Etre mal dans sa peau, perdre l'envie de manger, de sortir et de s'épanouir. Voir tout noir et perdre tout espoir. C'est un comportement et une situation de plus en plus fréquents dans notre société. Les relations humaines qui se compliquent, les problèmes matériaux et sociaux, les problèmes de santé sont parmi les causes qui mènent à la dépression. Parfois, on ne s'en rend même pas compte. On pense que c'est juste une période et que ça va passer, mais c'est le provisoire qui dure. Résultat, même le corps ne répond plus. On est fatigué puis on chute carrément. Ainsi être en bonne santé ne signifie pas seulement l'absence de maladie ou d'infirmité. " La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social " et ce d'après la Constitution de l'OMS.
La Tunisie célèbre aujourd'hui à l'instar de tous les pays du monde, la journée mondiale de la santé mentale. Actuellement, la dépression est l'une des pathologies les plus dépistées et ce, compte tenu du nouveau rythme de notre vie caractérisé par le stress, les pressions et l'accumulation des problèmes de tous les jours. Selon les statistiques de l'Organisation Mondiale de la Santé, on compte 154 millions de personnes à travers le monde souffrant de la dépression. En effet, les troubles psychiques et comportementaux sont devenus assez fréquents dans tous les pays du monde. Les personnes affectées par ces troubles sont souvent exposées à l'isolement social et à la détérioration de leur niveau de vie. Les mêmes chiffres indiquent que les moyennes de décès chez cette catégorie de personnes sont élevées. Ainsi, la dépression est un sentiment de peine, de tristesse et de désespoir. C'est aussi l'incapacité de jouir de n'importe quel évènement heureux ou agréable à vivre. La personne dépressive perd le goût de la vie. Cette maladie se propage dans le monde avec une moyenne qui varie entre 13 et 20% de la population. 7% d'entre eux souffrent de dépression forte.
Et en Tunisie ? Les études réalisées dans plusieurs pays du monde révèlent que cette maladie touche toutes les tranches d'âge mais elle est plus accentuée chez le troisième et le quatrième âge. Selon le sexe, les femmes sont exposées à la dépression à peu près deux fois plus que les hommes. Et elles le sont plus encore quand elles sont mariées. Tant dis que les hommes souffrent de la dépression spécialement quand ils deviennent veufs ou divorcés. Les personnes qui souffrent de maladies chroniques ou graves, les alcooliques, les drogués, les prisonniers sont aussi plus exposés que d'autres à la dépression. En Tunisie, les études ont révélé que la dépression touche 8,2% de la population (selon une étude réalisée par le Dr. Héchmi Zouhir en 1995) et que 24,6% des personnes qui consultent les centres de santé de base en sont atteintes (selon une étude du Dr. Mejda Cheour réalisée en 2006-2007). Parmi les problèmes causant la dépression : la perte d'une personne chère, la perte d'un niveau social ou économique bien déterminé, la séparation après une relation amoureuse, la réalisation d'une tâche en dessous ou en deçà des compétences de la personne ou aussi le fait de vivre avec une autre personne déprimée. Comme pour toute autre maladie, le dépistage précoce demeure la meilleure des solutions pour pouvoir se traiter et guérir avant qu'elle ne se développe. A cet effet, le médecin de première ligne joue un rôle important dans le dépistage précoce, le conseil et le suivi des malades. Il les oriente aussi vers un spécialiste en cas de besoin. Afef BEN ABDELJELIL
*** Dr. Mejda Cheour, Psychiatre à l'hôpital Errazi " Les gens tardent encore à recourir au psy "
Le Temps : Comment reconnaît-on une dépression ?
Dr. Mejda Cheour : On diagnostique une dépression lorsqu'on a deux symptômes essentiels : l'humeur dépressive ou triste et un ralentissement psychomoteur. Le malade ressent une grande fatigue et perd tout plaisir. Ceci en plus des signes associés comme l'anxiété, les troubles de sommeil et de l'appétit, l'asthénie. Il peut y avoir aussi des douleurs et des manifestations somatiques. Il faut que cette situation dure au moins quinze jours pour que l'on puisse parler de dépression.
En quoi consiste le traitement ? On ne peut traiter cette pathologie qu'après en avoir cherché les causes. Celles-ci, peuvent être endogènes. C'est-à-dire qu'on ne lui trouve pas de raison apparente. Elles peuvent être aussi réactionnelles suite à des évènements bien précis. Il y a aussi les causes liées à l'épuisement et les causes secondaires à des maladies somatiques. Le traitement se base essentiellement sur des antidépresseurs qui sont efficaces dans 60 à 70% des cas. Et selon les cas, on peut les associer à des psychothérapies sinon à un accompagnement psychologique. Le risque majeur de la dépression c'est qu'on peut faire des tentatives de suicide.
Quelle est la tranche d'âge la plus exposée à la dépression ? La dépression touche tous les âges mais avec un pic chez les personnes âgées entre 25 et 55 ans et une prédominance féminine (Deux femmes pour un homme). C'est une pathologie qui peut affecter aussi les enfants. Dans ce cas on constate des troubles du comportement. L'enfant devient agité et ses résultats scolaires chutent. Les adolescents, eux, tombent dans des addictions (Ils fument, ils boivent de l'alcool ou consomment même des drogues).
Est-ce que les gens reconnaissent facilement leur maladie ? Quelques uns oui. D'autres non. Souvent ils pensent qu'ils sont malades d'autre chose. Ils consultent le médecin pour des céphalées ou autres manifestations somatiques mais ne savent pas qu'ils sont dépressifs. Bien des malades refusent complètement d'aller consulter un médecin tellement ils dépriment et pensent que rien ne pourrait les aider à surmonter cette phase. C'est souvent l'entourage qui va les pousser à se soigner suite aux troubles du caractère. Dans certains cas, c'est malheureusement une tentative de suicide qui va révéler cette dépression.
Est-ce que le Tunisien est devenu plus conscient qu'avant de la nécessité de consulter un psychiatre ou un psychologue ?
C'est vrai que les gens tardent encore à recourir au psy. Mais il faut dire qu'ils sont quand même beaucoup plus nombreux qu'avant. Ils ont encore peur de la stigmatisation des malades mentaux et c'est aussi le cas dans plusieurs pays du monde.