En Tunisie, plus de 150 000 articles contrefaits sont saisis chaque année : lames de rasoir, briquets, stylos à bille, parfums, chaussures, produits électroniques, piles, produits cosmétiques et habillement .... Selon la direction générale de la concurrence et des recherches économiques, les produits contrefaits représentent 60% des produits présents sur le marché dont environ 80% sont, sans aucun doute, fabriqués en Chine. Les produits contrefaisants sont dangereux. Au mieux, un faux médicament ne soigne pas, au pis il aggrave le mal. Des jouets dangereux mettent les enfants en péril. Les faux cosmétiques ignorent les allergies ; les lunettes de soleil ne filtrent rien ; enfin, les fausses pièces de rechange nuisent aux automobiles et en font une menace pour les piétons. La contrefaçon, c'est tout cela... et encore, elle pénalise l'innovation et compromet la sécurité du consommateur. La Tunisie n'est nullement en reste, et à l'égal de bien d'autres pays, probablement tous les pays de la planète, elle paie un lourd tribut à ce phénomène qui, tel un rouleau compresseur, balaie tout sur son passage : emplois, recettes fiscales, santé du consommateur, sécurité de l'utilisateur lambda et surtout un fléau pour l'économie. M.Chokri Mamoghli, secrétaire d'Etat, chargé du commerce extérieur a affirmé, lors d'une journée d'information, organisée sur le thème « la propriété intellectuelle et la contrefaçon », que l'ingéniosité humaine, constitue de nos jours, la meilleure solution pour conférer plus de valeur ajoutée à la production nationale, ajoutant que plusieurs pays émergents ont jeté les bases d'une industrie culturelle, économe en matières premières, fondée, essentiellement, sur l'ingéniosité humaine. Pour lutter contre la contrefaçon, la Tunisie a renforcé sa législation par l'amendement, en juillet 2007, d'une loi datant de 2001 qui double la sanction minimum aux infractions de contrefaçon, la portant à 10 000 dinars, contre 5 000 dinars auparavant, et a introduit des peines allant de un mois à six mois de prison. Elle donne aussi des prérogatives plus larges aux agents de la douane pour le repérage et la saisie des produits contrefaits aux points de transit frontalier. Deux autres législations ont été promulguées : la loi 23 décembre 2007 et la loi du 27 décembre 2007, relative aux appellations d'origine, indications géographiques et indications de provenance des produits d'artisanat. La Tunisie a signé, en octobre 2008, aux côtés de 8 pays ( la France , le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la Roumanie , la Bulgarie , la Turquie et Monaco), un accord de lutte contre la contrefaçon, L'accord, conclu, sous la houlette de l'Association mondiale Taxe-Free (TFWA), a pour objectif d'endiguer les 700 milliards Usd de pertes, à cause de la contrefaçon des produits de l'industrie de luxe signée. Les 9 signataires, se sont engagés à prendre les mesures pour arrêter ce fléau mondial. La révision du code de la douane, en juin 2008, a , aussi, abordé la question relative à la contrefaçon, avec la création d'un conseil national de lutte comme la contrefaçon et d'une cellule centrale spécialisée dans ce domaine
L'ODC grand absent Le conseil national de lutte contre la contrefaçon, objet d'un décret promulgué le 16 février 2009, est nouvelle instance relevant du ministère du Commerce. Il a pour mission d'émettre son avis sur les programmes nationaux de lutte contre la contrefaçon, de coordonner entre les différents administrations et organismes concernés lors de la mise en place de stratégies en matière de contrôle, d'information, de sensibilisation et de coopération régionale et internationale. Cette institution est chargée, aussi, d'examiner périodiquement les différentes questions concernant le phénomène de la contrefaçon au plan national et extérieur et de soumettre toute proposition pour y faire face. Le Conseil est composé de représentants des départements de l'Intérieur et du Développement local, Santé, Finances (Direction générale des douanes), Industrie, Energie et des PME (Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle), Commerce et Artisanat (Institut national de la consommation), et des Technologies de la communication, Culture et Sauvegarde du patrimoine (organisme tunisien de protection des droits d'auteurs) et de la centrale patronale (UTICA). A la grande surprise, l' Organisation de Défense du consommateur (ODC) n'est pas représentée à ce conseil. La contrefaçon serait a priori une grosse affaire pour qu'elle s'en mêle. Contacté, M.Habib Lâajimi, vice-président de l'Organisation de défense du Consommateur, a tenté de relativiser : « Il n'y a aucune raison pour que l'ODC ne soit pas représentée dans ce conseil, d'autant plus que l'Organisation est fortement impliquée dans la lutte contre la contrefaçon », ajoutant que la contrefaçon est un phénomène qui n'est pas tunisien mais qui sévit dans plusieurs pays.
...Et la convention de Madrid La contrefaçon est un fléau qui agace tant les industriels que les autorités économiques et le consommateur. Certes différentes lois ont été promulguées pour protéger la propriété intellectuelle et industrielle des violations commises par les contrefaiteurs, mais leur application dans le temps n'est pas aussi évidente. «L'industriel qui attaque en justice des contrefacteurs doit attendre des années pour qu'on émette un jugement en sa faveur, et pendant toute cette période, le produit contrefait continue à être vendu sur le marché», a précisé maître Farhat Toumi, lors de la même rencontre. Un autre problème a été également évoqué par maître Toumi. Il s'agit de l'enregistrement des marques qui garantit le droit de l'industriel. «Le nom de la marque devrait absolument se distinguer du nom commercial de la société. C'est ce qu'on appelle une marque forte au contraire de la marque faible qui correspond ou se rapproche trop du nom de la société. Malheureusement, c'est une pratique moins répandue en Tunisie» a-t-il expliqué. Notons également que la Tunisie n'a pas ratifié la convention de Madrid relative à l'enregistrement international. Ce qui fait que l'industriel ne bénéficie pas de ses avantages, «surtout s'il voudrait enregistrer sa marque en dehors de la Tunisie », a affirmé maître Toumi. L'identification des produits contrefaits n'est pas tout à fait évidente. Une industrie de la contrefaçon est en train d'évoluer à travers le monde, présentant une bonne qualité et répondant même aux normes internationales et qu'on en trouve sur les sites Internet marchands. Une menace pour le marché réel qui souffre beaucoup de ces pratiques déloyales. «Il est important, à cette étape cruciale, de former des experts qui seront capables d'identifier les produits contrefaits quel que soit leur degré de précision», a déclaré M. Khalifa Tounakti, directeur général du contrôle économique.