Le nouveau film de Leos Carax, surnommé le nouveau Godard du cinéma français, « Holy Motors » a partagé la Croisette en deux entre ceux qui adorent et ceux qui détestent cet opus réalisé de manière assez extravagante. Chef-d'œuvre crient les uns et nullité disent les autres. Le film raconte l'histoire d'un homme campé par Denis Lavant, qui parcourt Paris en limousine le soir et se métamorphose en plusieurs personnalités : clochard russe, mendiante, tueur à gages, banquier, monsieur Merde etc. On ne saura jamais pourquoi il fait cela c'est juste sans doute « Pour la beauté du geste » comme il le dit.
Leos Carax, devenu célèbre grâce à son film « Les amants du pont neuf », met les spectateurs en haleine sans rien dévoiler de ses intentions. En tout cas, on aura compris qu'il parle d'un certain cinéma qui n'existe plus, envahi de nos jours par le numérique et le 3D. Le film assez surréaliste est truffé de clins d'œil à certains chefs d'œuvre d'autrefois. Il joue à la fois de la beauté et de la laideur, de l'innocence et de la mesquinerie, de la mélancolie et du nihilisme. C'est « la Belle et la Bête » ou encore « Boudu sauvé des eaux », Denis Lavant et Kylie Minogue sur le toit du célèbre magasin La Samaritaine voué à devenir un hôtel. C'est une époque qui s'éteint et une autre qui apparait. Tout cela est mis en scène de manière brutale mais l'effet de distanciation à travers le dispositif des miroirs, des vitres de voiture mis en place donne au film un côté lyrique inattendu.
Les références cinéphiliques ne manquent pas au grand bonheur des amateurs de cinéma. « Holy Motors » s'en nourrit sans jamais crouler sous leur poids. Sans être un film à sketches, son montage fluide lui confère un aspect onirique appréciable. Un rêve éveillé ou un profond cauchemar, c'est selon où on cherche à se placer. Mais c'est surtout encore une fois « A la poursuite de la beauté du geste. Du moteur de l'action ». Le moteur des limousines qui font rêver plus d'un mais aussi celui de la caméra traditionnelle remplacée aujourd'hui par la caméra numérique, on ne dit plus « action » mais « power ». A la fin du film, le réalisateur lance un dialogue entre les limousines rangées pour la nuit au garage.