Au départ, un décès du fils aîné de la famille, celui qui était seul soutien, parti dans un monde meilleur, laissant derrière lui un père inactif malgré ses cinquante-deux ans, une mère paralysée se déplaçant sur une chaise roulante, une sœur de vingt-deux ans et un jeune frère de dix ans. Une petite famille qui a connu des moments des plus difficiles, tant le jeune homme était leur véritable et unique soutien. Après lui, tout a été chamboulé, au point de vivre des jours et des semaines de misère, sans compter le désespoir qui étreignait leurs cœurs. C'est à partir de là que les choses vont se dégrader graduellement au sein de cette famille, allée carrément à la dérive, d'autant que son chef avait littéralement décroché ; il en est devenu acariâtre lui-même, puisque ne trouvant souvent plus le prix d'une cigarette dont il était "prisonnier" ! En tout cas, en guise d'échappatoire, il n'a pas trouvé mieux que d'exercer une pression terrible et continue afin de pousser sa fille à chercher du travail pour subvenir aux besoins de la famille. Comme si les boulots couraient les rues attendant justement la bienséance de sa progéniture ! La jeune fille, se sentant elle-même oppressée, n'a pas chômé, elle s'est démenée comme un beau diable, s'esquintant les pieds à la recherche d'une quelconque place où se caser. Les temps étaient cependant durs, très durs ! En désespoir de cause, elle s'est même résignée pour travailler chez des ménages de temps à autre, mais pour ne ramasser finalement que quelques broutilles. Pourtant, malgré ses efforts continus et déployés tout au long du mois, les scènes n'ont pas pour autant cessé, bien au contraire, le paternel réclamait, ou plutôt exigeait encore plus. Il en est même arrivé à lui donner certains "conseils" afin de chiper quelques gadgets chez ses employeurs, pour arrondir ses fins des mois. Or, c'était toujours insuffisant, d'où l'idée de chercher un truc infaillible et sûr, celui du vieux métier du monde, une activité évidemment des plus rentables ! Une fois décidé, le paternel indigne aurait mis lui-même la main à la pâte, montrant le chemin à suivre à sa fille, dont les connaissances dans ce domaine étaient tout à fait nulles. Bref, la jeune fille s'est trouvée du jour au lendemain à "s'inviter" chez quelques bonshommes recrutés au hasard, souvent même au gré des humeurs de son paternel. Il y en avait cependant un, parmi ces clients, un père de famille lui-même pourtant, qui est devenu un des plus fidèles, sinon un assidu et un admirateur de la fille, tant et si bien qu'il a fini par louer une petite piaule du côté de la banlieue sud où il passait des moments agréables avec son admirée. Il la payait par ailleurs chichement, puisqu'il lui refilait cinquante dinars à l'issue de chaque rencontre. L'argent, bien entendu, file carrément dans les poches du père de plus en plus gourmand et cupide à n'en pas finir. Un tel manège n'était toutefois pas pour durer éternellement. Il a fallu en effet, l'intervention de quelques voisins curieux et indiscrets afin de commencer, d'abord à jaser, ensuite à parler, et même à alerter les auxiliaires de la justice, dont les investigations et l'enquête menée tambour battant, leur ont permis d'arrêter la fille et son client préféré en flagrant délit. Une fois coincée, la fille allait tout déballer dès le début, racontant son histoire dans les détails, et soutenue, dans ses déclarations par le client, également acculé à avouer ses relations. Quant au père, il a évidemment commencé par nier toute implication, affirmant ignorer tout des activités de sa progéniture, avant de finir par tout avouer. Jeudi dernier, le trio allait en tout cas comparaître pour jugement, le client écopant finalement de deux ans de prison ferme, tandis que la fille, en partie victime de l'ascendance exercée par son tuteur, a été condamnée à trois mois de prison ferme. La Cour aurait été très indulgente envers la jeune fille, pour lui permettre un retour rapide auprès de sa mère, alitée. Le père, instigateur, par qui le scandale est arrivé, a eu cependant le culot de solliciter lui-même la clémence de la Cour, allant jusqu'à demander l'acquittement pur et simple ! La Cour en a vu cependant autrement en reportant son affaire à jeudi prochain, 14 janvier courant...