Les indicateurs du « malaise des jeunes » viennent d'être publiés par « Le Monde ». Si au Danemark, 60% des jeunes ont foi en un avenir prometteur, ils sont 54% aux Etats-Unis, 49% en Suède (là où l'on se suicide par ennui), 36% en Allemagne et - près de chez nous - à peine 26%, en France. Force est de constater que dans les Démocraties Occidentales et même en Chine, (42%) - pourtant, pays de la croissance par excellence -, la politique de la jeunesse est en train de faillir. Woodstock, Mai 68, la libération sexuelle, la révolte contre les politiques, le retour d'un Guevarisme plutôt ringard : rien ne semble plus mobiliser les jeunes sans modèles et sans avenir. Ils vivent désormais dans cette névrose que concocte en leur honneur une société bien-pensante et dominée par des politiques ayant oublié d'avoir été jeunes et des financiers et des économistes mécaniques et cyniques. Face au déchaînement dément de cet adolescent allemand de 17 ans qui abat quinze personnes dont neuf collégiens et lorsqu'on se remémore des horreurs similaires provoquées par un autre jeune élève allemand de 19 ans, en 2002, et puis celles de 2006 (toujours en Allemagne) et encore celles de 2007 et 2008, dans des lycées finlandais, on est en droit de s'inquiéter pour l'avenir de l'école, partout dans le monde. En l'absence de mobiles qui ne seront certainement jamais identifiés, non seulement on est loin de la rationalité lente, tranquille et saccadée de l'Inspecteur Derrick, mais c'est l'école qui s'accommode de la violence, qui se résigne et qui s'assume comme épicentre des dérives juvéniles et dans des pays où la possession d'une arme est constitutionnellement garantie, elle s'assume comme épicentre d'une nouvelle criminalité sans sommation. En fait, comme l'écrit le sociologue français Olivier Galland, dans un livre à paraître en avril prochain, partout « le pacte républicain entre l'école et la nation est rompu ». Jadis, ciment des espérances des jeunes, l'école leur fait, aujourd'hui, subir le syndrome du classement scolaire qui est, selon lui, « à la base de l'élitisme républicain, la vision dichotomique de la réussite qui sépare les vainqueurs et les vaincus de la sélection scolaire ». Si les écoles sont transformées en champs de massacre par ceux qu'elles ont rejetés ou désintégrés de l'échelle des performances, cela veut dire qu'elles assument seules, aujourd'hui, les contrecoups d'une époque générant une jeunesse schizophrène - qu'elle soit riche ou pauvre - parce que cette jeunesse est privée de ses valeurs premières et des liens familiaux, reflet d'une société déstructurée et individualiste. On ne saurait s'expliquer, toutefois, que des jeunes puissent aussi facilement disposer d'armes sophistiquées, qu'un tout puissant amendement américain garantissant le droit au port d'armes, reste « intouchable », que les autorités allemandes soient encore laxistes - malgré la violence qui vient de l'Est - ou que les Finlandais renvoient aux calendes grecques la révision de la loi sur la détention des armes. Ce n'est pas la loi du talion. Ce n'est pas la loi de la jungle. Les avatars des sociétés évoluées mais déréglées relèvent aussi d'un phénomène d'identification. En cette époque de banalisation des reportages de guerre, d'invincibilité des « Rambo », d'illumination des kamikazes, « d'invincibilité de Tsahal », un criminel fou a des repères, faute de mobiles. La mondialisation de l'image, celle-là même qui en fait une bombe à retardement, se chargera de lui en fournir. Sauf que si l'on ne repense pas l'école de fond en comble, et du Nord au Sud, ce siècle consacrera la pire fracture sociale qu'aura jamais à connaître l'Humanité.