Le Temps-Agences - Après la thérapie de choc annoncée par les Européens pour dégripper la machine bancaire, les Etats-Unis ont frappé un grand coup hier en annonçant des mesures concrètes visant à rétablir la confiance et qui ont conforté le redressement des Bourses. Soucieux d'envoyer une nouvelle onde de choc au secteur financier, le ministre américain au Trésor Henry Paulson a renforcé son plan de sauvetage, en annonçant une entrée inédite de l'Etat fédéral américain au capital d'une série de banques pour un montant de 250 milliards de dollars. "Ces mesures ne sont pas destinées à prendre le contrôle de l'économie de marché, mais à la préserver", a assuré le président George W. Bush. Dopés par ces annonces, les marchés boursiers poursuivaient hier leur remontée. La Bourse de New York a salué le plan Paulson nouvelle mouture, le Dow Jones gagnant 4,05% et le Nasdaq 2,24% vers 13H40 GMT (15h40). Le Dow Jones avait grimpé lundi de 11,08%, une hausse inédite depuis les années 1930. Après des rebonds autour des 10% lundi, les places européennes évoluaient encore largement dans le vert hier. Peu après 16H15 HT, le CAC 40 gagnait 2,34% à Paris, le Footsie 2,23% à Londres et le Dax 3,08% à Francfort. Et le Nikkei à Tokyo a enregistré hier une hausse historique de 14,15%, au lendemain de l'annonce des plans européens de soutien aux banques pour un montant de quelque 1.700 milliards d'euros. Mais au-delà de l'euphorie boursière, les craintes d'une contagion de la débâcle financière à l'économie réelle se confirment, avec un lot de mauvaises nouvelles annoncées hier pour l'économie européenne. L'Allemagne est "au bord de la récession", et la consommation des ménages en France se dégrade. En attendant un rétablissement de l'économie, "l'entrée du Trésor américain dans le capital des grandes banques permettra une résolution rapide de la crise financière", ont pronostiqué, optimistes, les analystes de la maison de courtage Aurel à Paris. "Ces mesures vont nous permettre de restaurer un fonctionnement plus normal des marchés", s'est félicité le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben Bernanke. L'Etat fédéral américain a débloqué 250 milliards de dollars pour entrer au capital d'institutions financières, dont neuf des plus grandes banques américaines qui se sont déjà portées candidates. Cette entrée sans précédent de l'Etat américain au capital de banques se fera sous la forme d'actions préférentielles, a indiqué M. Paulson. En contrepartie, ces institutions devront accepter des restrictions en matière de "rémunération de leurs cadres supérieurs". L'argent nécessaire sera prélevé sur l'enveloppe de 700 milliards de dollars débloquée début octobre par le Congrès pour le plan de sauvetage des banques. D'abord catégoriquement opposé à une entrée de l'Etat dans le capital des banques, M. Paulson s'y était résolu vendredi dernier à l'occasion de la rencontre des ministres des Finances du G7 à Washington. Son plan initial prévoyait simplement que l'Etat rachète les actifs invendables accumulés par les banques au cours de la récente bulle immobilière. Les Européens se réuniront à nouveau pour peaufiner, eux aussi, leur plan de sauvetage. Un sommet européen, aujourd'hui et demain à Bruxelles, doit étudier l'élargissement aux 27 Etats de l'Union européenne (UE) des mesures de soutien adoptées par les grands pays de la zone euro et le Royaume-Uni et faire de nouvelles propositions pour soutenir les plus petits pays. "Nous voyons la lumière au bout du tunnel mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines", a estimé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. "Le pire moment de la crise financière est peut-être encore à venir car les plans de sauvetage des pays occidentaux mettront du temps à avoir un réel impact", redoute Chen Huiqin de Huatai Securities à Shanghai. Mais pratiquement partout dans le monde, les indicateurs des marchés étaient toujours au vert. La Bourse de Sao Paulo, première place financière d'Amérique du sud, évoluait en nette hausse (+3,49%) peu après l'ouverture. Comme Tokyo, qui a refait hier près de la moitié de ses pertes de la semaine passée (-24,33%), les autres Bourses asiatiques ont enregistré de belles performances: Hong Kong a gagné 3,19% et Singapour 2,50%. Seul bémol, la Bourse de Shanghai a clôturé en baisse de 2,71%. La Banque du Japon (BoJ) a annoncé une série de nouvelles mesures pour stabiliser le marché interbancaire, notamment des injections de dollars à taux fixe et pour un montant illimité. Le pétrole se redressait pour la seconde séance d'affilée, revenant au-dessus du seuil des 80 dollars le baril après avoir touché les 75 dollars vendredi à Londres. L'euro est repassé au-dessus de 1,37 dollar mardi, pour la première fois depuis jeudi. Cependant, les espoirs d'une prochaine sortie de crise ont été douchés hier par une série d'indicateurs économiques négatifs, notamment en Allemagne, première économie européenne. Les grands instituts allemands de conjoncture ont évoqué un pays "au bord de la récession", qui connaîtra en 2009 une croissance de 0,2%, au mieux. La Banque de France a revu à la baisse sa prévision de croissance pour le troisième trimestre 2008, estimant que le produit intérieur brut (PIB) devrait baisser de 0,1% au lieu de progresser de 0,1%. La production industrielle a baissé de 0,7% en août dans la zone euro par rapport à août 2007. "Alors que la semaine a commencé par l'accueil chaleureux réservé par les investisseurs aux annonces du week-end, les statistiques économiques pourraient doucher leur enthousiasme ces prochains jours", soulignaient à Paris les analystes d'Aurel.