Des centaines d'hommes d'affaires, d'experts et de médias ont assisté aux activités de la première édition de la conférence économique annuelle d'Attijariwafa bank qui s'est tenue à Casablanca sur le thème : « la crise financière internationale et les marchés émergents : menaces ou opportunités ? ». M. Mohamed El Kettani, le PDG du groupe a ouvert cette conférence en présentant quelques traits marquants de la crise actuelle traversée par les sphères des finances à l'échelle internationale. Il a mis l'accent sur les perturbations qui n'ont pas cessé de mettre en difficultés les marchés financiers en donnant l'exemple de trois banques qui sont parvenues à gérer d'une manière rationnelle cette crise. Les Santander, BNP et City Bank ont fait preuve d'expertise, rigueur et clairvoyance et sont parvenus à éviter le pire. M. Kettani s'est interrogé sur les moyens de transformer cette crise en opportunité dans les pays émergents, de minimiser ses conséquences sur l'économie réelle et d'entrevoir des politiques pour maintenir la croissance économique dans les pays du Sud. Le PDG du Groupe Attijariwafa Bank a conclu en ces termes : « la fin d'un monde n'est pas la fin du monde ». Il insinuait clairement la nécessité d'établir de nouvelles normes pour gérer les finances internationales afin d'éviter de tels dérapages.
L'objectif de la conférence est de permettre une meilleure visibilité de cette crise aux acteurs économiques locaux en leur présentant diverses lectures à partir de différents angles. Ainsi, l'expert géopoliticien, Alexander Adler, a parlé de l'effondrement d'un certain capitalisme dans sa présentation sur « l'analyse politique et géopolitique de la situation des principaux marchés émergents ». Il a précisé qu'il s'agit maintenant de redéfinir les règles du jeu. Adler a souligné que les grands gagnants jusqu'à maintenant sont le Brésil et la Chine. On verra plus loin que Jacques Attali n'a pas accordé le même crédit aux finances brésiliennes contrairement d'Adler qui pense plutôt que le système financier brésilien tient bon, soutenu en cela par le fait que l'économie brésilienne est essentiellement manufacturière. Pour ce qui est de la Chine, Adler a souligné que les bourses chinoises ont progressé de 40 % durant la dernière période. Il a indiqué que les Chinois ont sorti leurs réserves et injecté plus de 600 milliards de dollars dans leur économie locale pour pousser la consommation locale afin de préserver leur croissance en dépit de la récession à l'échelle internationale.. Adler a conclu que cette crise sonne le glas de ceux qui ont joué sur les rentes et, non, sur le développement économique et qu'il est temps pour réécrire les règles du jeu à l'échelle internationale. Et si Adler a été, semble-t-il, choisi pour ouvrir cette conférence, c'était pour la mettre dans son contexte historique. Par contre, Gildas de Nercy, responsable de la recherche Exane Derivatives chez BNP Paribas, a apporté son expertise pour « l'analyse économique sur la crise financière ». Il a expliqué que « les enjeux des mois qui viennent sont colossaux dans un contexte de dégradation rapide du contexte macroéconomique ». Car le monde aborde « une zone actuelle de forte incertitude qu'il faut gérer avec pragmatisme et talent en absorbant les excès de crédit, en sortant de la crise de liquidité des actifs risqués et en évitant la déflation ». Pour sortir de cette crise, qui constitue la pire récession depuis 1945 selon le FMI, Gildas de Nercy estime que les interventions politiques des Etats seront décisives. Il préconise ainsi un scénario de sortie combinant projets politiques (baisse de taux, baisses des contraintes budgétaires et plans de soutien/relance) et plans de reconfiguration du système financier à établir par les banques centrales. Mais pour lui, il faut surtout « ramener les banques à leur métier de base : distribuer les crédits de la manière la plus optimale possible ». Partant de ce constat, Gildas de Nercy estime qu'il existe-là des opportunités à saisir par les banque des pays