C'est une visite plutôt rare en Tunisie. Depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, c'est seulement la deuxième fois qu'un bateau de la marine américaine fait escale, pour une semaine, au port de La Goulette. Le navire militaire le « Sullivans » s'est toutefois arrêté à huit kilomètres des côtes puisque les eaux ne sont pas assez profondes ! Et pour s'y rendre et le voir, il fallait avoir le cœur solide. Parlez-en à une douzaine d'étudiants tunisiens qui ont vécu toute une aventure en pleine mer. Jeudi après-midi, l'ambassade américaine en Tunisie les avait invités à visiter le fameux « destroyer » c'est-à-dire un porteur de missiles. Avant le départ, tout le monde était excité à l'idée de rencontrer les membres de l'équipage du navire. Les étudiants s'étaient habillés chaudement avec leurs manteaux de pluie et leurs foulards. « Le trajet devrait durer environ une demi-heure », lance le commandant américain de l'ambassade Dan Laffertey. Alors tout le monde à bord !
Les étudiants sont montés avec visiblement beaucoup de plaisir sur le bateau tunisien chargé de les amener au « Sullivans. » Ces jeunes dans la vingtaine étudient, pour la plupart, en études anglaises, en relations internationales ou en civilisation américaine. Ce petit périple en mer était donc l'occasion, pour eux, d'en apprendre davantage sur la plus puissante marine de la planète et en même temps de pratiquer leur anglais ! Sur le bateau, le commandant Laffertey et un soldat de l'armée de terre se sont fait un plaisir de répondre à toutes leurs questions sur l'armée américaine. Comment les marins sont recrutés ? Combien de temps dure leur mission en mer ? S'ils peuvent appeler leur famille ? S'ils risquent d'être envoyés en Irak ? Et pourquoi ils sont actuellement en Méditerranée ?
L'équipage du « Sullivans » devrait passer six mois dans la mer Méditerranée avant de se diriger vers la mer Noire. Les 270 marins à bord, qui ont en moyenne entre 19-20 ans, effectuent des exercices militaires et de sauvetage. Ils peuvent passer des semaines sans jamais voir la terre ferme. C'est pour cette raison, que la marine effectue des escales dans certains ports comme celui de La Goulette. Le navire peut se ravitailler pendant que les soldats se dégourdissent les jambes et découvrent de nouveaux pays. « C'est aussi l'occasion de créer des contacts entre les jeunes américains et tunisiens pour briser les perceptions et les préjugés de chacun », indique Matthew Long, l'un des officiers de presse de l'ambassade américaine en Tunisie.
Cette rencontre tant attendue n'aura malheureusement pas eu lieu. Après avoir navigué pendant une heure et non une demi-heure, le vent s'est levé, la mer est devenue agitée et tout le monde a commencé à virer au vert. Le « Sullivans » n'était pourtant qu'à quelques mètres. Les matelots tunisiens ont essayé tant bien de mal de fixer le bateau proche du navire de guerre, mais sans succès. Les vagues étaient trop fortes. Impossible de jeter les bouées à la mer, il faut faire demi-tour ! Sur le bateau, c'est la déception générale. Les étudiants regardent au loin le navire militaire long de plus de 150 mètres, d'une vingtaine de mètres de largeur, capable de transporter 7 000 tonnes métriques dont une vingtaine de missiles de mer, d'air et de terre. Quelques marins étaient même sur le bastingage près à les accueillir. Certains leur ont fait un petit signe de la main. « Dès que je j'ai vu le drapeau, c'est fou, j'ai vraiment senti la puissance américaine. J'aurais vraiment aimé rencontrer les marines », tient à dire Gara Nesrine. « Moi aussi, je tenais à voir ce navire. J'ai beaucoup lu sur l'histoire du Sullivans qui est chargé en quelque sorte de maintenir la paix dans les mers », mentionne pour sa part Mohammed Rahali.
La visite n'a peut-être pas été possible, mais l'aventure était loin d'être finie pour ces étudiants. Comme à l'aller, il fallait compter une autre heure pour le retour. Un voyage pour le moins éprouvant. L'humidité leur traversait tout simplement les os. Leurs chaussettes étaient mouillées. Avec le mauvais temps, le bateau tanguait de chaque côté. Certains étudiants ont eu le mal de mer, d'autres se tenaient la tête à deux mains de peur d'être malade. Les plus résistants ont pu garder leur équilibre et discuter encore un peu avec les militaires. « Ce voyage nous permet quand même de saisir la réalité des marins. Ce n'est pas comme dans les films américains. Vivre sur un bateau, ça doit être vraiment difficile. On s'en rend compte maintenant », note Amel Bahlouli. « Il y a beaucoup de Tunisiens qui ont une mauvaise image des Américains. Mais moi, je crois que ce genres d'expériences nous permet de mieux comprendre les cultures et d'oublier les problèmes politiques. C'est sûr que les Etats-Unis sont impliqués dans des conflits, mais est-ce pour autant une raison de les rejeter ? », se demande-t-elle finalement.