Voyance, astrologie, magie, numérologie, chiromancie, cartomancie et autres pratiques divinatoires sont devenues de véritables thérapies dans nos contrées et font des adeptes de plus en plus nombreux parmi les Tunisiens, hommes et femmes, jeunes et adultes qui y recourent volontiers pour connaître leur chance de succès à un concours, à une promotion, ou se renseigner sur l'âme soeur... Ces pratiques, souvent à l'abri de tout contrôle, se développent d'une manière accélérée et connaissent un grand succès auprès des milliers de clients en quête d'une aide spirituelle urgente capable de leur ouvrir les portes du bonheur. La question est donc de savoir pourquoi et comment un individu, se considérant comme usant pleinement de son libre arbitre, peut-il être séduit par ces « diseurs de bonnes aventures » ? Serait-ce l'angoisse causée par le rythme infernal de la vie moderne ? L'ignorance et la crédulité de certaines gens seraient-elles des facteurs sur lesquels repose tout le travail de ces « vendeurs d'illusions » ? Les Tunisiens sont-ils donc superstitieux ? On ne peut répondre que par l'affirmative, d'après les témoignages des gens, tous âges confondus, qui ont été interrogés : les uns ne manquent jamais de lire leur horoscope quotidien, d'autres s'adressent régulièrement aux différents voyants exerçant un peu partout dans le pays, d'autres encore ne ratent pas de consulter leurs signes du zodiaque via Internet ou sur les chaînes satellitaires qui grouillent de programmes destinés aux différentes pratiques divinatoires et qui gagnent de plus en plus de l'audience à travers le monde arabe. Pas mal de Tunisiens participent à ces émissions par téléphone ou par SMS pour s'enquérir de leur avenir : il suffit de fournir son prénom, celui de sa mère et sa date de naissance. Avec l'approche du nouvel an, on assiste également à une grande affluence des gens de chez nous sur les revues et les magazines d'horoscope pour consulter ce que la destinée leur réserve pendant toute la nouvelle année et peut-être les années à venir. Nul doute, la superstition est ancrée dans les esprits des Tunisiens depuis la nuit des temps. Bon nombre d'entre eux ont toujours eu recours dans le passé aux différents marabouts « zaouïa » du bled ou du village ou même de la ville pour se prémunir contre les vicissitudes du temps et les aléas de la vie. Il fut un temps où les marabouts étaient considérés comme les dresseurs de tous les torts et les guérisseurs de tous les maux. Bien que le recours à ces marabouts soit de moins en moins fréquent grâce à la propagation de l'éducation et l'instruction qui a tant changé la mentalité des gens, certains marabouts continuent à exercer leur « toute-puissance » sur certains individus à l'esprit borné qui mettent encore leurs vies entre les mains de ces marabouts encore vénérés et visités en masse dans plusieurs régions du pays. Pourtant, selon la religion, ces marabouts ne sont que des dévots dignes de notre vénération mais qui ne bénissent ni ne maudissent. Bien que la religion interdise aux croyants de demander une assistance autre que celle provenant de Dieu, beaucoup de Tunisiens portent encore leurs espérances sur ces marabouts. La mentalité des gens n'a pas changé mais les pratiques ont évolué, dans ce sens que le maraboutisme en régression cède la place à d'autres formes d'occultisme et de charlatanisme de plus en plus en vogue. Les gens en désarroi qui vont aujourd'hui chez une voyante le font par conviction tout comme ceux qui allaient jadis chez un marabout, le but étant le même : chercher une issue à son problème ; à la seule différence que la visite chez un marabout n'est pas trop coûteuse, alors que tout se paye et souvent au prix fort chez une voyante, un astrologue ou une cartomancienne... C'est qu'il y a toujours des esprits simples et naïfs chez certaines gens qui favorisent la recrudescence de ces pratiques charlatanesques dans notre pays. Ces charlatans (c'est ainsi qu'il faut les appeler) reçoivent les clients chez eux sur rendez-vous, publient leur noms, leur adresse et leur numéro de téléphone sur les journaux et sur Internet, accrochent des plaques portant leur nom et leur spécialité sur la porte de leur « cabinet », ils ont aussi une secrétaire qui s'occupe des rendez-vous des visiteurs. Ils payent sûrement leurs impôts, la plupart travaillant dans les règles de l'art. L'on se demande pourquoi tant de Tunisiens, pour peu qu'ils soient confrontés à un problème d'ordre affectif, professionnel, familial ou autres s'en remettent aux mains de ces imposteurs qui profitent du malheur et du désespoir des gens crédules pour s'enrichir ? Oui, en effet, s'enrichir et même faire fortune sur le dos d'une clientèle superstitieuse, généralement incapable de résoudre ses problèmes par la raison, qui vient se plonger à corps perdu dans les pratiques occultes de ces charlatans insatiables dont les manœuvres irrationnelles et surnaturelles sont souvent irrésistibles. Le pire est que ces consommateurs de voyance ne peuvent en aucun cas obtenir la garantie de ne pas être abusés ou escroqués par ces praticiens d'arts divinatoires? Même s'ils le sont un jour par l'un d'eux, ils se dirigent vers un autre, toujours dans l'espoir d'une issue quelconque à leur problème. Pourtant, pas mal de scientifiques à travers le monde ne cessent de démontrer que ces pratiques divinatoires ne sont que magie et superstition reposant sur la crédulité des gens. Hechmi KHALLADI -------------------------------- Témoignages
**Mohamed, instituteur : « ils exploitent la crédulité du public » « Nous sommes fautifs au même titre que ces charlatans. Ils vivent de l'ignorance et de la crédulité des gens, ils s'enrichissent sur l'angoisse et le désarroi dont souffre l'homme moderne. Que font-ils au juste ? Ils permettent à leurs clients de rêver en leur promettent monts et merveilles ; donc d'oublier leurs problèmes pendant quelque temps ! C'est donc un palliatif, ni plus ni moins. »
**Raoudha, étudiante : « C'est de la sorcellerie ! » « c'est de l'occultisme ! Je me demande comment certaines gens considèrent ces pratiques comme une véritable thérapie à leurs maux quotidiens. Et dire qu'il y a de plus en plus de jeunes qui y croient aveuglément ; on les voit à l'approche des examens chez des voyantes pour s'enquérir de leur avenir ! C'est vraiment un phénomène qui gangrène notre société tunisienne. Il faut absolument le combattre. »
**Tarek, fonctionnaire : « la mentalité des gens rétrograde » « Cette pratique des arts divinatoires occupe une place prépondérante dans notre société. Tout a évolué dans notre société, sauf la mentalité des gens ; elle rétrograde ! Sinon, comment expliquer l'envoûtement de ce grand nombre de passionnés par ces praticiens imposteurs qui profitent de leurs périodes d'inquiétudes et de désespoir pour les leurrer en quête d'un moyen salvateur ? Ce qui est paradoxal, c'est qu'il y a parmi les habitués des personnes cultivées et d'un niveau instructif très élevé ! »
**Amel, femme au foyer : « Ne pas confondre entre voyance et sorcellerie » « Il ne faut pas généraliser. Il y a pourtant des voyantes que j'ai consultées et qui sont d'une compétence certaine. Et puis, on dit qu'il y a un lien entre les astres et les êtres humains sur terre. Il ne faut pas cependant trop compter sur la voyance dans la vie et il ne faut pas confondre entre voyance et sorcellerie. On doit savoir à qui s'adresser, surtout que ces voyantes sont devenues nombreuses chez nous ! »