Cette grande place, l'un des symboles de la capitale, est agonisante, elle est sur le point de trépasser, de rejoindre ce grand médecin dont elle porte le nom. Toutefois, si le nom de cet illustre scientifique transcende les temps et reste éternel en dépit des vicissitudes de l'histoire, cette place serait enterrée dans les fins fonds de la mémoire collective et ses yeux se fermeraient pour l'éternité si son état s'aggravait, si on continuait à la négliger comme on le fait actuellement. Si jamais vous avez l'opportunité de la visiter, essayez de la parcourir pour constater les dégâts, on dirait des ruines semblables à celles des époques passées telles que les civilisations grecques, romaines, arabes et autres. Le pavé de marbre est en délabre, plusieurs carreaux sont soit brisés soit décollés, les bancs publics se trouvent dans le même état, ils sont en partie délabrés, ce qui fait qu'ils ne sont pas totalement utilisables ; pour vous y asseoir, vous devez choisir un endroit non altéré sinon vous risquez de vous mettre sur votre séant sur du ciment, une position qui est loin d'être confortable, que vous quittez au bout de quelques minutes, car c'est comme si vous étiez assis par terre. Autre chose vis-à-vis de laquelle il faut que vous soyez vigilants c'est la sécurité de vos enfants, vous devez les empêcher de courir, et si vous les laisser faire, ils risquent de trébucher et de se faire mal. Le pavé n'est plus comme jadis, quand il était semblable à un terrain de course où on se donnait du plaisir à organiser des compétitions de vélocité, à glisser, à faire des acrobaties. Le terrain n'est plus propice à de telles aventures, aujourd'hui, s'adonner à de pareils jeux c'est risquer de se blesser, de se casser la figure.
Une désertification méthodique Ca, c'est au niveau du confort et de la sécurité. Pour le tableau esthétique les choses ne sont pas gaies non plus : le gazon ressemble à une végétation de terrains incultes, vous y voyez des touffes par ci par là comme si vous étiez au sahara, les arbres de moins en moins touffus, les fleurs quasiment absentes, on dirait qu'elles sont simplement posées et non pas plantées tellement elles sont fanées. Elles sont loin d'être des éléments décoratifs, elles donnent plutôt l'impression d'être des vestiges d'un passé lointain où on ne négligeait rien même pas l'ortie. Les fontaines, ont perdu elles aussi leur majesté, l'époque où elles animaient la place avec le murmure de l'eau qui se confondait avec le chant des oiseaux et nous fournissait des poèmes symphoniques, cette époque est révolue. Cela s'expliquerait par la pénurie d'eau. Aujourd'hui, elles se sont presque tues, puisque seules quelques-unes d'entre elles sont encore fonctionnelles, elles n'offrent plus cette mélodie envoûtante et ces tableaux magnifiques bien synchronisés. Un silence de mort règne sur la place qui devient comme un cimetière entouré de routes encombrées et ravageuses se préparant à l'éventrer et à déranger la quiétude des morts ensevelis en son sein par le tintamarre des klaxons des voitures qui rôdent autour de lui comme des hyènes.
La méthode de la tortue A cette époque moderne, on préfère le paysage urbain du béton avec des murs élevés cachant toutes les belles choses y compris le soleil qui nous réchauffe avec sa chaleur. Cette modernité nous prive de la belle nature, elle nous asphyxie et nous rétrécit le champ de vision, nous avons mal aux yeux et aux poumons : nous voyons mal et nous respirons mal. Décidément, l'homme contemporain est nostalgique, il veut remonter loin dans l'histoire et retrouver l'âge de la pierre pour rendre hommage à ses aïeux. La place Pasteur connaît le même traitement que d'autres places et parcs comme celui d'à côté, le Belvédère. Cette pratique nous rappelle le comportement de la tortue qui après avoir pondu ses œufs les enterre et s'en va.