Ce n'est pas pour généraliser, mais les commerces de l'alimentaire (toutes patentes et tous agréments confondus) ne respectent que très rarement les conditions d'hygiène aussi bien lorsqu'ils déchargent la marchandise, que quand ils la stockent, la réfrigèrent ou enfin au moment de la vendre. Nous avons assisté tout récemment à un séminaire sur l'alimentation des enfants dans les établissements de protection de l'enfance et avons suivi avec beaucoup d'attention et d'intérêt les communications des différents intervenants, tous concernés par l'alimentation et le respect des conditions d'hygiène durant toutes les étapes de la chaîne alimentaire. Il fallait être effectivement parmi les présents pour pouvoir comprendre que les commerçants des aliments ou produits alimentaires sont chez nous à 20.000 lieues des bonnes règles sanitaires. Non pas des conditions d'hygiène idéales, ce serait trop leur demander ; mais parfois ils n'en observent même pas les plus élémentaires.
Avec les cafards, les souris et les eaux usées ! D'abord les locaux, répondent-ils toujours aux normes requises : sont-ils propres, bien éclairés, équipés de tout ce qu'il faut pour conserver, conditionner et commercialiser le produit à servir ou à vendre, sont ils raccordés au réseau de canalisation des eaux usées, les protège-t-on assez contre les insectes et les rongeurs ? Dans certains restaurants, vous consommez vos plats sous « le regard amusé » des cafards ; les couvercles des regards de cuisine limitent en fait les dégâts pour ce qui est de l'invasion du local par ces bestioles repoussantes et prolifiques. Les pâtisseries stockent leur farine, leur sucre, fruits secs, beurre, confiture, miel et autres colorants n'importe où et n'importe comment. Leurs réfrigérateurs ne sont pas toujours bien installés ni bien nettoyés et presque jamais mis à la température adéquate. Les marchands de légumes ont rarement de l'espace pour le déchargement de leurs marchandises ; c'est ce qui amène les fournisseurs à les déposer à même le trottoir ou la chaussée. Du côté des épiciers, yaourt, lait, salami, pain, packs de pâtes diverses débarquent d'abord sur les trottoirs tout près des eaux usées et des immondices avant d'être rangés dans les étagères et les frigidaires, appareils qui du reste sont rarement en bon état et mis souvent à des températures non conformes. Les bouchers et les marchands de volaille ne font pas non plus l'exception et servent leurs clients dans des locaux sales et parfois puants. Il en est parmi eux qui ne nettoie ses couteaux et hachoirs qu'une seule et unique fois par jour ; tout y passe : le filet après les abats, les ris et les rognons après les côtelettes, les ailes après les pattes et c'est la même main qui a déplumé le poulet qui vous l'emballe aussi. Au fait, méfiez-vous des marchands qui, pour vendre un poulet dont la structure s'est déformée et dont la couleur a tourné au gris verdâtre à cause d'un mauvais conditionnement, le découpent en morceaux qu'ils glissent entre les autres abats encore conservés !
Tajine à 50 dinars Allez savoir par ailleurs si au niveau des abattoirs ou sur les lieux de fabrication du produit commercialisé, les règles d'hygiène sont respectées. Ce n'est pas évident non plus. Pour ce qui est des aliments préparés dans les restaurants, gargotes, pâtisseries et pizzerias, les spécialistes qui ont pris la parole au cours du séminaire évoqué plus haut sont unanimes pour prévenir le consommateur contre certains mets suspects comme les Tajines, les pâtés, les mayonnaises ! Pour les deux premiers aliments, ils sont généralement « fourrés » avec tous les restes de la cuisine, voire avec ce que laissent les consommateurs de la veille et de l'avant-veille ! Dernièrement, un mauvais tajine commandé au restaurant a coûté à son consommateur près de 50 dinars entre consultation et médicaments. Nous ajouterons pour notre part le merguez que la plupart des bouchers farcissent avec tout ce qu'ils ne peuvent plus vendre et surtout celui qu'ils appellent « spécial » pour mieux berner le client ! Craindre aussi les soi-disant fruits de mer dont on agrémente les pizzas, ce sont souvent de menus morceaux d'on ne sait plus quoi plus durs que le vrai cuir et souvent mal conservés et mal cuits. Se méfier également du salami racorni et dont le ton rose vire au pourpre. Le lait et le « lben » vendus en vrac sont peu fiables, achetez plutôt le lait pasteurisé et stérilisé en boîte ou en bouteille ; pour ses dérivés vérifiez toujours la forme de l'emballage quand il s'agit d'un yaourt, assurez-vous que le pot n'est pas troué. Tous ces conseils et mises en garde visent à préserver vos estomacs pour qu'ils ne finissent pas par se trouer eux aussi. Mais libre à vous de les suivre ou bien de croire plutôt à la morale de la légende suivante :
Légende On raconte en effet que dans un royaume d'autrefois, le roi se plaignait toujours de la cuisine de tous ses chefs qu'il engageait et révoquait aussitôt. Cela n'avait jamais la saveur qui lui convenait. Un jour, l'un de ses ministres lui apprit qu'un restaurateur a ouvert en ville et que sa boutique ne désemplissait jamais tant la cuisine y était bonne. Pour en avoir le cœur net, le roi se déguisa en citoyen ordinaire et s'en alla manger chez ce grand cuisinier. Il goûta à plusieurs plats et les trouva tous plus savoureux les uns que les autres, si bien qu'il décida d'engager le restaurateur dans son palais. Celui-ci ne pouvant décliner la proposition royale accepta l'offre, mais au bout de quelques jours de service, il n'arrivait toujours pas à satisfaire les goûts culinaires du monarque. Celui-ci le convoqua pour l'en aviser et pour comprendre pourquoi les mêmes mets sont plus succulents dans sa boutique que dans le palais. Le restaurateur réfléchit un moment puis osa lui répondre : « Votre majesté, dans votre cuisine tout est propre alors que dans la cuisine de mon restaurant les ustensiles, les murs, les tables de travail, les feux, tout cela conserve de la poussière, de la graisse, de la suie, et bien d'autres impuretés qui justement donnent cette saveur que vous avez tant aimée le jour où vous avez déjeuné chez moi ! ».