Encore une fois, le taux de réussite des filles au baccalauréat dépasse celui des garçons. Rien que pour la session principale du baccalauréat 2009, parmi les candidats admis 58,32 % sont des filles contre 41,68 % de garçons ; ce taux de réussite chez les filles augmentera sans doute lors de la proclamation des résultats de la session de contrôle. Même au niveau des lauréats, on compte cinq filles lauréates (lettres, mathématiques, sciences expérimentales, économie gestion et section sport) et seulement deux garçons lauréats (sciences techniques et sciences informatiques). C'est devenu depuis quelques années une réalité incontestable chez nous. Ce constat n'est plus ni surprenant ni affligeant et ne pourrait être que la conséquence logique de la démocratisation de l'enseignement dans notre pays qui fait que les filles ont les mêmes chances de s'instruire, d'atteindre des niveaux instructifs très élevés leur permettant d'accéder d'éminents postes tout comme les garçons sans aucune distinction. Cette primauté de la fille dans les études devient un phénomène qui se fait de plus en plus sentir même dans d'autres pays européens et arabes. Une étude statistique réalisée par l'UNESCO dans 19 pays arabes, portant sur l'année scolaire 1999/2000, révèle que les filles, une fois à l'école, ont moins tendance à redoubler que les garçons, et dans la majorité des cas, elles parviennent au bout de leur cursus, dans le primaire comme dans le secondaire. Ainsi, révèle le rapport, seulement 6% des filles ont redoublé leur année contre 9% des garçons. En Algérie par exemple, dans le secondaire, 31% des garçons étaient redoublants contre 24% des filles. En Tunisie, c'était 20 % des garçons et 17% des filles, et, en Arabie saoudite, 12% des garçons et seulement 6% des filles.
Syndrome Demandez à un instituteur d'école ou à un professeur de collège ou de lycée leur opinion sur le degré d'application et d'assiduité chez les élèves, ils vous diront que les filles sont plus studieuses et plus disciplinées en classe que les garçons. La tradition dans la plupart des familles tunisiennes accordent beaucoup plus d'intérêt aux garçons qu'aux filles. De là, on leur met en tête dès leur jeune âge qu'ils doivent étudier pour devenir " hommes " capables d'assumer leurs responsabilités une fois devenus grands, en leur insinuant que sans études et sans diplôme, ils ne seront que bons à rien dans la vie, ils ne trouveront pas de travail, ils ne se marieront pas et ils seront incapables de mener une vie décente. A force de subir les mêmes pressions à travers toutes les étapes de sa scolarité, le garçon finit par se fatiguer, s'ennuyer et lâcher prise. La réussite scolaire devient pour lui une obligation, voire un lourd fardeau qu'il doit supporter. Or, pour la fille, il n'en est pas de même. L'enseignement n'est pas une contrainte, mais plutôt un plaisir, une occupation qui se transforme en ambition, en défi. C'est aussi une opportunité à saisir pour s'imposer au sein de la famille et prouver son égalité avec les garçons. Elle va donc redoubler d'efforts pour réaliser les meilleures performances et obtenir d'excellents résultats ; car elle sait que, si elle échoue, elle devra rester à la maison. Et, c'est ainsi qu'elles s'accrochent à l'école et aux études en réalisant les meilleurs scores tout au long de leur cursus scolaire. Pour les filles, à la différence des garçons, l'école n'est pas vécue comme une punition, une contrainte, mais plutôt comme un loisir, un acquis sur lequel elle doit veiller. Hichem, professeur confirme cette idée en déclarant : " il n'y a aucun doute que les filles soient plus appliquées que les garçons. Dans mes classes, il n'y a que les filles qui apportent leurs affaires, alors que les garçons viennent avec un seul cahier où ils inscrivent tous les cours ! Les filles prennent soin de leurs livres et de leurs cahiers, apprennent leurs leçons et font leurs devoirs de maison. C'est normal qu'elles obtiennent de bonnes notes. Et puis elles sont disciplinées, elles ne s'absentent que rarement, alors que les garçons sèchent souvent les cours. A la fin de chaque année, ce sont