émergents pour financer l'économie locale et gagner ainsi des parts de marché. « Mais, ne rêvons pas », nuance-t-il. Car « il faudra du temps pour purger les excès de distribution du crédit et d'assurances financières, à l'origine de cette crise, et restaurer la confiance ». Ce regard croisé ne serait pas complet si on ne lui ajoutait pas une touche asiatique et le Groupe Attijariwafa Bank a été conscient de cet apport en invitant M. Eui-Gak Hwang, Professeur d'Economie au centre International pour le développement de l'Asie de l'Est. Dans sa conférence « Quelles leçons d'Asie ? Comment les marchés émergents asiatiques réagissent et se remettent de la crise ? », le Professeur Hwang a analysé la situation des marchés émergents face à la crise financière mondiale en se focalisant sur les leçons tirer de la crise asiatique des années 90. Il a expliqué que la situation actuelle, à l'échelle planétaire, découle d'un assèchement généralisé de la liquidité suite à l'éclatement de la bulle immobilière américaine qui a conduit à la faillite des crédits hypothécaires (Subprimes). Il a estimé que « l'économie mondiale est aujourd'hui au bord d'une quasi-dépression, même si elle est brève (un an ou deux) », Eui-Gak Hwang à appelé à rétablir la confiance de la population des pays émergents, non seulement dans la politique gouvernementale, mais également dans la solidité des institutions financières. Ceci notamment à travers la promotion de la coopération, de la coordination régionales (trans-frontalières) et de la gouvernance efficace des entreprises et des institutions financières. Le Groupe Attijariwafa bank a également associé par vidéoconférence le président de Planet France, Jacques Attali dans une analyse intitulée « La crise : impact sur le Maroc et son industrie touristique ». Après une analyse exhaustive de la crise internationale, l'intervenant a indiqué, concernant l'Afrique, qu'elle sera moins touchée par cette crise car elle connaît une forte dynamique de croissance doublée d'une non-exposition aux produits Subprimes. Ceci dit, « le continent africain ne pourra pas ne pas être touché vu la baisse prévisible des investissements étrangers et des transferts des migrants ». Résultat : 2009 sera une année de très fort ralentissement... Quid alors du Maroc ? « Votre pays ne sera pas trop exposé aux impacts de cette crise car il dispose d'un système financier stable, autonome vis à vis de celui mondial, avec des établissements bancaires étroitement contrôlés et à l'abri des produits à l'origine du problème », répond Jacques Attali. Quant au tourisme, secteur vital de l'économie, le conférencier explique qu'il « dispose d'un potentiel considérable, mais sa viabilité à court et à moyen terme dépend essentiellement de la capacité du Maroc à être compétitif. Ceci en offrant le meilleur rapport qualité/prix et en continuant à développer les infrastructures touristiques et les moyens de transport low cost ». Autre condition sine-qua-non pour réussir dans le tourisme : « maintenir l'identité et la spécificité culturelle du Maroc ». Jacques Attali a conclu en indiquant que malgré «l'enjeu considérable que le Maroc doit réussir, le pays a toutes les chances de tirer son épingle du jeu et d'être parmi les vainqueurs de la crise ».
Cette conférence a été clôturée par M. Salah-Eddine Mezouar, le ministre marocain de l'Economie et des Finances. Ce dernier a détaillé les réponses apportées par le gouvernement marocain face à cette crise en indiquant que le schéma du Budget 2009 a été construit autour de choix stratégiques irrévocables: l'encouragement de la demande et de la consommation intérieures à travers l'augmentation des salaires, la dynamisation de l'investissement public, le maintien de la diversification de notre économie, la promotion de la PME en agissant sur ses coûts de production et sur sa compétitivité et, enfin, le soutien à l'exportation et aux exportateurs. « C'est ainsi que nous allons faire de cette crise un atout » résume le ministre marocain de l'Economie et des Finances.