'une de ses jeunes filles sur le point de quitter sa famille pour rejoindre son poste à Haffouz, une délégation de Kairouan : « la majorité sont obligées, tout comme les hommes d'ailleurs, d'accepter d'aller travailler des centaines de kilomètres loin de leur domicile pour deux raisons : soit parce qu'on veut éviter le chômage, soit parce que l'enseignement est le seul débouché existant qui corresponde à leur diplôme ! »