Les citoyens tunisiens sont-ils égaux face à l'administration ? Cette question ne cesse de tarauder les esprits, inutilement, d'ailleurs, parce qu'on a l'impression d'enfoncer des portes ouvertes. Dans la réalité, on bute contre les portes fermées et hermétiquement fermées. Dans cette Tunisie qui bouge, qui intègre la dimension rénovatrice du Changement, une entité abstraite, des forces occultes de rétention pèsent et ralentissent toutes formes de processus supposé tirer les choses vers l'avant. Le citoyen normal, ce monsieur tout le monde qui n'a pas d'entrées, ni de voie de sorties, qui n'a pas d'appuis, qui n'a pas de connaissance et qui n'a pas de pistons voit s'ériger devant lui une muraille d'indifférence, cette ostensible fin de non-recevoir et quelque chose qui ressemble à un ogre puissant et à l'appétit gargantuesque. Nous ne traitons pas ici de l'informatisation des pièces d'identité, des états-civils, des titres fonciers, de la promptitude des factures d'électricité et d'eau et de la ponctualité avec laquelle on vous signifie la sentence pour un radar non respecté. Cela fait partie des attributs de cette « administration citoyenne », au service du citoyen, toujours proche du citoyen quitte à programmer sa journée. Car, finalement, de concret, l'administration n'a que sa paperasse à faire valoir. Parlons plutôt de l'égalité des chances face aux prestations administratives. Depuis les offres d'emploi, à l'autorisation de bâtir, en passant par l'obtention dans des délais raisonnables d'un jugement, jusqu'à la justice fiscale, jusqu'à même, ce computer dénué d'âme et qui décide de l'orientation des étudiants et, donc, de leur avenir ? Est-on sûr, a-t-on dès lors, des garanties quant à l'impartialité de l'administration, elle qui devrait être l'extension du bras de la justice et, donc, censée être tout autant aveugle qu'elle ? Sans doute, aucune administration au monde – même pas celles mythiques des pays scandinaves - n'est au-dessus des pratiques souterraines, du jeu d'influence, des pistons et des pots de vin. Mais, le citoyen tunisien est dans son droit quand il se plaint de l'opacité de cette administration trop lourde, anachronique et qui représente une force d'inertie dans un pays qui va pourtant à une vitesse relevée.