Le Temps-Agences- Les dirigeants civils et militaires turcs se sont engagés hier à régler, dans le cadre des lois et de la Constitution, la crise née de l'arrestation de nombreux militaires soupçonnés d'avoir voulu comploter contre le gouvernement. "Les citoyens doivent être convaincus que les questions d'actualité seront réglées dans un cadre constitutionnel et en vertu des lois", indique un communiqué de la présidence turque au terme d'une réunion d'urgence entre le président Abdullah Gül, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, et le chef d'état-major, le général Ilker Basbug. Les parties ont souligné "la nécessité pour tous d'agir avec responsabilité afin de ne pas affaiblir les institutions [civiles et militaires] lors de ce processus", selon le texte. A l'issue de la réunion, Erdogan n'a pas caché sa satisfaction, disant que l'entretien s'était "très bien passé". Néanmoins, certains observateurs estimaient que les termes vagues employés dans le communiqué laissent penser que les tensions entre la hiérarchie militaire, l'un des piliers du régime laïc, et le gouvernement ne semblent pas pour l'heure surmontées même s'il y a une volonté d'apaisement des deux parties. En début de semaine, l'armée avait vu à nouveau sa réputation ébranlée par une offensive judiciaire. Des procureurs d'Istanbul qui instruisent plusieurs dossiers de conspiration visant à renverser le gouvernement du Parti de la justice et du développement qui dirige le pays depuis 2002, ont lancé lundi un coup de filet inédit contre l'élite militaire. Cette rafle a visé quarante-neuf officiers suspectés d'avoir imaginé, en 2003, une opération de déstabilisation de l'AKP. Depuis, un tribunal d'Istanbul a inculpé et ordonné l'incarcération de vingt officiers supérieurs, dont des généraux et amiraux actifs et à la retraite. Douze autres suspects ont été relâchés. L'ex-chef de l'armée de l'air, Ibrahim Firtina, Ozden Ornek, ex-commandant de la marine et Ergin Saygun, ex-numéro 2 de l'état-major des armées, étaient encore interrogés jeudi. L'état-major a réagi mardi en qualifiant la situation de "sérieuse". Le général Basbug a récemment affirmé que le temps des coups d'Etat était révolu en Turquie. Le complot incriminé avait pour nom de code "Masse de forgeron" et visait à semer le chaos en faisant sauter des mosquées à Istanbul pour provoquer des manifestations violentes de rue notamment afin de démontrer l'incompétence de l'AKP, l'objectif final étant une prise du pouvoir par les militaires. L'armée a nié, dénonçant une campagne de dénigrement, bâtie à partir d'un scénario de stratégie militaire. Le cerveau présumé de ce plan, l'ex-général Cetin Dogan, figure parmi les hommes arrêtés. L'armée, qui a renversé quatre gouvernements depuis 1960, était autrefois considérée comme pratiquement intouchable mais sa crédibilité a subi un coup par une succession d'enquêtes sur de présumés complots visant ses rangs ces dernières années.