Le retour aujourd'hui à l'heure d'hiver peut réjouir certaines catégories d'ouvriers qui travaillent très tôt le matin, du moins tant qu'il fait encore chaud et que le lever du jour coïncide à peu près avec leur sortie de la maison. Mais pour les autres travailleurs, les bienfaits du changement ne sont pas très évidents si bien qu'il nous a semblé oiseux de disserter sur ces prétendus avantages. Nous avons plutôt choisi de montrer l'insignifiance des modifications apportées de temps à autre dans les horaires de travail pour une race d'employés dont le comportement reste inchangé qu'il vente ou qu'il pleuve et sur qui les mesures disciplinaires n'ont eu, été comme hiver, presque aucun effet!
Les fugueurs en action Pour un fonctionnaire titulaire blasé qui n'attend de son administration que le salaire et les primes, le contrôle de ses entrées et sorties est une entreprise embarrassante et souvent stérile. Nous en avons croisé un, vendredi dernier à la Rue de La Kasbah : il était 9 heures et notre homme sirotait encore son café sans se soucier le moins du monde du retard qu'il avait déjà enregistré. Comme c'est l'une de nos connaissances, nous nous sommes permis de l'interroger sur les risques qu'il encourait en ne respectant pas les horaires de son administration : « Vous savez, mon chef supérieur n'arrive jamais avant 10 heures. Pour les autres, ils n'ont aucune autorité sur moi. Et puis, le travail que je fais n'exige pas vraiment ma ponctualité. J'ai assez donné à mon employeur, à présent j'attends l'heure de la retraite dans la plus totale sérénité ! Je ne crains plus rien ni personne au travail. ». Du côté de la Rue Bab Benat, un serveur de café nous a entretenus pendant plus d'un quart d'heure des « fugues » fréquentes de certains fonctionnaires du coin et il affirme pouvoir les citer tous par leurs noms : « Déjà qu'ils n'arrivent jamais à l'heure, ils se permettent aussitôt une première, puis une deuxième voire une troisième sorties au café d'en face ou chez leur gargotier favori. J'en connais qui ne restent pas plus d'une demi-heure dans leur bureau ; le reste du temps ils le passent toujours ailleurs. Et le comble, c'est qu'ils savent et voient que les citoyens ne manquent pas pour solliciter leurs services ! Aujourd'hui, les contrôles se font plus réguliers et plus rigoureux, mais les flemmards trouvent toujours l'astuce pour échapper à la vigilance des agents qui les surveillent. Que voulez-vous, c'est comme dans l'adage connu : « Chassez le naturel, il revient au galop » !
Où sont passés les autres ? Jeudi dernier, nous nous sommes postés en face d'une administration publique à partir de 16 h 30 pour voir si ses fonctionnaires quittaient leurs bureaux conformément à l'horaire officiel affiché sur les portes d'entrée, c'est-à-dire à 17 heures 45 mn. Nous avons constaté que 11 fonctionnaires sont sortis avant l'heure et n'ont pas regagné leurs postes après. A la sortie collective des employés, le nombre de ces derniers nous a paru très inférieur à celui que doit, en principe, constituer l'ensemble du personnel d'une grande société. Y avait-il déjà des défaillants à l'heure de la reprise de 15 heures ? On nous a parlé par ailleurs de fonctionnaires qui ne sont jamais au bureau sinon aux heures de « pointage » : ils s'empressent par la suite de quitter les lieux pour organiser des parties de cartes, pour aller à un rendez-vous galant ou pour rendre ailleurs de multiples services rémunérés ! A propos de pointage, nous avons découvert que l'opération n'était pas sans faille : un de nos amis « pointe » souvent par téléphone ; étant lié d'amitié avec l'agent qui contrôle la ponctualité des travailleurs de l'entreprise, il l'appelle et lui demande d'effectuer l'opération à sa place pour pouvoir quant à lui vaquer à d'autres occupations plus rentables ou moins contraignantes ! D'autres témoins nous ont confié qu'un directeur de lycée faisait surveiller les élèves de son épouse par un ouvrier de l'école afin de couvrir les retards et les absences de celle-ci. Les « couvertures » de ce genre sont nombreuses dans les administrations au sein desquelles travaillent un ou plusieurs fonctionnaires « chouchoutés » par la direction. Ces derniers ont carte blanche pour arriver quand bon leur semble et quitter quand cela leur chante ! Au cours de certaines réunions « plénières », le quart des concernés est absent et personne ne leur demande des comptes. D'un autre côté, il faudrait rappeler que les fonctionnaires ponctuels ne sont pas tous des modèles de sérieux et de rentabilité : on peut respecter le plus strictement du monde les horaires d'entrée et de sortie, sans pour autant accomplir convenablement son travail. Paresser au bureau c'est aussi une solution ; c'est même la meilleure selon certains. Les enseignants qui se la coulent douce en classe, ça existe encore malheureusement ! Les grilles de mots croisés les plus compliquées sont remplies dans les bureaux ; les échanges téléphoniques qui ruinent la fonction publique ne profitent pas toujours à l'Etat, ni à ses institutions !
Une logique discutable De telles situations commencent à dater dans nos administrations ; d'autre part, l'incurie et la lenteur ne sont plus l'apanage du service public. On se plaint partout du rendement très insuffisant des travailleurs de tous bords, lesquels renvoient la balle dans le camp de leurs employeurs qui les paieraient mal. A salaire faible rendement insuffisant, cette logique prime de nos jours sur les autres et entrave toutes les initiatives visant la revalorisation du travail et de la performance dans les milieux actifs. Est-ce à dire néanmoins que ceux qui sont bien payés sont tous exemplaires au travail ?!