Depuis l'an 2000, s'il y a un métier qui a connu un boom en Tunisie serait celui des réparateurs des téléphones portables. Cette poussée vertigineuse de ce nouveau job, durant cette dernière décennie se fait sentir à chaque coin de rue. Tel des champignons, les ateliers et les boutiques qui offrent le service réparation GSM ont vu leur nombre se multiplier avec une vitesse « grand V » ! Certes ce phénomène social s'explique par un certain comportement du consommateur tunisien qui préfère réparer son téléphone portable au lieu d'acheter un nouvel appareil tant que le pouvoir d'achat nous impose sa dure réalité. Mais si on décortique un tout petit peu ce Big bang d'un métier des temps modernes, on remarquera qu'au sein de ce secteur règne une anarchie totale ! Une formation « Fast-Food » de 40 heures ! En effet, pour ouvrir un atelier de réparation de GSM, un simple diplôme ou un certificat décroché d'un centre de formation peuvent faire l'affaire : une formation « fast-food » de 40 heures, « tirée par les cheveux » selon les dits des ingénieurs en électronique, reste le sésame tant convoité d'une jeunesse rêveuse d'un avenir à la Steve Jobs… Sur ce point, Khaled, réparateur de portables à Bab el Khadra, nous a confié : « J'ai suivi une formation accélérée en 2003. Dès le début, j'ai su que je n'apprendrais que dalle vu le niveau de la formation qui frôlait par moments le ridicule avec des supports de cours sans schémas. On ne savait même pas les composantes internes d'un portable. Pour être honnête, j'ai appris le métier auprès d'un apprenti que j'ai embauché. Vous imaginez la honte, être le patron de son Maître ! » Selon Hassan Bani, enseignant dans un centre de formation privé et propriétaire d'un atelier de réparation : « C'est un métier qui séduit beaucoup les jeunes car c'est propre et ça rapporte. Mais il faut dire qu'avec la baisse des prix des téléphones mobiles, la marge des profits à tendance à baisser ces derniers temps. En parallèle, le nombre des postulants à cette formation ne cesse de s'accroitre. Plusieurs font appel à mon atelier pour effectuer un stage payant de 200 dinars (une sorte d'études où l'apprenti paye son Maître S.V.P. !). » Des propos qui nous laissent sidérés et perplexes : comment organiser un tel secteur où règne un chaos total ? Et comment peut-t-on tomber de nos jours sur un bon réparateur : l'oiseau rare? Le téléphone arabe pour dénicher l'oiseau rare Heureusement que chez nous, il y a la magie du fameux téléphone arabe. Ainsi, le « bouche à l'oreille » nous a menés à la galerie 7 novembre, à Tunis, où se trouve le local de Ramzi « Le petit génie » comme aime le surnommer ses frères d'armes dans ce métier des temps modernes. Âgé de 24 ans, fer à souder à la main et air chaud à son côté, Ramzi nous a expliqué qu'il n'a ni diplômes ni certificats mais il a côtoyé selon ses dires les « As » dans ce secteur : son frère et ses cousins qui étaient parmi les premiers réparateurs dans l'arène de ces gladiateurs des cartes mères. Toujours selon lui, avec sept ans d'expérience au compteur, le petit bonhomme s'est forgé une réputation de fer. Ainsi, plusieurs de ses confrères sollicitent son savoir-faire pour résoudre les problèmes techniques qui les rencontrent dans certains matos à réparer : les cas désespérés ! Il ajoute : « Mon ami, je vais vous confier une réalité, dans notre milieu, tous les bons réparateurs que je connais ont fait leur apprentissage en observant les Maîtres en action. Nul ne doute du fait qu'avoir un diplôme reste un gage de réussite. Néanmoins, je connais plusieurs de nos confrères diplômés en électronique qui excellent dans tout ce qui est théorique. En revanche ils se sont cassé la figure faute du manque d'expérience. Car cette dernière nous confie la rigueur, l'organisation sans parler des ficelles du métier qui s'appuie aussi sur le côté marketing : le contact avec le client car il faut savoir comment se faire vendre… Tous ces petits détails vers la fin font la différence. » Les extras services… un filon très juteux Pour les milliers de réparateurs de GSM qui exercent sous nos cieux, l'activité de réparation est associée à des services extra et très juteux. Vu que le prix moyen d'une réparation technique d'un GSM tourne autour de 20 dinars en moyenne. De ce fait, si le réparateur qui en général est locataire de son atelier, se limitait uniquement à ces frais de réparation, le projet ne sera point rentable. Ainsi, des services autres que la réparation conventionnelle restent pour plusieurs de ces boutiques un filon assez lucratif et qui parfois rapporte mieux que leur activité de base. Ces services se résument dans : le chargement de musique à partir d'un PC ou des mélodies de sonneries (par câble ou par le Bluetooth) et le flashage des téléphones mobiles. Les de ses services se situent en général dans une fourchette de 2 à 5 dinars. En plus, tous les réparateurs ont fait de ces services leur chou gras vu leur simplicité et la rapidité de leur exécution. En plus la demande de ses services ne se désemplie jamais surtout du côté des élèves et des lyciens toujours à l'affut de nouveautés et des trucs originaux. Un tabou nommé déblocage Mais le service dont tous les réparateurs évitent d'en parler reste le fameux déblocage. Il s'agit d'une activité illégale qui permet de débloquer un téléphone mobile que fournissent des opérateurs étrangers tel que : Orange, SFR, Vodafone et Bouygues Telecom. Certes, il s'agit d'une tâche très compliquée qui nécessite beaucoup de recherche des différents codes, par exemple le code : code IMEI. Surtout que les opérateurs téléphoniques ces derniers temps ont rendu cette tâche de plus en difficile avec des codes inviolables telle une forteresse digitale. Mais la ruse du jeune tunisien n'a pas de limites. Un des intervenants qui a voulu témoigner sur ce sujet sous le couvert de l'anonymat nous a confié qu'il lui est arrivé de débloquer un Smartphone d'une marque de renommée pour la coquette somme de 80 dinars. Quant à Khaled et Ramzi, ils nous ont précisé que la plupart des téléphones portables qui arrivent entre leurs mains sont en général des téléphones mobiles bas de gamme ou de moyennes gammes telles les célèbres 404 bâchés des téléphones mobiles : NOKIA 3310 et 1200. Quant aux Smartphones et les cellulaires de hautes gammes tel que : le iPHONE, Samsung Omnia, les Blackberry...etc. Ces derniers se font rares dans le circuit et se comptent sur les doigts d'une main. Tout simplement parce que quelqu'un qui possède un tel matos ne sera pas le genre à réparer son téléphone mais plutôt le genre à en acheter un nouveau. Le troc une activité florissante Selon Hassan Bani, à part les sonneries et le déblocage des appareils, une autre activité règne dans le milieu et rapporte beaucoup de blé : c'est le troc (échange d'appareils). Plusieurs préfèrent échanger leurs téléphones mobiles avec d'autres clients. Selon la marque et l'état de l'appareil avec une différence de prix qui est toujours respectée et fixée par le réparateur. D'autre part, plusieurs préfèrent aussi acheter un appareil deuxième main et qui est en bonne état en s'appuyant sur les conseils du réparateur avec le fameux sésame « Ndhifa » (propre en langage arabe). Ainsi, toujours selon Hassan, le réparateur peut tirer un bénéfice dans ses transactions entre 10 et 50 dinars pour un appareil relooké au max (avec un nouveau cache) ! Il faut dire que tout un réseau tourne autour cette activité ! Décidemment, entre frime et nécessité, le téléphone portable de nos jours est devenu incontournable pour le Tunisien. En revanche, tout le monde s'est réjouit ses derniers temps par l'annonce d'une réforme de ce secteur à travers plusieurs mesures drastiques surtout au niveau de la formation et la divulgation des diplômes. Fini les formateurs non qualifiés et la poussée des boutiques comme des champignons. Sauf que ses mesures tardent à être appliquées. Alors à quand une application concrète sur le terrain de ces mesures? À bon entendeur, salut !