Le Temps-Agences - La police anti-émeute a réprimé à la matraque, au canon à eau et au gaz lacrymogène des milliers de manifestants qui bravaient hier à Téhéran l'interdiction de protester contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, au 8ème jour du bras de fer entre le pouvoir et l'opposition. Un témoin a fait état d'au moins un blessé par balle, un homme touché à l'épaule, et de tirs qui se poursuivaient. Par ailleurs, un "terroriste" a fait détoner la bombe qu'il transportait au mausolée de l'imam Khomeiny, père de la révolution islamique, à Téhéran, blessant un pèlerin, a déclaré le chef-adjoint de la police cités par des médias locaux. La contestation populaire, sans précédent depuis la révolution islamique de 1979, s'est poursuivie hier bien que les autorités eurent averti qu'elles "réprimeraient fermement" toutes les manifestations au lendemain de l'appel du guide suprême Ali Khamenei à y mettre fin. Dans l'après-midi, la police anti-émeute affrontait des milliers de manifestants qui tentaient d'atteindre la place Enqelab dans le centre de Téhéran où était prévue la manifestation, selon des témoins. "La police interdit aux gens d'approcher" de la place Enqelab et "bloque les gens sur les trottoirs, les pousse sur la chaussée et les frappe", a dit un témoin. Un autre témoin a indiqué qu'un à deux milliers de manifestants se trouvaient devant l'Université de Téhéran, près de là, "et la police utilise des canons à eau et des gaz lacrymogènes" pour les disperser. Selon un troisième témoin, des milliers d'autres manifestants se trouvaient près de la place Azadi, à environ quatre km de la place Enqelab. Les manifestants se rassemblaient en groupes généralement silencieux, selon ce témoin. Mais on entendait des slogans comme "Mort au dictateur", en référence à M. Ahmadinejad, un ultraconservateur. Les médias étrangers ont interdiction de couvrir sur place les évènements. La régularité de la victoire de M. Ahmadinejad à la présidentielle du 12 juin est contestée par les autres candidats, notamment son principal adversaire Mir Hossein Moussavi, le chef du mouvement de contestation qui réclame l'annulation du scrutin et une nouvelle élection. Une partie des organisateurs avait dit renoncer à la marche de Téhéran en raison de son interdiction mais M. Moussavi, un conservateur modéré, n'a pas donné de consigne malgré l'annonce d'une importante adresse au peuple iranien qui avait été prévue dans l'après-midi. Vendredi, l'ayatollah Khamenei avait mis l'opposition devant le choix d'accepter la réélection de M. Ahmadinejad ou de risquer l'épreuve de force si elle continuait à manifester pour un nouveau scrutin. "Le bras de fer dans la rue est une erreur, je veux qu'il y soit mis fin", a lancé la plus haute autorité de l'Etat, avertissant qu'il "ne cèdera pas à la rue". Il a fait porter la responsabilité de tout dérapage sur les dirigeants de l'opposition. "Les responsables politiques qui ont une influence sur le peuple devraient faire très attention à leur comportement (...) ils seront responsables pour le sang, la violence et le chaos". Hier, le ministère de l'Intérieur a souligné qu'"aucune autorisation" n'avait été délivrée pour des manifestations, alors que la police a averti qu'elle agirait "avec détermination contre toute protestation illégale". Le chef de la police, Ahmadi Moghadam, a en particulier averti par lettre M. Moussavi que toute manifestation serait "fermement réprimée". Depuis l'annonce le 13 juin de la victoire de M. Ahmadinejad, les partisans de M. Moussavi ont organisé d'imposantes manifestations quasi quotidiennes principalement à Téhéran, dont l'une avait dégénéré lundi avec la mort, selon une radio officielle, de sept manifestants. Amnesty International a indiqué que "jusqu'à 10 personnes" avaient été tuées lors des manifestations. Deux des trois perdants du scrutin, M. Moussavi et le réformateur Mehdi Karoubi, ont boycotté une réunion prévue avec le Conseil des gardiens, chargé de valider le scrutin et d'examiner leurs plaintes. M. Khamenei avait balayé tout espoir que le Conseil trouve grand-chose à redire dans le scrutin. Le Conseil s'est dit hier prêt à recompter les voix dans 10% des urnes prises "au hasard". La mise en garde de M. Khamenei a provoqué l'inquiétude des Occidentaux. A Washington, le président Barack Obama a averti que "le monde observe" le comportement de l'Iran dans la crise. Et l'Union européenne a appelé les autorités "à s'abstenir de recourir à la force contre les manifestations pacifiques".