* Le Professeur Yadh Ben Achour : - Le monde de la politique et de la religion ne doivent pas être confondus- L'Association Tunisienne de Droit Constitutionnel « ATDC » organise à Gammarth (Nord de Tunis) un colloque international intitulé « droit, pouvoir et religion » avec la participation d'universitaires et d'experts internationaux, venus principalement du Maghreb et d'Europe. Des contributions de chercheurs d'Al Qods, du Lebanon Valley College et de Duquesne university aux Etats-Unis, sont venues enrichir le débat et lui ont permis de brosser un angle plus large de la problématique. La fondation allemande Hanns Seidel a apporté son soutien à ce colloque international qui constitue, par la richesse des contributions, un apport qualitatif, dans le dialogue des civilisations. L'importance accordée à ce thème découle du fait que le droit constitutionnel est la branche de droit qui trace les grandes lignes des structures du pouvoir. De ce fait, il attire toutes les attentions et il est même l'objet de convoitises. De son côté, la religion se veut être, selon certains théologiens, la source d'inspiration de ce droit constitutionnel, au risque de le rendre intouchable et ce, au grand dam des démocrates. Une telle situation a instruit un concept passionnel autour du droit constitutionnel et a renforcé la sacralité de la religion. Du coup, un discours serein sur la relation entre le droit constitutionnel et le phénomène religieux, paraissait du domaine de l'utopie. Chaque camp en cherche la suprématie. Donc, il était clair que la réunion des deux attitudes ne serait pas facile. Les difficultés apparentes d'une telle entreprise n'ont pas fait peur à l'Association Tunisienne de Droit Constitutionnel « ATDC » qui a minutieusement préparé cette rencontre et lui a offert les moyens de sa réussite. Le président de l'ATDC, Farhat Horchani et les membres du comité d'organisation : Salwa Hamrouni, Ghazi Gherairi, Salsabil Klibi et Chawki Gaddes ont travaillé d'arrache-pied, durant plus qu'une année, pour concevoir et mettre sur pieds un programme ambitieux pour que le colloque « Droit, Pouvoir, Religion » traduise un véritable regard croisé du Maghreb et de l'Europe sur ces thématiques d'actualité.
Transcender les susceptibilités L' ATDC s'est complètement investie pour réussir le pari d'un dialogue lucide sur la relation entre le droit constitutionnel et le phénomène religieux en dépit des susceptibilités soulevées par cette problématique. L'ATDC a dédié ce colloque à la réflexion sur ces questions et elle a réuni juristes, politologues, sociologues, théologiens et historiens de divers horizons pour discuter de la question en bénéficiant des avantages de l'interdisciplinarité et de l'objectivité, requises pour réussir un tel débat. L'une des attractions majeures de ce colloque est le large éventail des intervenants. Les organisateurs ne pouvaient pas échapper à une telle alternative tellement les cas intéressants sont nombreux et suscitent des commentaires enrichissants. On ne pouvait pas bien-sûr passer aux côtés de ce qui se passe en Palestine ou au Liban. Les deux pays présentent des cas atypiques de multi-confessionnalisme. Le Professeur Lara Karam Bostany s'est intéressée à la question dans sa contribution intitulée « constitution et multi-confessionnalisme ». De son côté, le Professeur Eric Chaumont, chargé de recherche au centre français d'Al Qods, a puisé dans « les origines du droit constitutionnel musulman ». Le côté des spécificités locales et régionales l'emporte, aussi, dans les interventions de Federico Battera, professeur à l'université de Trieste sur « le pouvoir politique et la légitimité religieuse : étude comparée des cas de l'Afghanistan et de la Somalie » et, également, dans celle portant sur « le rôle de la religion dans la politique contemporaine américaine : du séculaire au politique » du Professeur de religion et de philosophie à l'université américaine « Lebanon Valley College », le professeur Jeffrey W. Robbins. Sous le même angle, le professeur algérien, Messaoud Mentri, est parti de quelques développements jurisprudentiels récents pour évaluer l'application du principe constitutionnel de la liberté de religion en droit algérien.
Etat et religion Plusieurs interventions se sont intéressées à la relation entre l'Etat et la religion : « rôle de la religion dans la construction de l'Etat moderne » (Hartmut Behr), « statut et fonction de la religion dans l'Etat » (Pascal Jan et Jean Duffar), « neutralité des autorités publiques et religion » (Alejandro Torres Gutierrez), « fait religieux et nation » (Marie-Thérèse Urvoy). D'autres interventions ont porté sur des thèmes plus spécifiques dans la relation compliquée entre le droit, le pouvoir et la religion, comme « le fondement du pouvoir dans les discours de l'Islam » (Zied Krichen), « pour une critique de la raison juridique dans la pensée islamique » (Mohamed Haddad), « liberté de conscience ou de conviction » (Abdelfattah Amor), « pouvoir, sacré et tradition » (Hamadi Redissi) ou, encore, « topographies de la liberté religieuse » (Salsabil Klibi). Cette richesse des thèmes traités dénote, comme l'a souligné le Dr Jürgen Theres, le délégué régional-Maghreb de la fondation allemande Hanns Seidel, d'une volonté de mieux « comprendre les relations entre religion et constitution qui sont complexes et tendues et, parfois même, source des violences les plus extrêmes. L'objet du colloque, c'est d'étudier cette relation de manière sereine». L'étendue des contributions va sûrement rendre difficiles les tâches des présidents de cinq séances du colloque. Les professeurs, Taïeb Baccouche, Amel Aouij Mrad, Abdelfattah Amor, Mustapha Ben Letaief et Fadhel Moussa, ont à faire preuve de beaucoup de doigté pour contenir les « assauts » des intervenants tellement le débat était riche. Tous les participants voulaient y participer. Encore plus difficile sera la tâche du Professeur Sadok Belaïd pour rédiger son rapport de synthèse sans omettre d'évaluer l'une des problématiques posées. Mourad SELLAMI
Le Professeur Yadh Ben Achour : - Le monde de la politique et de la religion ne doivent pas être confondus- Le rapport introductif du colloque a été présenté par le Professeur Yadh Ben Achour, ancien doyen et membre de l'Institut de Droit International. Le Professeur Ben Achour a, d'abord, analysé le rapport entre la religion et le pouvoir en se référant à des exemples de l'histoire dans les mondes, musulman, chrétien et judaïque. Il a, ensuite, procédé à l'analyse de la relation entre la religion et le droit pour clôturer par l'analyse des effets de l'intrusion de la modernité sur ces diverses relations. Ces paroles de l'ancien Doyen Yadh Ben Achour peuvent synthétiser son rapport : « le monde de la politique et de la religion ne doivent pas être confondus parce qu'ils ne reposent pas sur les mêmes objectifs, ni sur les mêmes causes. La politisation de la religion ou la sacralisation du politique constituent la face et le revers d'un même vice, celui de l'autoritarisme et de l'hégémonie. La religion appartient à la conscience purement intérieure, sans implication juridique ou politique. La sphère du pouvoir et du droit appartient au monde politique, sans implication religieuse.