Lancée en 1996, la télémédecine n'a pas connu un grand essor en Tunisie. A l'exception des deux premières années d'exercice, cette expérience s'est ralentie pour ne pas dire qu'elle a stagné. Il a fallu attendre presque dix ans pour penser de nouveau aux modalités tendant à redynamiser et à promouvoir cette spécialité. En fait, un comité de réflexion au sein du ministère de la Santé publique s'est penché durant ces trois dernières années sur le sujet et a formulé un ensemble de recommandations qui seront d'ailleurs présentées par les rapporteurs lors du 1er congrès de télémédecine qui se tiendra le 13 mars à la cité technologique des communications à El Ghazala à l'initiative de la Société Tunisienne de Télémédecine et e-Santé. Mieux encore, « le congrès sera une occasion pour parler d'un éventuel recours à un opérateur de télémédecine et ce dans le cadre d'un partenariat publique-privé » déclare le Professeur Aziz El Matri, président de la Société Tunisienne de Télémédecine et e-santé. Une option ambitieuse mais « qui nécessite une étude de faisabilité approfondie. Elle pourra être confiée d'ailleurs, à un bureau d'études spécialisé », signale le président de la société. « Toute cette dynamique s'inscrit dans le cadre du rapprochement des soins spécialisés des citoyens et de la concrétisation de la nouvelle orientation de la Tunisie relative à l'exportation des services de santé », ajoute la même source. Une technique certes développée qui permettra à notre pays de se tailler une bonne position dans le domaine. En donnant un nouvel élan à cette technologie, la Tunisie pourra aussi mieux se positionner en termes de tourisme de santé. Notamment, « la télésurveillance jouera un rôle primordial par rapport à ce point », précise le spécialiste tout en ajoutant que les maisons de retraite pour étrangers qui s'installeraient dans notre pays auront plus de confiance en le savoir-faire tunisien une fois la télémédecine implantée sur des bases solides. Enjeux Conscient des enjeux de cette technologie, le ministère de la Santé publique envisage d'établir un cahier des charges pour les modalités de fonctionnement du nouveau système et la réglementation régissant le secteur. D'ailleurs, quatre commissions (place de la télémédecine dans le système de santé, les protocoles, les aspects déontologiques et juridique et l'aspect financier) ont travaillé sur le sujet et ont mis l'accent sur deux aspects : à savoir les volets juridique et celui financier. « Deux aspects importants pour relancer cette expérience », précise le spécialiste. Faisant un flash-back sur la télémédecine en Tunisie, le Pr El Matri a rappelé que l'expérience tunisienne en télémédecine date d'octobre 1996. A cette époque une liaison a été effectuée entre l'hôpital de la Rabta et l'hôpital Paul Brousse à Paris. La même année, le ministère de la Santé publique a opté, dans le cadre de son plan informatique stratégique, pour l'introduction de la technique comme outil de travail dans les établissements de santé. Plusieurs objectifs ont d'ailleurs été fixés à cette époque. Le ministère vise en effet à exploiter judicieusement les équipements lourds tels que les scanners avec pour finalité de diminuer les évacuations inutiles d'un hôpital régional vers un établissement de référence et d'échanger les dossiers médicaux. Les autres objectifs tracés se présentent comme suit ; la possibilité d'un deuxième avis médical dans les cas d'urgences, la pratique des télé-staffs par l'usage des visioconférences, la coopération scientifique et médicale avec les pays étrangers et le développement de FMC (Formation Médicale Continue) à travers un réseau de téléenseignement. Toujours dans le même contexte, le Pr El Matri a rappelé que les premières liaisons permanentes datent de 1997 et ce en effectuant la télé radiologie entre l'hôpital d'enfants à Tunis et l'hôpital d'enfants de la Timone à Marseille. D'autres télé radiologies et viséo-conférences ont eu lieu entre l'Institut Salah Azaïez à Tunis, l'hôpital Frarhat Hached à Sousse, le Centre La Cassagne à Nice et l'hôpital Habib Bourguiba à Sfax. Expérience limitée Par ailleurs, il importe de dire que cette activité reste limitée au secteur public. Neuf hôpitaux généraux et cinq centres spécialisés monopolisent cette activité. Ils sont majoritairement installés dans le Grand-Tunis. En revanche six hôpitaux régionaux seulement utilisent cette technique et ce dans les régions du Kef, Jendouba, Gabès, Gafsa, Mahdia et Kébili. Ce déséquilibre existe depuis le lancement de l'expérience. « Alors qu'il fallait consolider la technique dans les régions qui ont plus besoin de l'assistance et du savoir-faire des CHU », précise le professeur tout en ajoutant que la majorité des équipements ont été installés et financés par le ministère de tutelle. Quelques centres ont été équipés dans le cadre de la coopération internationale mais ils ont cessé toute activité. En effet, les stations installées à l'hôpital Razi à la Manouba et à l'hôpital Habib Thameur se sont arrêtées à la fin du projet. L'expérience remonte d'ailleurs à dix ans en arrière. Il est donc temps de relancer la télémédecine en Tunisie sur des bases solides. C'est ce que le ministère compte faire. Un service basé sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, d'une bonne qualité et surtout pas plus cher que celui offert actuellement. Sana FARHAT ---------------------------------------------- La télémédecine en Tunisie Il existe en Tunisie 23 sites. * Visioconférences : 20. * Télé radiologie : 13 dont 12 avec les visioconférences. * Télé pathologie : 3 avec les visioconférences. Les moyens de communication assurant cette activité ; le réseau numérique à intégration de service, le satellite et l'Internet. Les projets de coopération internationale *Coopération tuniso-espagnole ; en cours *Coopération tuniso-italienne : suspendue. *Coopération tuniso-indienne (dans le cadre d'un projet indo-africain) en phase d'étude. ---------------------------------------------- 1er congrès de télémédecine En organisant le 1er congrès de télémédecine, le 13 du mois en cours, la Société Tunisienne de Télémédecine et e-Santé a pour objectif de réunir des experts nationaux et internationaux de la télémédecine ainsi que des spécialistes de la santé et des technologies de l'information et de la communication appartenant au secteur public et privé et Tunisie et à l'étranger. Le programme comprend des conférences d'experts et un symposium professionnel qui vise à faire connaître les possibilités qu'offre la télémédecine, à examiner ses techniques et technologies innovantes et à échanger les expériences acquises lors des projets de son déploiement. Une table ronde ayant pour thème « cadre de déploiement de la télémédecine en Tunisie » permettra de discuter la préparation du cadre réglementaire de cette pratique ainsi que l'étude des possibilités de collaboration entre les différents acteurs publics et privés pour mener à bien des projets de fourniture des services de télémédecine en Tunisie. A l'ordre du jour plusieurs communications seront assurées par des spécialistes nationaux et internationaux. Notamment, Pr El Matri parlera des objectifs et des apports de la télémédecine pour le secteur de la santé en Tunisie. Les professeurs Lotfi Hendaoui et Abderraouf Cherif évoqueront le dossier médical informatisé. Les solutions technologiques et normes pour les services de télémédecine seront présentées par le Pr. Méhand Guiddir, Directeur Général technique Altran et Télécom et Média, Paris et Herve Algrin, Directeur de développement, Orange Healthcare, Paris. Toujours dans le même cadre, la communication de Vincent Hazebroucq Professeur de radiologie à l'hôpital Cochin à Paris portera sur les conditions de déploiement de la télé radiologie : cadre juridique, tarification, protocoles médicaux, gestion des installation techniques…Des exemples de projets de déploiement de la télémédecine à travers le monde seront présentés Line Kleinebreil, responsable de la télémédecine à l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris.