* Un cahier des charges datant d'octobre 2008 ne fait pas l'unanimité. Et puis le volet des sanctions à l'endroit des faussaires est plutôt tendre… A l'époque des téléphones fixes « propriété de l'Etat », les appareils tombaient très rarement en panne et, en dehors des techniciens de la Poste et de quelques horlogers bricoleurs, il n'y avait vraiment pas de réparateurs spécialisés chez qui il fallait les porter. Aujourd'hui et depuis un peu plus de 10 ans, on en voit partout. La frénésie de la téléphonie mobile leur rend désormais de précieux services en mettant sur le marché et entre les mains d'acheteurs indélicats de plus en plus de gadgets fragiles fabriqués justement pour ne pas durer. D'autre part, l'achat très fréquent par les Tunisiens, de portables d'occasion profite aussi à ces « mécaniciens » d'un genre récent. En utilisant cette comparaison sans doute vexatoire pour les vrais professionnels, nous pensons surtout aux milliers de clients qui ont fait les frais de l'incompétence et de l'inexpérience des premiers réparateurs de téléphones portables. Mais, à dire la vérité, les choses tendent à s'organiser actuellement, surtout depuis l'institution en octobre 2008 d'un cahier des charges qui règlemente l'exercice de ce nouveau métier. Ce cahier comporte 26 articles qui malheureusement ne font pas tous l'unanimité parmi les professionnels. A preuve, les réserves suivantes émises par le jeune Sami Ghazouani, réparateur installé à Bab Jédid. Une aberration « Je trouve aberrant qu'on exige de nous un local de 9 mètres carrés et surtout d'y aménager des WC. Imaginez ça ! Des toilettes ici ? Pourquoi faire ? Vous en comprendriez la nécessité, vous, si vous étiez à ma place ? Ce n'est tout de même pas un café ni un restaurant que j'ai ouvert. Mes clients ne passent pas plus de quelques minutes dans la boutique. Ils ne viennent pas y satisfaire un besoin corporel pressant. Et puis, est-ce vraiment confortable pour moi de travailler et de recevoir la clientèle tout près d'un cabinet de W.C ? En ce qui concerne la superficie du local, je trouve que cela n'a pas de véritable impact sur la qualité de nos services. Par contre, cela nous coûte de louer une boutique spacieuse. Nous sommes de petits commerçants et notre capital comme nos bénéfices se ressentiraient de toutes sortes de charges plus lourdes que celles que nous supportons déjà ! » Laissons le client juger ! « On nous demande aussi d'afficher le détail de nos tarifs. C'est une autre aberration du cahier des charges. Est-ce que je vends des articles à prix fixe, moi ? Il me faudrait un tableau géant pour y inscrire les tarifs de toutes mes prestations, parce que je répare des centaines de modèles de portables et dans chaque appareil des défauts différents. Comment détailler tout ça ? Certes, je dois annoncer mon prix au client ; et c'est à lui de l'accepter ou d'aller voir ailleurs. Beaucoup d'autres soi-disant réparateurs proposent leurs services à moins cher qu'ici. Mais leurs clients n'en voudront qu'à eux-mêmes s'ils sont escroqués ou si leur appareil s'en trouve complètement détraqué. Le Tunisien aime marchander en tout ; mais il paie convenablement le travail bien fait. Je n'ai pas intérêt à arnaquer mes clients, cela me fera de la mauvaise publicité. » Comment lutter contre les faussaires ? « J'ai des réserves aussi sur le devis à livrer au client : déjà pour le remplir, je perdrais environ 30 minutes sur mon temps de travail. Mais ce n'est rien devant l'interdiction d'ouvrir le boîtier du portable et d'intervenir sur certaines fonctions internes de l'appareil. Je comprends que l'on veuille lutter contre la commercialisation des téléphones volés. Certains réparateurs modifient des programmes et des numéros de série pour pouvoir revendre l'appareil de manière pseudo-légale. Pour de telles opérations délicates, ils se dotent d'appareils sophistiqués qui coûtent très cher. Mais ces engins nous sont indispensables à nous autres également dans de nombreuses réparations autorisées qui rapportent l'essentiel de nos gains. Si l'on nous interdit ou confisque ce matériel, que nous laisse-t-on pour pouvoir rentrer dans nos frais ? Je remarque par ailleurs que dans l'application de ce règlement, on consent quelques exceptions. En effet, certains réparateurs continuent en toute impunité d'utiliser le matériel interdit. Pourquoi procède-t-on dans ce cas selon la règle des « deux poids, deux mesures » ? Personnellement, je propose de contrôler autrement notre secteur et les faussaires (peu nombreux, en fait) qui s'y sont infiltrés. On peut par exemple se présenter en client pour demander au réparateur des opérations illégales. S'il accepte, c'est qu'il y est habitué ! Pour conclure je dirai que ce cahier des charges n'a pas été précédé d'une étude objective et profonde de l'activité qu'il concerne. » Badreddine BEN HENDA ------------------------------------------------ Ces cahiers des charges que personne ne respecte ! Une des premières questions qui nous est venue à l'esprit après avoir enregistré les réponses de ce jeune réparateur de portables est de savoir si les cahiers des charges des diverses activités commerciales sont conçus par des personnes qui connaissent parfaitement le domaine qu'ils se proposent d'organiser, s'ils savent toutes les contraintes qu'il impose et tous les besoins de ses professionnels. La deuxième question concerne l'application des règlements fixés par ce type de cahiers : Nous sommes en effet presque certains que sur l'ensemble des réparateurs de portables dont l'activité est autorisée en Tunisie, très peu sont ceux qui respectent à la lettre les 26 consignes du cahier des charges les concernant. Si l'on appliquait strictement la loi dans ce domaine, des centaines de locaux seraient fermés à travers la république. Le fait de n'exiger aucun diplôme spécifique pour l'ouverture de ce commerce a autorisé tous les incompétents à s'y adonner et à s'y permettre tous les abus et parfois tous les méfaits. La troisième question concerne justement le contrôle de cette activité au sein de laquelle fleurit, depuis des années maintenant, le commerce des faussaires. On parle de sanctions dans le cahier des charges ; mais de quoi s'agit-il en fait ? D'avertissement et de fermeture du local pendant un mois ! Est-ce avec de telles punitions qu'on dissuade les contrevenants ? On a vu ce que cela a donné dans bien d'autres activités perméables à la fraude en tous genres ! Un premier avertissement, puis un deuxième, et un troisième ; une première amende puis une deuxième puis une troisième sans que jamais la contravention n'assagisse le fraudeur. En définitive, nos cahiers de charges sont comme les fusils déchargés qu'on brandit juste pour faire peur à l'ennemi. Mais comme cet « ennemi » a compris le jeu, il en tire tous les bénéfices possibles et de temps à autre jette des miettes aux autres profiteurs !