les filles qui récoltent les meilleurs prix ! " D'autre part, cette supériorité dans les études remarquée chez les filles pourrait, selon certains spécialistes en éducation, être due à la mixité dans nos écoles. En effet, cette cohabitation entre filles et garçons commence dès la prime enfance, du matin au soir, depuis le jardin d'enfants jusqu'à la faculté en passant par le primaire, le collège et le secondaire. Ce contact permanent a fait que la fille se considère tout comme un garçon et se sent aussi responsable de son avenir, d'où cette concurrence qui s'établit entre les deux sexes en les poussant à réaliser des prouesses. C'est l'opinion de M. Mongi, éducateur : " Sans doute, la mixité y est pour quelque chose. L'égalité entre l'homme et la femme en Tunisie s'exerce quotidiennement dans nos écoles où filles et garçons coexistent côte à côte depuis leur enfance et sont par ce fait conscients de leurs droits et de leurs devoirs et se respectent mutuellement. Ce sentiment d'égalité entre les deux sexes a détruit ainsi tous les obstacles et toutes les idées préconçues qui classent traditionnellement les filles en " sexe faible " et les garçons en " sexe fort ". Ce classement n'a plus de raison d'être : les filles prouvent chaque année qu'elles sont capables de faire autant que les garçons et peut-être mieux en matière de résultats scolaires. Et puis, dans les familles tunisiennes modernes, les filles sont éduquées sur un pied d'égalité avec les garçons et actuellement certains parents comptent sur leurs filles plus que leurs enfants mâles ! C'est peut-être paradoxal aux yeux de certains, mais c'est une réalité !"
Un défi face à la toute-puissance du mâle De même, cette tendance à défier les garçons se manifeste dans le choix effectué par les filles en matière d'orientation scolaire. Depuis quelques années, les filles s'y trouvent partout ; elles sont présentes dans toutes les filières, mêmes celles destinées traditionnellement aux garçons. C'est la remarque qui nous a été faite par M. Meddeb, un prof à la retraite : " vingt ans avant, garçons et filles avaient un parcours scolaire très différents. Ils ne faisaient pas les mêmes choix d'orientation : au secondaire et au supérieur, les filles étaient surreprésentées dans les filières littéraires. Alors que les filières techniques, scientifiques et industrielles et les écoles d'ingénieurs étaient destinées aux garçons. Aujourd'hui, les filles sont partout, dans toutes les filières, même celles relatives à l'agriculture et au commerce. L'expérience a montré que le taux de réussite au supérieur est nettement meilleur que celui des garçons ! Même à l'examen de bac, chaque année, le nombre de filles admises supplante celui des garçons. Ce phénomène n'est pas propre à la Tunisie, mais il existe dans plusieurs pays du monde. " En effet, l'excellence des filles dans les études est devenue une réalité quasi universelle. En France, pour ne citer qu'un seul exemple, des statistiques réalisées en 2005 font paraître que " les filles réussissent mieux scolairement que les garçons et ce, quel que soit le niveau d'enseignement et quelle que soit la filière ou la discipline considérée. En 2004, 68% d'une génération de filles obtiennent le baccalauréat contre 56% de garçons. L'objectif de 80% d'accès au niveau du baccalauréat est ainsi presque atteint par les filles avec un taux de 76% contre 64%pour les garçons. Enfin, l'objectif de 50% d'accès à un diplôme du supérieur est réalisé par les filles puisque cinq filles sur dix sortent du système éducatif diplômées du supérieur contre quatre garçons sur dix. " De tels chiffres sont déjà atteints en Tunisie où les filles sont en passe de battre les garçons à l'école, au lycée, à l'université et dans presque toutes les filières et toutes les matières. Cet écart qui s'élargit d'une année à l'autre, provient-il d'une quelconque différence d'ordre biologique où s'inscrit-il tout simplement dans le cadre des défis que la femme ne cesse de relever pour garantir sa promotion sociale et atteindre des postes et des fonctions jusque-là considérés comme la chasse gardée du sexe masculin ?