La scène a eu lieu jeudi dernier dans une station de bus de Tunis mais elle est quotidienne à cet arrêt précis : un agent de la Transtu au physique de catcheur contrôlait les billets d'une étrange manière devant la porte arrière des véhicules. Le gaillard obstruait avec son énorme corps une bonne partie de l'entrée et ne laissait aux passagers que quelques centimètres carrés pour monter. Nous vous laissons imaginer la bousculade que cette méthode anti-resquille, unique au monde, avait engendrée dans une station qui, chaque jour à cette heure matinale, est prise d'assaut par des centaines d'élèves, d'étudiants, d'ouvriers et de fonctionnaires, tous plus pressés les uns que les autres. Il y a donc beaucoup à redire sur cette pratique peu civique pour contrôler les passagers du bus ; mais le plus offensant dans l'affaire, c'est qu'en plus, le " catcheur " placé à la porte du bus s'y prenait avec rudesse et discourtoisie. Un voyageur lui ayant fait remarquer, très poliment du reste, que sa méthode manquait de délicatesse, notre fonctionnaire se mit dans tous ses états et proféra quelques propos désobligeants à l'adresse de son interlocuteur qui ne se laissa pas faire, et cela faillit dégénérer par la suite.
Méthodes peu orthodoxes Nous rapportons cet " incident " pour aborder un étrange phénomène qui, malheureusement, fait des ravages dans notre pays : l'abus de pouvoir des subalternes ! En effet, les plus à craindre dans nos sociétés et nos administrations, ce sont les moins gradés. Non seulement ces agents des secteurs public et privé s'illustrent par leur excès de zèle, la lenteur de leurs services, leurs méthodes peu orthodoxes, le mépris du citoyen, leur vocabulaire inconvenant et leur mauvais accueil, mais ils se permettent d'accomplir des tâches qui ne relèvent pas de leurs prérogatives et le font avec l'assurance de ceux qui en ont la compétence et le droit. Nous sommes certains dans le cas du contrôleur-catcheur que ses chefs ne lui ont pas tout permis dans l'accomplissement de sa fonction. Seulement, le contrôleur de bus se prend chez nous pour un agent de police et croit même parfois être engagé dans une guerre anti-terroriste. Autrement, pourquoi traiter les passagers comme s'ils étaient tous des fraudeurs ? Pourquoi faire passer ces derniers par trois contrôles successifs : nous avons oublié de vous dire qu'on prend son ticket dans un guichet situé à deux mètres de la station, ensuite on le montre avant de monter mais à l'intérieur du bus, le convoyeur peut vous le demander à son tour ! La pratique est, nous vous le disions, systématique et quotidienne, à croire que cette station-là est devenue notre Rafah tunisien ! Mais le cas de la Transtu est moins inquiétant que d'autres !
Je fais ce que je veux Que pensez-vous de cet infirmier apparemment sur la retraite et qui donne l'air à tous les patients de son bloc qu'il y fait la loi ! L'autre jour, nous nous sommes rendus très tôt dans son service et avons pu être classés quatrièmes sur la liste des consultations. Forts du petit carton qui nous fut délivré et qui portait ce numéro, nous étions rassurés quant à notre priorité sur les malades suivants. Or, voilà que notre futur retraité commence à faire passer les patients sans respecter l'ordre des enregistrements. Certains visiteurs n'avaient même pas de numéro ! Nous osâmes le lui signaler et demandâmes à être auscultés par le médecin du service. Que nous répondit-il ? " Il n'est pas encore arrivé ! ". Lorsqu'il constata notre incrédulité, il nous poussa vers la porte et demanda le secours des agents du gardiennage. En même temps, il laissait passer de nouveaux privilégiés. Devant notre insistance à voir le docteur, il jura que notre dossier ne passerait que lorsqu'il en déciderait lui-même et demanda tout de suite après à sa jeune collègue de ne faire entrer personne sans sa permission tout en nous intimant l'ordre de quitter le hall où il réceptionnait les dossiers des malades!
L'agent têtu Que doit-on, par ailleurs, penser de cet agent municipal chargé de délivrer les permis de construire et sur qui personne sur les lieux ne semble avoir d'ascendant ! Un honorable citoyen eut un jour affaire à lui et après avoir remis à son intention un dossier contenant les documents exigés, il attendit sa réponse qui devait lui parvenir en principe 15 jours plus tard. Passé ce délai, il patienta deux autres semaines puis le recontacta en personne. " Il manque des documents à votre dossier !", lui répondit le fonctionnaire ; le citoyen promit alors de les fournir le plus tôt possible. Mais il apprit deux jours après par un juriste connaisseur que le dossier remis initialement suffisait largement pour l'obtention de l'autorisation de construire. Alors, il revint voir l'agent de la municipalité qui refusa d'entendre ses nouveaux arguments, l'accusant même de contrevenir aux règlements en vigueur et le prévenant contre les poursuites qu'il pourrait encourir. Pour abréger la procédure qui risquait de prendre des mois, le client recourut finalement à l'intervention d'amis influents qui eurent beaucoup de peine à convaincre le fonctionnaire de la validité du dossier rejeté.
Folie des grandeurs Nous connaissons un autre agent administratif de cette trempe, sauf qu'il est moins bien placé. En termes concrets, son travail ne consiste qu'à tamponner des pièces délivrées par ses supérieurs et qu'il s'agit de remettre ensuite aux citoyens demandeurs. Il faut voir cet employé à l'œuvre pour mesurer son complexe (d'infériorité ou de supériorité, on ne sait !) qui lui donne cet air altier du châtelain traitant avec ses domestiques. Quand il arrive dans son box (parce que ce n'est même pas un bureau), et sans répondre aux " bonjour " de ses collègues ni à ceux des citoyens qui l'attendent, il suit un rituel sacré qui prend un bon quart d'heure : il lui faut d'abord enlever, selon les saisons, la veste ou le manteau et les accrocher soigneusement à la porte ; ensuite, il arrange le plus lentement du monde sa chaise et sa table. Une fois assis, il sort de chaque tiroir, toujours au ralenti, un ou plusieurs accessoires qu'il nettoie, vérifie, place et replace, ouvre et referme. Après ce manège, il ouvre un énorme registre et un carnet de reçus et au moment où tous ses clients croient qu'il va leur ouvrir le guichet, le monsieur disparaît de la place pour rapporter son " direct " du café voisin. Le plus souvent, il lui faut une demi-heure au moins pour commencer à servir son monde. Et c'est là qu'il donne la meilleure expression de sa folie des grandeurs : intimidations à répétition, sarcasmes, répliques insolentes, attitudes dédaigneuses, sorties inopinées et pauses injustifiées. Renseignement pris, cet agent est un employé temporaire qui a pris la place d'un autre fonctionnaire aux manières encore plus maniaques et plus hautaines !