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La plume
Les mots déchaînés
Publié dans Le Temps le 13 - 03 - 2010

Personne ne connaît cet homme hors des lieux publics. Il vivait dehors. Tout le temps. On pouvait le rencontrer à six heures du matin flânant seul ou en compagnie d'un petit groupe d'amis ou à minuit attardé à une table où ses convives se chamaillaient pour un sujet d'actualité. Il ne parlait presque jamais. Cela n'empêche, il était toujours entouré et la table qu'il occupait dans telle brasserie ou tel restaurant ne désemplissait jamais.
Des jeunes affairistes ou fonctionnaires qui passaient le saluer après le travail et qu'il accueillait avec douceur et plaisir, quelques fans mais surtout beaucoup d'artistes. Des musiciens, des peintres, des poètes...
Il était extrêmement sollicité parce que se montrer en sa compagnie était comme une carte d'accès au monde marginal qu'il incarnait. Ceux qu'il n'aimait pas étaient radicalement chassés non seulement de sa table mais du lien public où il se trouvait et quelques fois même des rues qu'il fréquentait. Personne ne savait exactement quel pouvoir il possédait ni qui l'appuyait dans ses décisions secrètes. Les spéculations allaient bon train à son sujet.
Certains disaient qu'il avait des liens avec le milieu interlope de la ville, d'autres avec l'administration... Mais ceux qui l'entouraient de près, savaient que le seul pouvoir réellement efficace qu'il avait, était sa plume.
Au beau milieu d'un brouhaha assourdissant, il sortait quelques papiers et son vieux stylo à encre et pendant quelques minutes, son corps va trembler insufflant le mouvement à suivre à sa main. Une transe où il dit ne penser à rien. C'est la main seule qui dicte l'écriture. Son corps et son cerveau servent uniquement de pont entre l'univers lointain et occulte d'où les mots découlent et le papier blanc.
Le sujet était rarement préparé d'avance. Et si cela arrivait, le texte final n'a souvent rien à voir avec le sujet auquel il avait pensé. Le texte sera pas la suite publié par un journal de la place. Il en changeait souvent parce qu'il était instable selon ses détracteurs, poète selon ses amis.
N'empêche que tous les artistes s'impatientaient de voir un article les concernant portant sa signature. Cela leur portrait bonheur à ce qu'ils disaient. Quelquefois il quittait la rue dont il se nourrissait pour écrire dans les locaux du journal auquel il était inféodé pour une plus ou moins courte durée.
Il s'asseyait alors à sa table, et sortait du papier et subitement la main tenant le stylo à encre commence à sillonner les pages blanches.
Quand la transe est achevée, il demeure un moment étourdi puis reprenait ses sens et ses petites affaires et se hâtait de regagner la rue.
Il reviendra, ainsi, pendant quelques jours de suite puis disparaîtra pour réapparaître quelque mois plus tard dans tel ou tel journal.
Il n'y avait généralement aucune raison convaincante à ces départs. Jamais aucun problème avec les gens de la profession ni avec l'autorité de tutelle. Il savait comment faire parvenir ce qu'il voulait dire à travers le chas d'une aiguille. Il était passé maître dans l'art de dire sans se faire coincer. Et puis un jour vint, où ayant laissé traîner quelques papiers et son vieux stylo à encore sur la table où il écrivait, on ne le vit plus revenir.
Cette absence était surprenante. Il ne se séparait jamais de son vieux stylo. On donna l'ordre de ne pas toucher à la table. Le lendemain les collègues furent étonnés de trouver un nouvel article signé de sa main. Mais nulle trace de lui. Serait-il passé au journal dans la nuit ? Impossible ! Mais on redoubla la garde. Rien n'y fit. Personne n'est entré mais ses collègues trouvèrent encore un article inachevé parce qu'il n'y avait visiblement plus de feuilles blanches. Il détestait écrire sur ce papier rêche et grisâtre qu'on appelle beefsteak dans le jargon journalistique. Il adorait le papier blanc.
Tous autour de lui s'étaient mis à l'ordinateur. Il continuait à aimer le papier blanc et son vieux stylo à encre.
Une des journalistes présentes eut l'idée de remettre des feuilles blanches sur sa table. Le lendemain l'article était achevé.
Mais nulle trace de l'auteur. On installa une caméra au-dessus de la table pour voir ce qui se passait la nuit. Elle ne put rien saisir mais le lendemain, un autre article était signé.
Consternation générale ! Mais la journaliste qui continuait à lui fournir du papier blanc semblait trouver l'événement absolument ordinaire. A force de lire ses textes, elle a fini par percer mystère de la véritable texture de son existence. Il était fait de mercure dansant.
Un beau matin, alors, que tous vaquaient à leurs occupations, elle entendit comme un léger frôlement venant de la table de l'absent. Elle se tourna et vit le vieux stylo écrire tout seul comme si une main invisible le tenait. Il écrivit juste cette phrase et se rendormit :
"Regarde-moi bien. Je suis dans tes yeux"


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