Interview de Me Abdelaziz Mzoughi, l'une des personnalités dissidentes d'Ettajdid Lors du 2ème congrès d'Ettajdid en juillet 2007 qui devait unifier le parti et un groupe de personnalités indépendantes démocratiques et progressistes une dissidence s'est produite et plusieurs militants d'Ettajdid et des indépendants ont boycotté les travaux du congrès. Depuis plusieurs tentatives de réconciliation pour la réintégration de ces mécontents ont échoué . Mais le premier secrétaire du parti Ahmed Brahim dans une interview au Temps du lundi 10 novembre a déclaré que la direction du parti reste toujours ouverte au dialogue. Pour en savoir plus nous avons invité Me Abdelaziz Mzoughi une des personnalités indépendantes qui fait partie du groupe qui a quitté le congrès. Il nous parle ici de la réconciliation et des origines de la crise et d'autres questions. Interviews.
Le Temps: Rappelez-nous les causes de la dissidence à Ettajdid? Me Abdellaziz Mzoughi: lors des élections présidentielles de 2004 l'initiative démocratique qui est une sorte d'alliance entre Ettajdid et des personnalités indépendantes et progressistes a présenté un candidat. Mais le but essentiel de cette candidature n'était pas électoral mais politique. Il consistait à rassembler l'ensemble des sensibilités démocratiques et de gauche pour fonder un mouvement diversifié représentant toutes les couches progressistes de la sphère politique tunisienne. Et après le succès relatif de la campagne électorale certains d'entre nous ont pensé qu'on pouvait fédérer les courants progressistes au sein d'un parti légal qui existait déjà. A savoir Ettajdid Mohamed Harmel le secrétaire général à l'époque de ce parti à qui j'adresse à cette occasion un hommage, a entériné cette démarche et c'est ainsi que se sont déclenchés les préparatifs du 2ème congrès d'Ettajdid qui devait être le point d'orgue de l'unification des tendances progressistes et démocratiques de l'opposition tunisienne.
•C'est un début prometteur mais après? -Le congrès n'a malheureusement pas tenu ses promesses les enjeux du contrôle du parti et les problèmes de succession l'ont remporté sur la démarche unitaire et c'est avec une brutalité inouie qu'on a liquidé l'ensemble de ceux qui n'étaient pas favorables à cent pour cent au nouveau premier secrétaire. Il faut dire à la décharge des auteurs de ce véritable coup de force que le projet tel qu'il est conçu par ses prometteurs était trop ambitieux. Car il prétendait réaliser en même temps une passation entre l'ancien secrétaire général et ceux qui attendaient depuis longtemps de lui succéder et un rassemblement de l'ensemble des forces démocratiques et progressistes. Et c'est presque naturellement que le premier enjeu a pris le dessus.
•C'est là donc où résident les causes de la dissidence? Les congressistes qui ont constaté cette déviation de l'objectif initial ont donc, à des moments divers quitté le congrès.
•Mais les travaux du congrès ont continué et une nouvelle direction a été choisie. -Oui et ceux qu'on appelle aujourd'hui les "mécontents" après une période de légitime colère ont renoué le dialogue avec les instances dirigeantes issues du congrès. Une commission bipartite a été créée à cet effet. Car aux "mécontents" de l'extérieur qui ont quitté le congrès se sont joints les "mécontents" de l'intérieur qui ont publié un communiqué appelant à une réconciliation. Au départ les dissidents de l'extérieur réclamaient la tenue d'un congrès extraordinaire. Mais après dans une démarche de bonne volonté ils se sont ralliés à l'idée qu'il fallait trouver un compromis organisationnel et politique avec la direction issue du congrès. Leur proposition était très simple. Il fallait selon eux réintégrer l'ensemble des militants qui ont participé activement à la préparation du congrès, au sein de toutes les instances du parti c'est-à-dire le comité central, le bureau politique et le secrétariat.
•Quelle a été la réaction de la direction du parti à cette proposition? -Arguant des problèmes juridiques liés à l'application stricte du règlement intérieur, la direction a refusé cette proposition et proposé l'attribution de postes d'observateurs au comité central à ceux qui ont quitté le parti au cours du congrès.
•Et votre réaction? -En dehors du fait que les problèmes juridiques ou politiques ne sont mis en avant que pour masquer des différends politiques. Il s'est trouvé même du point de vue juridique que le règlement intérieur prévoyait qu'entre deux congrès il est possible d'augmenter de 25% c'est-à-dire de 10 membres la composition du comité central. Donc nous avons avancé cette proposition mais à condition de réintégrer ceux qui ont quitté le congrès à tous les échelons du parti . La direction nous a répondu qu'elle soumettra cette proposition au comité central. Ce dernier s'est réuni et a accepté notre proposition mais la direction du parti est revenue à sa proposition initiale de postes d'observateurs. Nous avons donc décidé de rompre les pourparlers et nous avons publié un communiqué dans lequel nous analysons les résultats du congrès que nous considérons négatifs.
•Quelles sont les grandes lignes de ce communiqué? -Pour nous il est tout à fait bizarre qu'un parti qui veut s'ouvrir réduise le nombre des membres de son comité central de 70 à 40 membres et que ses dirigeants estiment positifs les résultats d'un congrès où des personnalités aussi importantes tel l'ancien président du conseil central et candidat à la présidentielle de 2004 Mohamed Ali Halouani qui a claqué la porte en plein congrès et que d'autres personnes aussi symboliques et représentatives de l'esprit d'ouverture comme Mme Sana Ben Achour soit restée sur le bord de la route sans compter d'autres personnalités du monde syndical tels que Mustapha Ben Ahmed, Chedli Lajimi, Yacine Guiga et Salah Toumi qui ont décidé de quitter le congrès.
•Mais qu'est-ce vous comptez faire? -Ceux qui ont pris la responsabilité de régler les problèmes du 2ème congrès de la façon dont ils ont pu les régler doivent assumer aujourd'hui leur responsabilité. Nous ne ferons rien pour contrecarrer leur démarche, mais, nous estimons a priori que la brutalité et l'incohérence avec lesquelles ont été réglées les questions en suspens lors du congrès ont éloigné l'objectif qui était déjà difficile à atteindre celui du rassemblement de toutes les forces progressistes dans le pays qui souffrent déjà d'un recul historique important.
•Mais concrètement que comptez-vous faire? -Pour le moment nous discutons pour savoir ce que nous allons faire certains d'entre nous pensent qu'il faudrait créer sur les mêmes bases une mouvance nouvelle. D'autres pensent qu'il faut continuer à œuvrer pour rassembler l'ensemble des forces démocratiques dans le pays et ne pas ajouter à la division qui prévaut aujourd'hui. Je pense pour ma part que le pays a besoin d'un courant démocratique progressiste structuré et puissant pour équilibrer un paysage politique dominé par le parti au pouvoir et par les mouvements se réclamant de la religion et qui exercent une interactivité tout à fait malsaine sur les groupes, les partis et les groupuscules qui se situent entre eux.
•Mais le dialogue avec Ettajdid est terminé? -Je ne sais pas, il y a peut être des freins internes qui bloquent toute possibilité de dialogue. Pour notre part nous restons toujours ouvert au dialogue. Interview réalisée par Néjib SASSI