De nos jours, le départ du domicile parental se fait de plus en plus tard pour les jeunes tunisiens, que ce soit pour les garçons ou pour les filles. Par le passé, il suffisait de finir ses études et d'obtenir un diplôme universitaire ou un brevet de technicien dans une spécialité donnée pour que ces jeunes diplômés soient casés. Aujourd'hui, ni la fin des études ni l'obtention d'un diplôme ne sont des motifs suffisants pour aller voler de ses propres ailes loin du foyer parental et former un nouveau ménage indépendant. Ces nouveaux diplômés, devenus nombreux, doivent encore habiter chez leurs parents pendant plusieurs années, parfois jusqu'à l'âge de 30 ou 35 ans, tant qu'ils n'ont pas obtenu de travail ! Il y a actuellement chez nous des familles qui comptent 3 ou 4 diplômés en chômage, vivant sous le toit parental, subissant toutes les conséquences morales et les difficultés économiques qui s'en suivent.
La présence de ces jeunes chômeurs pendant une durée indéterminée chez leurs parents peut sans doute créer des charges supplémentaires au ménage, d'autant plus que dans la plupart des cas le père et/ou la mère est déjà à la retraite ; ces charges pèsent énormément sur le budget familial par manque de ressources. Souvent, l'enfant ou la fille sont obligés d'exercer un travail temporaire, généralement en dehors de leur spécialité, pour aider aux dépenses domestiques. Fatma, diplômée en SVT depuis deux ans, vivant encore chez ses parents, est obligée de travailler comme baby-sitter dans une crèche pour gagner son argent de poche : « Ce n'est que provisoirement, j'attends le concours du CAPES pour le repasser, car j'ai été refusée la première fois. En attendant, j'accepte ce métier pour ne pas être à la charge de ma famille modeste ! ». En effet, la plupart des jeunes, tout en cherchant du boulot et en participant aux différents concours espèrent être un jour recrutés. En attendant, certains d'entre eux se contentent de faire n'importe quoi, quitte à travailler dans des cafés, des restaurants ou des magasins, pour subvenir à leurs besoins les plus pressants. Aymen, diplômé universitaire, vient d'accepter un travail provisoire dans une grande surface : « Je n'ai pas le choix : c'est mieux que de vivre aux dépens de ma famille qui est d'ailleurs très nécessiteuse ! Ça ne veut pas dire que j'ai lâché prise, je fouille chaque jour dans les annonces et dans les bureaux d'emploi à la recherche d'un boulot qui aille avec mon diplôme ! » Dans nos traditions, il est en effet très rare qu'une famille abandonne ses enfants, mêmes devenus jeunes ou adultes. La protection parentale peut s'étendre jusqu'au mariage des enfants et peut-être au-delà du mariage, du moment que certains parents préfèrent voir leurs fils mariés habiter le même logement qu'eux ! C'est pour cela que beaucoup de jeunes (hommes ou femmes) gardent encore aujourd'hui le foyer parental même à l'âge de 30 ans ou plus ! On voit donc les parents, même en âge avancé, suer sang et eau pour satisfaire les besoins de leurs enfants en chômage, dans l'espoir de jours meilleurs ! Ils n'osent jamais les chasser du domicile parental, les liens familiaux étant plus forts ! De ce fait, on trouve de plus en plus de familles tunisiennes où il y a au moins un ou deux jeunes diplômés encore sans travail.
Le chômage, première cause En effet, le nombre des diplômés supérieurs ne cesse d'augmenter ces dernières années et c'est pour cela que la majorité de ces diplômés sont touchés plus que d'autres par le chômage. Selon un document publié par la Banque Mondiale en mars 2008, le nombre de diplômés a en effet presque doublé en 10 ans, ils étaient 336.000 au cours de l'année 2006-2007 contre 121.800 en 1996-1997. Le même document de la Banque Mondiale donne un aperçu général de ce phénomène : « Parmi les 4763 jeunes diplômés (Chiffres 2005) 46% des jeunes actifs n'avaient pas un emploi 18 mois après l'obtention du diplôme. Les maîtrisards et les techniciens supérieurs représentent 90% des diplômés. Près de 50% des techniciens supérieurs et maîtrisards sont au chômage. La proportion des chômeurs chez les ingénieurs est de 10%, soit la proportion la plus faible de tous les diplômes/spécialités. Le taux de chômage des techniciens des Instituts supérieurs d'études technologiques (ISET) est de 45%, contre 53% pour les techniciens non-ISET. Les jeunes filles représentent 57% de l'ensemble de diplômés, contre 43 % pour les garçons. 51% des hommes sont employés contre 38% des femmes. » Une enquête a été réalisée fin 2005 auprès des jeunes diplômés par le Ministère de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes, en collaboration avec la Banque Mondiale en vue de comprendre les mécanismes de leur insertion dans le marché du travail. Il s'avère que l'emploi salarié représente encore, pour 71% des jeunes, le débouché principal pour les diplômés de l'enseignement supérieur. Cette enquête a permis de montrer que « le secteur public reste le principal débouché pour les diplômés supérieurs avec 52% des emplois salariés, alors que 48% sont assurés par le secteur privé où plus de 23% des jeunes recrutés travaillent sans contrat et plus de la moitié des emplois sont conclus sous contrat à durée déterminée. » Toujours selon la même enquête, « les ingénieurs, les techniciens supérieurs et les architectes ont plus de chances d'avoir un parcours plus stable que les maîtrisards. Les techniciens supérieurs ont une probabilité plus élevée que les maîtrisards d'environ 3% de risque de se retrouver dans les situations de chômage. » Toutefois, certains jeunes diplômés, ayant épuisé toutes leurs chances, optent enfin pour la poursuite de leurs études universitaires en s'inscrivant au Master (3ème cycle), reportant ainsi à une date ultérieure leur entrée sur le marché du travail, ce qui peut, en quelque sorte, diminuer le taux de chômage parmi les nouveaux diplômés supérieurs. Mais ces jeunes qui ont préféré poursuivre leurs études vont continuer à vivre au domicile parental, à dépendre encore quelques années de plus de leurs parents et à affecter par conséquent le budget familial !