Ce qui s'est passé tout récemment en Irak a eu « l'avantage » de remettre à l'ordre du jour la chaussure, et tout le monde de parler la semaine dernière, de cet élément de notre quotidien le plus banal, auquel on ne fait pas toujours très attention. Si quand même, mais pas autant que depuis le geste diversement apprécié du journaliste irakien. La chaussure occupe pourtant une bonne place dans notre imaginaire, dans notre culture, dans notre vocabulaire et jusque dans nos patronymes ! Mais d'abord que savons-nous des éléments constitutifs d'une chaussure ? Le schéma suivant peut satisfaire votre curiosité mais il vous faut un traducteur pour trouver les synonymes en arabe des différentes parties nommées par le dessin. (SCHEMA DE LA CHAUSSURE) Sachez aussi que le marchand de chaussures s'appelle chausseur, qu'on dit pointure plutôt que taille de la chaussure, et chausse-pied pour cet objet à diverses formes qui facilite l'entrée du pied dans les souliers.
Superstitions « bottées » Chez nous et dans plusieurs autres sociétés, on attribue aux chaussures divers pouvoirs et valeurs symboliques : par exemple, une de nos traditions conservées dans quelques familles et régions déconseille d'offrir des chaussures à sa fiancée quels qu'en soient le prix et la qualité : c'est un mauvais présage pour le couple qui risque autrement de se séparer. La nuit des noces, les parents des mariés conseillent parfois aux mariés de marcher sur les pieds du conjoint dès l'entrée de la chambre nuptiale pour lui signifier très tôt qu'on sera le maître à bord « pour le meilleur et pour le pire » ! D'autres gens croient que laisser une chaussure renversée du côté de sa semelle porte malheur ; on est également convaincu que c'est de mauvais augure de porter les souliers d'une personne après sa mort. Mais il arrive qu'on autorise la conservation d'une seule paire du défunt (il faut donc qu'il en ait plusieurs, ce qui n'est pas évident), à condition bien entendu de ne jamais la mettre ! La première chaussure d'un bébé est aussi religieusement gardée par certaines mères soucieuses d'immortaliser à leur manière une étape significative de la vie de leur enfant ! Ce fétichisme de la chaussure se retrouve également chez les amoureux pour qui ce vêtement, à leurs yeux sensuel, se substitue à une partie du corps de l'être qu'ils désirent. La littérature et le cinéma abondent en exemples de tels héros superstitieux. Dans les contes merveilleux qui ont nourri l'immense majorité des enfants, les bottes des mille et une lieues portées par Le Petit Poucet, plus tard par d'autres héros moins célèbres, tiennent encore une place de choix parmi les objets magiques dont regorge ce genre d'histoires. Les aventures de Joha avec les chaussons de sa mère et avec ses babouches ne s'oublient pas facilement non plus !
« Chlakamanie » ! Le vocabulaire tunisien et celui des Français sont par ailleurs riches en expressions et métaphores relatives à la chaussure : dans notre argot un peu grossier, l'expression « mettre quelqu'un sous sa botte » signifie l'avoir sous sa coupe, le soumettre à son pouvoir. Quand on compare un autre à une mule (chlaka) ou qu'on lui dit qu'il est aussi intelligent que sa chaussure, il doit comprendre que c'est tout le contraire d'un compliment ; s'il réagit violemment à l'outrage, cela peut lui coûter d'être « botté aux fesses » ! Vous n'êtes pas sans savoir d'autre part que la plante appelée en français « patte-de-loup » est désignée chez nous par l'expression « sabbat edhib », littéralement « chaussure du loup ». Quant à confondre les sabots municipaux avec ceux du Père Noël, c'est commettre une gravissime erreur d'appréciation dont vous ne vous en rendrez compte qu'au moment de payer l'amende à la fourrière ! Dans la langue de Molière, on dit aussi d'un casanier que c'est un pantouflard, d'un fonctionnaire du service public qui quitte son poste pour exercer dans le privé qu'il pantoufle. « Marcher dans les talons de quelqu'un » c'est tout le contraire de le devancer, mais le « talonner » c'est ne pas le quitter d'une...semelle ! Dans les proverbes de toutes les sociétés, la chaussure manque rarement à l'appel : chez nous on raconte que les avares préfèrent se blesser les pieds qu'abîmer leurs chaussures et s'exclament : « Fi saqi wala fi essabbat » ; les Français, eux, sont persuadés que « les cordonniers sont les plus mal chaussés ».
« Siraj » et cirage On évalue aussi les gens à l'aune de leurs chaussures : il est ainsi de bon ton, pour impressionner ou séduire, de chausser des souliers de marque. Car celui qui arbore des semelles trouées ou des talons complètement élimés a peu de chances d'être bien vu. Sachez donc bien dissimuler le « sourire » de vos bottes et aussi les odeurs nauséabondes qui peuvent s'en échapper à votre insu ! Si vous êtes sabotier ou chausseur n'appelez pas votre boutique « magasin de chaussures », mais « Casa shoes » ou bien « Shoes Center », cela fait plus branché et peut vous attirer quelques clients et clientes en plus ! Cependant si tous ces conseils vous laissent indifférents, dîtes que vous n'en avez « rien à cirer » ! A propos, avez- vous entendu parler de ce cireur qui baptisa son nouveau-né... « Siraj » ?!